Au cours des vingt dernières années, la filière du gemmage a connu un nouvel essor en Europe et le Brésil est devenu le premier exportateur mondial.
Cet article contribue ainsi à mettre à jour les connaissances sur ce produit non-ligneux, et à informer les acteurs européens de la conjoncture du marché de la gemme. En effet, les données de commerce international de la gemme et des produits de première transformation que sont la colophane et la térébenthine ne sont pas toujours évidentes à interpréter à cause de l’opacité des données douanières des différents pays. Il est donc délicat d’estimer les volumes importés et exportés pour l’ensemble des pays impliqués dans le secteur de la gemme. De plus, les achats ponctuels et les ventes instables dans le temps ne permettent pas d’identifier de tendances ayant une influence significative sur les acteurs commerciaux. La conjecture du marché transparaît le mieux avec l’analyse des échanges commerciaux de la Chine et du Brésil, principaux acteurs sur le marché international. Le marché des produits de la gemme n’étant pas isolé, il est nécessaire de faire le point sur les concurrents dérivés du « Tall oil » ou d’hydrocarbures.
Cet article reprend en partie une note de conjecture sur le marché de la résine qui a été réalisée dans le cadre du projet européen SustForest+.
L’humanité utilise la gemme depuis l’Antiquité et au temps des grandes navigations, ce produit était utilisé pour le calfatage des navires. C’est la raison pour laquelle le secteur était alors appelé « Naval Stores » durant le XXe siècle. Plus récemment, avec le développement de l’industrie chimique, le secteur d’activité a été renommé « Pine Chemicals ».
Les matières premières de l’industrie « Pine Chemicals » peuvent être obtenues par deux moyens : le gemmage des pins, et la récupération de savons et de l’essence de papeterie issus du procédé kraft en usine de fabrication du papier (Tall oil). Les résines produites à partir d’hydrocarbures concurrencent également les dérivés de la gemme sur ce marché.
La gemme de pin est une substance de défense pour les arbres résineux. Elle est exsudée des arbres lorsque l’écorce est retirée. C’est un produit naturel, renouvelable et durable. La gemme est essentiellement composée d’acides résiniques (la colophane de gemme) et de produits terpéniques (l’essence de térébenthine).
Lorsque la résine est obtenue à partir du gemmage, elle doit dans la plupart des cas être filtrée et décantée dans le but d’éliminer les impuretés et l’eau qu’elle contient. La gemme est ensuite distillée et c’est lors de cette étape que sont séparées la colophane et la térébenthine.
Selon la Pine Chemicals Association, le volume de gemme produite dans le monde s’élevait à 923 000 tonnes en 2019. 88 % de cette gemme a été produite dans trois pays : 507 000 tonnes en Chine, 220 000 tonnes au Brésil et 100 000 tonnes en Indonésie. En Europe, les deux principaux producteurs de gemme ont été l’Espagne avec 12 000 tonnes et le Portugal avec 7 000 tonnes.
Chaque pays utilise une ou plusieurs méthodes de gemmage. Les techniques les plus utilisées de nos jours sont présentées ci-dessous.
L’activité de gemmage est durable mais ce sont des forêts natives qui sont utilisées dans la plupart des pays qui la pratiquent. Un nombre réduit de pays ont mis en place des programmes d’amélioration génétique pour les arbres du genre Pinus, visant à sélectionner des individus présentant un plus grand potentiel de production de gemme et à un stade précoce. Actuellement, des pinèdes bénéficiant de cette sélection sont plantées au Brésil, en Argentine et au Mexique avec pour objectif principal la production de gemme. Dans ce cas, l’activité de gemmage est parfois plus rentable que la production de bois, celui-ci pouvant alors être considéré comme un sous-produit.
Un autre facteur de grande importance dans la rentabilité du gemmage est l’utilisation de stimulants. Bien que la Chine soit le principal producteur de gemme au monde, ce pays n’utilise pas de stimulants. L’Indonésie, qui est le troisième plus grand producteur de gemme, utilise une technique ancienne de pulvérisation d’acide sulfurique après piquage. Le Brésil, l’Argentine, le Mexique, le Portugal et l’Espagne utilisent un stimulant constitué d’un acide et appliqué sous forme de pâte visant à retarder la fermeture des canaux résinifères après les blessures.
L’avenir du gemmage en Europe dépendra nécessairement d’une plus grande efficacité qui devrait être atteinte en combinant plusieurs facteurs :
— implantation de forêts sélectionnées pour une grande productivité en gemme ;
— amélioration des performances des stimulants ;
— développement de nouvelles techniques d’exploitation au travers de la mécanisation de certaines tâches.
Un produit analogue à la colophane de gemme peut être obtenu à partir de sous-produits de l’industrie papetière. Les savons récupérés à l’issue du procédé kraft peuvent être transformés en Tall oil par acidulation. La distillation du Tall oil conduit à la séparation de trois produits : la colophane de Tall oil, les acides gras et la poix. Il est également possible d’extraire de l’essence de papeterie ou CST (Crude Sulphate Turpentine) en récupérant par condensation des gaz issus du processus de cuisson des copeaux de bois dans les digesteurs. L’essence de papeterie a dans certains cas les mêmes applications que la térébenthine de gemme.
Les plus grands producteurs de colophane de Tall oil se trouvent aux États-Unis et en Europe. C’est la grande capacité de leurs unités de production et leur situation géographique dans les pays développés qui différencient le plus ces fabricants des distillateurs de gemme. À ce jour, la capacité minimale d’une unité de distillation de Tall oil est de 100 000 tonnes par an, alors que la plupart des unités de distillation de gemme ont une capacité inférieure à 20 000 tonnes par an.
Dans le cas des produits dérivés de la gemme brute, on appelle résines les produits de seconde transformation produits à partir de la colophane et de la térébenthine. Les résines constituent le principal marché en volume pour la colophane de gemme. Celles-ci sont principalement utilisées pour la production d’adhésifs. Sur ce marché, les concurrents majeurs sont les résines à bases de colophane de Tall oil, les résines produites à partir des chaînes d’hydrocarbures C5 et C9 issues du pétrole et les résines terpéniques.
On peut constater une « migration planétaire » de l’activité de gemmage au cours du temps (tableau I).
Tableau I Migration de l’activité de gemmage au cours du temps migration
Premier exportateur mondial |
Pic de production |
---|---|
France |
1936 |
Espagne et Grèce |
1962 |
États-Unis |
1963 |
Portugal et Mexique |
1973 |
Russie et Inde |
1975 |
Pologne |
1976 |
Chine |
2007 |
Brésil |
2019 |
L’essor du gemmage en France a eu lieu à partir du XIXe siècle avec les plantations massives qui ont eu lieu dans les Landes de Gascogne. Le 23 octobre 1920, le gouvernement français interdit les exportations de résine (Bussy, 1971). De ce fait, les pays voisins (Portugal et Espagne) développent la production de résine. La production de gemme française a fortement décliné dans les années 1960 tandis que les États-Unis sont devenus les principaux producteurs mondiaux. À partir des années 1980, la main-d’œuvre devenant de plus en plus coûteuse dans les pays industrialisés, les centres de production se sont déplacés. En Europe et aux États-Unis, la collecte de résine s’est arrêtée ou maintenue à un bas niveau. En Inde, les arbres aptes à être gemmés sont venus à manquer suite à une gestion non durable de la ressource forestière. Pendant ce temps, le Brésil est devenu un important producteur de résine sur le marché mondial et l’Indonésie a elle aussi grandement accru sa production (Coppen, 1995). La Chine demeure jusqu’à présent le plus important producteur de résine au monde mais la diminution récente de ses capacités de production associée à son importante consommation domestique de résine ne lui permet plus d’être le principal exportateur.
La production de gemme à grande échelle au Brésil a débuté dans les années 1970 jusqu’à atteindre 65 000 tonnes au début des années 1980. En 2014, le Brésil a produit 110 000 tonnes de gemme. Cinq ans plus tard, en 2019, la production de résine a doublé et a atteint 220 000 tonnes. Sur la même période, la production de résine en Chine est passée de 821 000 tonnes à 507 000 tonnes.
Les volumes de gemme commercialisés sur le marché international sont relativement faibles. Sur l’année 2019, le commerce de gemme brute sur le marché international a représenté moins de 10 % de la production mondiale de gemme. De ce fait, nous pouvons affirmer qu’il n’existe pas à ce jour de marché international régulier et établi de cette matière première. Une des raisons serait que la gemme brute contient des impuretés qui génèrent une hausse du coût de transport. Il est en effet plus rationnel de transporter la gemme sur de courtes distances vers une usine de distillation située dans la même région ou pays. Dans ce type d’installation, la gemme est séparée en colophane et térébenthine après filtration, décantation et distillation. Ces deux produits sont facilement vendus à l’international, sur un marché actif.
Actuellement, les deux principaux exportateurs de gemme sont le Brésil et la Chine. En 2019, le Brésil a exporté 37 000 tonnes de gemme vers le Portugal, l’Espagne, le Vietnam et la Chine. La même année, la Chine a exporté 30 000 tonnes de gemme vers le Brésil, l’Indonésie, Madagascar, l’Ouganda, la Tanzanie et d’autre pays.
Il y a un peu plus de dix ans, la Chine était le plus grand exportateur mondial de colophane. Cependant, avec son industrialisation rapide et le développement de sa chaîne de transformation de la colophane, ses exportations ont diminué et elle est devenue progressivement importatrice de cette matière première sur le marché international. Les figures 1 et 2 présentent l’évolution de la quantité de colophane de gemme importée et exportée par la Chine ainsi que son prix.
Figure 1 Évolution du prix et du volume de colophane de gemme exportée de Chine depuis 2006
(Source : Rosineb.com)
Figure 2 Évolution du prix et du volume de colophane de gemme importée par la Chine depuis 2013
(Source : Rosineb.com)
Même si elles sont moins marquées, les mêmes tendances existent pour les importations et les exportations de térébenthine de gemme.
La Chine a réduit sa participation en tant que fournisseur mondial de colophane et de térébenthine de gemme en augmentant la part de transformation de ces matières premières en interne et devenant un exportateur de produits transformés à plus grande valeur ajoutée. Pendant ce temps, le Brésil a doublé sa production de gemme au cours des six dernières années. Le Brésil est devenu le leader mondial dans les exportations de résine, de colophane et de térébenthine issus du gemmage.
La figure 3 présente la quantité et le prix des différents produits exportés du Brésil au cours des vingt dernières années.
Figure 3 Évolution du prix et du volume de gemme, de colophane et de térébenthine de gemme depuis 2000
(Source : Brazilian Ministry of Industry and Trade)
FOB : acronyme pour Free on Board. Cet incoterm signifie que la marchandise est vendue sans les frais de transport, les assurances et autres frais et taxes. Le prix indiqué FOB inclut le transport et le chargement à bord du véhicule d’acheminement.
L’augmentation soudaine des prix des produits brésiliens issus de la gemme en 2011 est un effet retardé de la crise de 2008. Cette crise a éclaté mi-septembre 2008. Les commandes en cours faites pour le Brésil ont permis le maintien de la production jusqu’au début de l’année 2009 pendant laquelle la demande en produits issus de la gemme a baissé sur le marché international. Les prix ont également diminué et d’importants stocks de gemme et de colophane de gemme étaient constitués au moment de la décision des investissements pour le gemmage pendant la campagne 2009-2020. La production de gemme a diminué au cours de l’année 2010 et la demande a à nouveau remonté en 2011 mais pas la quantité disponible, ce qui a fait fortement monter les prix. Des pics de prix existent également pour le pétrole en 2008, 2011 et 2014.
En 2018, le prix de l’essence de térébenthine a augmenté en raison d’une hausse de la demande liée à un incendie de produits aromatiques dérivés du pétrole dans l’usine BASF en Allemagne. La hausse provoquée par cet évènement devrait être passagère.
Le volume mondial de colophane produit en 2019 à partir de la distillation de la gemme est estimé à 740 000 tonnes, soit 63 % de la production totale de colophane. La même année, la distillation de 79 % de 2 000 000 tonnes de Tall oil a permis la production d’environ 485 000 tonnes de colophane de Tall oil. Enfin, il existe dans une moindre mesure une autre source de production de colophane à partir de souches de pins, qui représente 1,0 % du volume total de colophane produit. Ce type de colophane est uniquement produit aux États-Unis.
La figure 4 montre la forte corrélation entre le prix de la colophane de gemme et celui de la colophane de Tall oil (TOR – Tall Oil Rosin). Les tendances d’évolution des prix sont semblables bien que la courbe de prix de la colophane de Tall oil présente une amplitude de variation moins importante, qui peut s’expliquer par son mode de commercialisation. Les contrats d’approvisionnement sont plus longs pour cette matière première et la quantité vendue en marché au comptant est moins importante.
Figure 4 Évolution du prix de la colophane de gemme et de la colophane de Tall Oil depuis 2007
(Sources : FORCHEM Company, Brazilian Ministry of Industry and Trade)
La production mondiale de résine en 2019 a été estimée à 2 610 000 tonnes, répartie dans les proportions suivantes (figure 5).
Figure 5 Production mondiale de résine
(Source : FORCHEM)
Environ 2 000 000 tonnes de Tall oil sont produites annuellement : 49 % en Amérique du Nord, 42 % en Europe et en Russie et 9 % dans d’autres pays.
Environ 79 % du Tall oil est distillé mais il est aussi utilisé pour la fabrication de biocarburants (12 %) et pour d’autres usages (lubrifiant…).
La capacité totale de distillation de colophane de Tall oil en Europe est de 920 000 tonnes par an (tableau II).
Tableau II Capacité de distillation de Tall oil des entreprises de transformation européennes
Entreprise |
Pays |
Ville |
Capacité de distillation annuelle (t/an) |
---|---|---|---|
Kemira |
Autriche |
Krems |
40 000 |
Forchem |
Finlande |
Rauma |
175 000 |
Kraton |
Finlande |
Oulu |
140 000 |
UPM |
Finlande |
Lappeenranta |
130 000 |
DRT |
France |
Vielle Saint-Girons |
100 000 |
Kraton |
Suède |
Sandarne |
160 000 |
SunPine |
Suède |
Piteå |
175 000 |
Le principal inconvénient des résines terpéniques est leur coût, fortement impacté par le prix de la térébenthine qui présente une grande amplitude de variation au cours du temps. L’utilisation de résines d’hydrocarbures peut présenter certains avantages. Par exemple, les adhésifs obtenus à partir des chaînes C5 et C9 ont l’avantage d’avoir une coloration très claire. En revanche, la fabrication de ces produits n’est pas durable, à la différence de ceux à base de colophane de gemme ou de Tall oil.
Il existe une corrélation entre le prix de la colophane, de la térébenthine et du pétrole. Toutefois, on identifie souvent un décalage entre les tendances de prix, expliqué par la saisonnalité de l’activité de gemmage. La figure 6 montre l’évolution du prix annuel moyen du pétrole depuis 2000 et des prix de la colophane et de l’essence de térébenthine exportées par le Brésil, actuellement premier exportateur mondial.
Figure 6 Évolution du prix du pétrole, de la colophane de gemme et de l’essence de térébenthine exportés par le brésil depuis 2000
(Sources : Brazilian Ministry of Industry and Trade and Crude Oil Prices – Historical Annual data – Macrotrends.net)
Le besoin de préparation des arbres au gemmage empêche d’augmenter rapidement la production de résine pour profiter d’une hausse des prix. De la même façon, il est difficile d’interrompre la production en cas de baisse. Ces raisons expliquent les décalages observés entre les deux courbes, bien que les tendances soient les mêmes.
L’oléorésine est généralement préférée pour sa durabilité et sa qualité, mais son utilisation dépend aussi de son prix et de ses applications. Les résines à base de pétrole sont aujourd’hui moins chères, mais leur prix est dépendant du cours de cette matière première. À prix égal, les produits biosourcés sont préférés, mais une différence de prix trop importante incite les clients à se tourner vers les résines d’hydrocarbures. De plus, les résines d’origine pétrolière ne sont pas en mesure de satisfaire les propriétés requises dans certaines applications, comme les chewing-gums et les cires à épiler.
Par ailleurs, la gemme peut remplacer le Tall oil dans toutes ses utilisations et est de qualité supérieure. C’est pourquoi les transformateurs primaires s'approvisionnent toujours en gemme, même si elle est plus chère.
La pandémie de COVID-19 a eu un impact sur les économies du monde entier et on a pu constater une contraction significative dans toutes les grandes économies, à l’exception de la Chine. Tandis que le PIB du deuxième trimestre de 2020 a baissé dans la majorité des pays du monde (– 13,8 % en France) par rapport au premier trimestre de 2020, celui de la Chine a augmenté de 11,50 % sur cette période. Sur la base des données du deuxième trimestre 2020 préparées par AUSTIN RATING, la zone euro a contracté son économie de 12,1 %.
Le virus originaire de Chine est apparu à la fin de l’année 2019 et a impacté l’économie chinoise au premier trimestre 2020. Son PIB a alors diminué de 10 % par rapport au quatrième trimestre 2019. Cependant, la fermeture des villes et les tests massifs de la population, faits d’une façon rapide et efficace, ont permis le redressement rapide de l’économie.
En analysant spécifiquement les flux de matières premières (résine, colophane et térébenthine) du Brésil de 2019 et 2020, nous pouvons observer ce qui suit (figure 7).
Figure 7 Exportations de colophane brésilienne vers l’Europe aux premier et second trimestres des années 2019 et 2020
Les volumes de colophane de gemme expédiés vers l’Europe ont diminué de 22,2 % au cours du premier semestre 2020 par rapport à la même période en 2019, passant de 21 314 tonnes à 16 594 tonnes.
Il est important de noter que, contrairement aux autres pays, les Pays-Bas et l’Allemagne ne sont pas des utilisateurs et transformateurs représentatifs de la colophane. Ils figurent dans le classement des importateurs européens de colophane en raison de leurs sociétés de trading, qui achètent la colophane dans les pays producteurs pour la revendre sur différents marchés en Europe.
À l’inverse de ce qui s’est passé sur le marché européen, les volumes expédiés vers l’Asie au cours du premier semestre 2020 par rapport à la même période en 2019 ont augmenté de 41,2 %, passant de 18 836 tonnes à 26 595 tonnes (figure 8).
Figure 8 Exportations de colophane brésilienne vers l’Asie aux premier et second trimestres des années 2019 et 2020
En comparant les données du premier semestre 2020 par rapport à 2019, on constate une augmentation de la quantité exportée du Brésil vers l’Asie de 10 %. Il est intéressant de souligner que les prix ont été réduits de 14 % durant la même période.
Le même phénomène s’est reproduit sur les marchés de la gemme brute. Au premier semestre 2020, les exportations de gemme du Brésil vers l’Europe (Portugal et Espagne) ont été réduites de 32 % par rapport au premier semestre 2019.
En revanche, les quantités expédiées vers l’Asie (Vietnam et Chine) ont augmenté de 400 % ou cinq fois plus de produits en 2020 par rapport aux expéditions en 2019.
La Chine n’a pas importé de gemme depuis le Brésil au cours du premier trimestre 2020 en raison du COVID-19 qui a paralysé l’activité économique. Les données ne laissent aucun doute : le COVID-19 a eu un fort impact sur toutes les économies du monde. Cependant, la reprise en « V » de l’économie chinoise a permis à ce pays d’augmenter ses achats de matières premières à un moment de retrait des économies occidentales.
Compte tenu de la complexité des marchés et de la perplexité du monde face à la crise inhabituelle et pas encore entièrement dimensionnée et résolue qu’est celle du COVID-19, il est extrêmement difficile de donner aujourd’hui les tendances pour l’avenir du marché des dérivés de la gemme. Toutefois, il est possible de proposer un scénario probable en identifiant les principaux facteurs influençant le marché de la résine :
— vaccination contre le COVID-19 dans le monde entier ;
— augmentation importante de la consommation de colophane en Chine ;
— augmentation de la production de gemme au Brésil ;
— augmentation du prix du pétrole et des résines d’hydrocarbures ;
— augmentation de la demande en produits renouvelables dans les pays développés ;
— production de Tall Oil limitée.
La préparation des peuplements au gemmage au premier trimestre 2020 a été retardée par l’impossibilité de circuler librement en Chine à cause du COVID-19. Cela a provoqué une baisse de la production de gemme de l’ordre de 10 à 15 % chez le principal producteur mondial. À la fin du premier trimestre 2020, la Chine a constaté un manque de matières premières pour ses besoins ainsi qu’aux second et troisième trimestres. Elle a profité des opportunités du marché international en achetant d’importantes quantités de colophane et d’oléorésine qui étaient encore disponibles dans le monde. Par conséquent, les stocks de colophane dans le monde ont été diminués, ce qui a entraîné une hausse des prix au dernier trimestre de 2020.
La forte demande en résine de l’Asie, principalement de la Chine, a conduit à une importante augmentation du prix de la gemme sur le marché international, qui sera très probablement suivie d’une augmentation du prix du Tall oil. Il est improbable que la Chine s’adapte suffisamment rapidement à l’augmentation du prix de ces ressources en exploitant davantage d’arbres. En effet, la méthode utilisée en Chine reste dommageable pour les arbres et la ressource disponible devient de plus en plus rare.
Cette situation internationale est très favorable au secteur européen de la gemme. L’oléorésine brésilienne, qui était vendue en Europe à environ 900 €/t avant la crise, est maintenant vendue aux alentours de 1 250 €/t. Le prix de la colophane se situe autour de 1 450 €/t et celui de la térébenthine à 4 200 €/t. Cette différence de prix est suffisante pour permettre à l’activité de gemmage d’être rentable en Europe. Même si le coût de production de la gemme européenne reste nettement supérieur à celui de la gemme brésilienne, les transformateurs européens préfèrent s’approvisionner localement. À long terme, l’augmentation de la demande de résine en provenance de l’Asie ne semble pas pouvoir être compensée par la seule croissance du secteur brésilien de la résine. La production relativement constante de Tall oil et le prix du pétrole qui reste élevé sont également des facteurs favorables au secteur de la gemme. En outre, la demande croissante en produits renouvelables dans les pays développés est susceptible de favoriser à l’avenir la production d’oléorésine en tant que produit biosourcé à faibles émissions de carbone. Malgré ces facteurs positifs pour les « Pine Chemicals », le secteur continuera de ressentir la concurrence des résines d’hydrocarbures. Toutefois, le marché des résines n’est pas figé dans le temps : l’utilisation des matières premières varie en fonction du marché mais aussi des évolutions souhaitées des propriétés techniques.
La gemme de la péninsule ibérique est achetée à un prix plus élevé que la gemme brésilienne en Europe car elle présente des propriétés intéressantes pour certaines applications. De plus, elle permet un approvisionnement plus stable dans le temps, peu dépendant du cours mondial de la résine et des produits de première transformation. L’oléorésine de Pin maritime collectée en France est de très bonne qualité en raison de sa pureté, de sa forte teneur en térébenthine et de sa composition en terpènes. La méthode de gemmage en vase clos limite l’évaporation de la térébenthine et augmente ainsi sa proportion dans la résine. Cette technique permet une meilleure valorisation de la gemme, la térébenthine étant actuellement vendue à un prix beaucoup plus élevé que la colophane. La résine de Pin maritime des Landes contient moins de β-pinène que la résine importée du Brésil ; cette dernière contenant de l’α-pinène et du β-pinène dans des proportions quasiment identiques. Certains transformateurs recherchent des proportions élevées d’α-pinène, ce qui est favorable au gemmage en France et qui ouvre des perspectives.
Ce travail a été financé par le projet INTERREG SUDOE SOE2/P5/E0598 SUSTFOREST+ (https://www.sust-forest.eu).