Activités, produits et marchés
Classement des sciages de Tremble en bois construction
Résumé
Fort d’une importante ressource (bois sur pied), le Tremble (Populus tremula L.) français reste souvent destiné à la trituration et au bois énergie faute de propriétés physico-mécaniques établies. À ce jour, cette essence est utilisée pour la fabrication des barquettes de cuisson par PANIBOIS à partir de bois déroulé provenant de Russie. En parallèle de « l’étude quantitative et qualitative du Tremble pour la production de moules de cuisson » , pour laquelle 13 arbres ont été sélectionnés sur 3 parcelles, des billons ont été prélevés pour réaliser des éprouvettes d’essais en grandeur d’emploi destinées au marché de la construction bois. L’analyse des résultats montre que le Tremble présente de très bonnes propriétés mécaniques, bien au-delà des mêmes propriétés affichées pour les cultivars de peupliers. Le Tremble pourrait donc se substituer aux peupliers dès lors que cette dernière ressource tendrait à se raréfier. Il reste toutefois à imaginer une sylviculture applicable dans les peuplements existants et à résoudre le problème de la mobilisation d’une ressource disséminée. Le Tremble a donc une carte à jouer dans les processus industriels, encore faut-il le caractériser.
Abstract
Aspen (Populus tremula L.) represents an important resource in France as far as standing wood is concerned. It often remains used for the manufacturing of pulpwood and fuelwood because no physico-chemical properties have been established. To date, PANIBOIS has used this species for manufacturing baking containers from unrolled wood from Russia. In parallel to the quantitative and qualitative study of aspen tree for the production of baking tins, for which 13 trees were selected in 3 plots, logs were sampled to be used as real-size test tubes aimed for the wood construction market. The analysis of the results showed that aspen had very good mechanical properties, far beyond those of poplar cultivars. Therefore, aspen might replace poplar, should the poplar resource become rarer. However, silvicultural practices applicable to existing stands remain to be designed, and how to mobilise a scattered resource remains an unresolved issue. Therefore, aspen can be a player in industrial processes provided that its properties are characterised.
Introduction
Très peu exploité aujourd’hui sauf en bois de chauffage, en bois énergie et de trituration, le Tremble (Populus tremula L.) est une essence très présente sur le territoire français mais sa répartition, sa disponibilité par types de propriétés et la qualité de son bois ne sont pas suffisamment connues pour valider ou rejeter son utilisation en bois déroulé pour la fabrication de moules de cuisson d’une part et en bois construction d’autre part. Pourtant, l’utilisation de cette ressource française résoudrait des problèmes d’approvisionnement en matière première et réduirait les importations de Tremble de Russie, ressource actuellement utilisée par l’entreprise Panibois spécialisée dans la fabrication de moules de cuisson. La tension sur les approvisionnements en Peuplier (actuelle et à venir) rend l’étude de caractérisation du Tremble d’autant plus nécessaire non seulement au sein de la filière « emballage léger » mais aussi dans le secteur de la construction bois, objet de cet article.
Analyse de la ressource et de la disponibilité en bois de Tremble en France
Le genre Populus (Peuplier) est composé d’une trentaine d’espèces. En France, il existe trois espèces à l’état naturel : le Peuplier noir (Populus nigra), le Peuplier blanc (Populus alba) et le Peuplier tremble (Populus tremula). De plus, il existe un hybride entre le Peuplier tremble et le Peuplier blanc appelé grisard (P. x canescens). À côté de ces espèces naturelles présentes en France, des plantations se sont développées sur des surfaces significatives (populiculture), utilisant le plus souvent des variétés hybrides entre l’espèce européenne P. nigra et des espèces américaines (P. deltoides ou P. trichocarpa).
Le Tremble est un arbre à croissance rapide, originaire des régions tempérées et des régions boréales d’Europe et d’Asie. Il présente une très grande diversité, ce qui explique qu’il existe de nombreuses formes et sous-espèces.
Le Tremble peut tolérer un large éventail de conditions d'habitat et colonise généralement les zones perturbées comme les zones coupe-vent. On le rencontre en forêt quand les conditions stationnelles (Reboul et al., 2012) lui sont favorables (milieux plutôt humides) et si le sylviculteur ne réduit pas son extension au profit d'une essence objectif comme le Chêne par exemple.
Le Tremble est principalement présent en France sur des sols plutôt humides et argileux. Il est observé majoritairement dans la moitié Nord-Est de la France en Sologne, Brie et Tardenois, Champagne humide, plaines et dépressions péri-morvandelles, plaine de Saône et Bresse (figure 1).
FIGURE 1 VOLUME SUR PIED DE TREMBLE (POPULUS TREMULA L.) EN FRANCE, EN m3/ha
(Données IGN 2013-2017) (Ricodeau et Del Ben, 2021)
L’analyse de la ressource en Tremble est donc basée sur des données différentes de celles du Peuplier. En effet, si le Tremble a une croissance plutôt rapide par rapport aux autres feuillus, celle-ci ne peut être comparée à celle des cultivars de peupliers qui bénéficient d’une sélection génétique et d’une sylviculture qui leur permettent d’atteindre très vite leur dimension d’exploitabilité vers 15 ans, alors que les Trembles mettent 3 ou 4 fois plus de temps pour atteindre les mêmes dimensions. En l’état, sa croissance est comparable à celle du Châtaignier ou du Frêne quand ils sont installés sur de bonnes stations. C’est pour cette raison, que dans les études de ressource forestière, le Tremble est souvent traité comme un « autre feuillu » avec le Châtaignier, le Bouleau, le Frêne, le Charme, les Érables, etc. Il est ventilé en deux catégories de diamètre :
— arbres de 30 cm de diamètre et moins à 1,30 m qui ne peuvent pas encore faire l’objet d’une utilisation en bois d’œuvre ;
— arbres de 35 cm de diamètre et plus à 1,30 m qui peuvent dès à présent faire l’objet de cette utilisation.
Tableau I Volume (x 1 000 m3) sur pied de bois fort tige des arbres selon la catégorie de grosseur
[Inventaire forestier IGN – Campagnes de mesure 2014 à 2018]
Régions administratives |
Arbres de 30 cm de diamètre et moins |
Arbres de 35 cm de diamètre et plus |
Total général |
Bois d’œuvre |
---|---|---|---|---|
Bourgogne-Franche-Comté |
4 229 |
2 185 |
6 414 |
1 038 |
Grand Est |
3 207 |
1 237 |
4 444 |
688 |
Auvergne-Rhône-Alpes |
3 114 |
1 167 |
4 281 |
513 |
Centre-Val de Loire |
2 897 |
1 128 |
4 025 |
484 |
Nouvelle-Aquitaine |
1 523 |
673 |
2 197 |
282 |
Occitanie |
864 |
865 |
1 729 |
229 |
Hauts-de-France |
851 |
833 |
1 684 |
522 |
Pays de la Loire |
896 |
342 |
1 238 |
132 |
Normandie |
752 |
463 |
1 215 |
216 |
Île-de-France |
758 |
352 |
1 110 |
137 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur |
411 |
321 |
732 |
40 |
Bretagne |
462 |
247 |
709 |
105 |
Corse |
9 |
9 |
||
Total général |
19 972 |
9 813 |
29 785 |
4 388 |
Sur l’ensemble de la France, le volume de bois fort tige se répartit donc pour deux tiers entre les arbres de 30 cm et moins et un tiers pour les arbres de 35 cm de diamètre et plus. Le volume total de bois de Tremble de dimension bois d’œuvre actuellement présent sur pied en France est de 4,4 millions de m3. Il apparaît que les prélèvements totaux de Tremble sur l’ensemble de la France sont de 650 000 m3/an dont 100 000 m3/an à usage potentiel bois d’œuvre.
La forte proportion de petit bois est donc uniquement liée à l’absence d’une sylviculture pratiquée. Si le bois d’œuvre de Tremble avait un débouché rémunérateur, il pourrait faire l’objet d’une sylviculture qui permettrait d’augmenter fortement le potentiel de récolte de bois d’œuvre de l’essence.
Préparation des billons en vue du sciage et du séchage des avivés
Le choix des parcelles a été fait de manière à comparer des lots de bois ayant des conditions de croissance différentes. Les arbres retenus sur les placettes ont été choisis en fonction de leur rectitude, leur absence d’altérations visibles (billes destinées au déroulage) et de leur diamètre pour répondre au contexte central de l’étude autour de la problématique du déroulage.
Au moins deux arbres de petit diamètre (autour de 35 cm) et deux arbres de diamètre proche de 50 cm ont été sélectionnés pour chaque lot-placette. L’âge des arbres est compris entre 35 et 45 ans selon les placettes. La placette (GF de Saint-Faron) de Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux a fourni des grisards.
FIGURE 2 LOCALISATION DES 3 PLACETTES SÉLECTIONNÉES EN FONCTION DU VOLUME DE TREMBLE SUR PIED
Le ratio illustre la probabilité de trouver du Tremble dans la région concernée.
Le Tremble (Populus tremula L.) est une essence largement présente en région Centre Val de Loire, même s'il est peu valorisé aujourd'hui excepté en bois de trituration et bois énergie. En vue de tester l'utilisation de ce matériau pour la production de moules de cuisson, 3 lots de Tremble ont été sélectionnés, sur des sols différents (Reboul et al., 2012) pour observer la variabilité du bois en fonction de leurs conditions de croissance :
— lot 1 : parcelle sise à Vienne-en-Val (région forestière de la grande Sologne – habitat forestier type 11 : chênaie sessiliflore ligérienne acidiphile) ;
— lot 2 : parcelle sise à Boigny-sur-Bionne (région forestière de l’Orléanais – habitat forestier type 14 : chênaie pédonculée ligérienne à fragon de variante acidicline (14a)) ;
— lot 3 ; parcelle sise à Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux (région forestière du plateau de Brie – habitat forestier type 7 : hêtraie-chênaie atlantique à Jacinthe des Bois Variante f (fraîche)).
Les 13 arbres sélectionnés dans le cadre de cette étude (le nombre d'arbres est identique lors des études de caractérisation des cultivars (Reuling et al., 2013) ont été divisés en 2 billons :
— la bille de pied (B1 – longueur 2,4 m ) sélectionnée pour les études de déroulage par l’ENSAM Cluny pour la fabrication de contreplaqués par l’ENSAM Cluny et de moules de cuisson par PANIBOIS en lieu et place des bois russes ;
— la surbille (B2 – longueur 2,4 m) pour la caractérisation physico-mécanique de l’essence par FCBA avec la production de sciages. Chaque billon a été tracé par code couleur qui identifie la position de la planche par rapport à la moelle (figure 3) et par lettre pour avoir le maximum d’informations amont associées aux diverses propriétés.
FIGURE 3 EXEMPLE DE TRAÇABILITÉ DES BILLONS (billon U - lot 2) AVEC APPOSITION D’UN CODE COULEUR PERMETTANT LE SUIVI DES BILLONS POUR LE SCIAGE (photos FCBA)
Dans le cadre de cette étude, nous avons privilégié le sciage des billons (volume total 3,7 m3) par scie mobile chez ArboSylva (37240 Esves-le-Moutier) en avivés (171 planches) de section nominale de 48 x 119 mm². Tous les billons ont été transformés sur la base d’un débit en noyau pour un rendement matière de 0,59. Le Tremble ne présente pas de difficulté au sciage mais nous préconisons quand même l’apport d’« esses » en plastique (catalogue Zimmer) pour limiter la libération des contraintes de croissance.
Les planches (étape 1, soit 99 planches provenant des arbres des lots 1 et 2, et étape 2, soit 71 planches provenant des arbres du lot 3) ont été séchées au moyen d’une cellule CATHILD à air chaud climatisé disponible au FCBA. Lors de l’étape 1, la conduite de la cellule a été fixée pour limiter les déformations, cela sous-entend un cycle « long ». 12 sondes de prise de mesure de la teneur en eau des bois ont été mises en place pour contrôler la descente du taux d’humidité à la consigne de 18 %. La cellule permet de suivre également l’évaporation de l’eau contenue dans les planches au moyen d’un capteur de force au cours du temps (443 h).
Suite à l’analyse positive de l’étape 1, nous avons décidé de forcer l’évaporation lors du séchage de l’étape 2 par une température de consigne plus forte pour un temps de 318 h. On se rapprochait ainsi de la température de consigne mise en place lors de l’étude peuplier à 70 °C (Robert, 2013). Toutefois, cette température élevée favorise les collapses. Bien que minime, l’étape 2 et plus particulièrement le lot 3 présentent plus de collapses que les deux autres lots séchés lors de l’étape 1. La drasticité du cycle de l’étape 2 (figure 4) est peut-être l’élément déclencheur. Il est à noter que peu de fentes apparaissent à l’issue du séchage.
La limitation des déformations devra intégrer les modes de croissance des arbres et, en particulier, les bois de tension formés sur des arbres inclinés qui peuvent également favoriser la formation de poches d’eau.
FIGURE 4 CYCLE DE SÉCHAGE DU TREMBLE (ÉTAPE 1 & ÉTAPE 2) AU SEIN DU SÉCHOIR FCBA
La perte de poids de la pile est donnée à titre indicatif.
À l’issue du séchage, les planches ont été à nouveau mesurées en termes de déformations, poids et taux d’humidité. Le poids de la charge à sécher passe ainsi de :
— 946 kg à 665 kg (étape 1), soit en moyenne 2,8 kg d’eau évaporé par planche à la fin du cycle ; le taux d’humidité moyen mesuré après séchage est de 18,6 % (CoV = 46 %) pour une consommation électrique par kg d’eau évaporé de 4,2 kWh/kg.
— 674 kg à 430 kg (étape 2), soit en moyenne 3,4 kg d’eau évaporé par planche à la fin du cycle ; le taux d’humidité moyen mesuré après séchage est de 14,8 % (CoV = 28 %). Au taux de 18,5 %, la consommation électrique par kg d’eau évaporé est établie à 5,6 kWh/kg.
Classement des bois de Tremble français en construction
Le marquage CE des bois utilisés dans la construction (EN 14081 – 1) demande une estimation du potentiel mécanique de chaque avivé selon une méthode de tri visuel (cf. NF B 52-001) ou par machine utilisant alors des techniques d’auscultation par contrôle non destructif. Les normes EN 14081 (parties 1 – 4) définissent à la fois le réglage initial de ces machines (corrélation entre paramètres CND et tests destructifs) pour une essence et sur une zone de croissance donnée et le suivi en production.
Quelle que soit la méthode, le bois sera classé à partir de la qualification de ses défauts intrinsèques en plusieurs catégories appelées classes de résistance mécanique d’après la norme EN 338. Ces caractéristiques ont été également établies pour les autres matériaux de construction comme le béton et l’acier.
Dans le but d’assigner une classe résistance au lot Tremble, FCBA a déterminé la qualité « mécanique » des sciages par :
— méthode visuelle : les planches de Tremble ne faisant pas l’objet de règle de classement normalisée, il a été retenu d’effectuer le classement conventionnel proposé par la norme NF B 52-001 pour les peupliers ;
— méthode vibratoire avec le matériel portatif MTG de Brookhuis : les mesures du module d’élasticité Edyn et de la masse volumique moyenne permettent d’assigner la classe de résistance au moyen de la régression mise au point lors de l’étude de classement pour la résistance des peupliers par machine.
Enfin, chaque sciage a été sollicité en flexion sur chant (EN 408) pour connaître les performances mécaniques intrinsèques du Tremble. Cette dernière étape nous donnera le potentiel théorique en classe de résistance par un classement optimal. Les essais ont été réalisés sur une machine d’essais verticale pilotée et asservie informatiquement, d’une capacité nominale de 50 kN par vérin. Cette machine est de classe 1, c’est-à-dire que la force est mesurée avec une précision de 1 % sur la mesure. Il est à noter que les planches trop déformées ou trop flacheuses n’ont pas été testées.
FIGURE 5 DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL POUR TESTER EN FLEXION LES PLANCHES BOIS CONSTRUCTION
À gauche : Bâti d’essai de flexion 4 points
À droite : Rupture planche N° 2134 (zone de compression en fibre comprimée couplée à une pente de fil en fibre tendue) (photos FCBA)
Afin d’appréhender cette notion de résistance et de pouvoir utiliser les résultats pour pouvoir séparer les sciages en classe de différentes qualités, nous nous proposons d’analyser dans un premier temps les résultats de contrainte à la rupture, de module d’élasticité et de masse volumique obtenus durant les essais de flexion 4 points (tableau II).
Tableau II Caractéristiques moyennes (et CoV %) du Tremble par lot
N° Lot |
Nombre de |
MOR 150 mm |
Eml 12 % (MPa) |
MV12 (kg/m3) |
Edyn MTG (MPa) |
---|---|---|---|---|---|
1 & 2 (Tremble) |
105 |
53,8 (27 %) |
13 800 (19,5 %) |
528 (9,0%) |
14 535 (14,7 %) |
3 (grisard) |
48 |
56,5 (22 %) |
15 790 (16,3 %) |
514 (5,4%) |
14 277 (12,8 %) |
Moyenne générale |
153 |
54,7 (26 %) |
14 480 (19,7 %) |
524 (8,3%) |
14 455 (14,1 %) |
Valeur caractéristique (5 %) |
27,7 |
9 190 |
453 |
Le Tremble testé est validé en classe de résistance C27 bien au-delà des propriétés de certains cultivars de Peuplier (Reuling et al., 2013).
Classe de résistance par méthode visuelle
Il existe actuellement de nombreuses normes de classement par méthode visuelle pour le bois utilisées en Europe. Elles diffèrent par le nombre de classes et aussi par la méthode selon laquelle les nœuds sont mesurés.
Les travaux réalisés à ce jour ont permis de qualifier la plupart des essences françaises qui peuvent trouver un débouché valorisant en structure. La norme NF B 52-001 (2018) démontre qu’il est possible, en appliquant des critères de classement simples et fiables, d’atteindre des valeurs de résistances mécaniques conformes aux performances exigées pour une utilisation en structure.
Nous avons appliqué les règles de tri du peuplier exprimées dans la NF B 52-001 consignées dans le tableau suivant pour classer le lot de bois sec (tableau III).
Tableau III Seuil des singularités acceptables par classe de résistance. Extrait de la NF B 52-001 Partie 1(2018)
Classes de résistance |
Cernes (mm) |
Projection Face (mm) |
Ratio Face (%) |
Projection Rive (mm) |
Ratio Rive (%) |
---|---|---|---|---|---|
ST-II |
14 |
50 |
1/3 |
40 |
2/3 |
ST-III |
16 |
100 |
3/4 |
40 |
2/3 |
Les répartitions des bois par classe (rendements) sont indiquées dans le tableau IV. Nous avons pris soin d’y inclure les propriétés de résistance associées issues des tests de flexion permettant ainsi de vérifier si les seuils sont bien en adéquation.
Tableau IV Vérification du classement par méthode visuelle du Tremble
Classes de résistance |
Fractile 5 % MOR (MPa) |
MOE moyen (MPa) |
Fractile 5 % MV (kg/m3) |
Effectifs |
Rendements (%) |
---|---|---|---|---|---|
ST-II |
35,3 |
14 900 |
461 |
88 |
57,5 |
ST-III |
27,8 |
13 700 |
475 |
9 |
5,9 |
Hors classe |
27,0 |
13 800 |
459 |
56 |
36,6 |
TOTAL |
153 |
100 |
Mesures de contrôle non destructif – classement des bois par machine
La demande croissante d’un matériau bois de haute qualité a conduit à un intérêt accru pour le classement par machine et initié le développement de nouvelles machines avec une précision de prédiction plus importante.
La majorité des machines de classement en service à ce jour sont des machines « vibratoires ». Elles déterminent un module d’élasticité dynamique. La vitesse d’avance des avivés peut aller jusqu’à 240 produits/min. Naturellement, plus l’efficacité d’une machine de classement est importante, plus son coût est élevé. Toutefois, la miniaturisation des composants a permis de développer des machines portables. La comparaison de différentes machines de classement avec le classement visuel doit prendre en compte le coût, la performance et la vitesse de classement.
Tableau V Mesures non destructives de tri des planches au moyen de la machine MTG (réglage machine PEUPLIER classes C27-C18)
Classes de résistance |
Fractile 5 % MOR (MPa) |
MOE moyen (MPa) |
Fractile 5 % MV (kg/m3) |
Effectifs |
Rendements (%) |
---|---|---|---|---|---|
C27 |
30,9 |
14 600 |
460 |
147 |
96,7 |
C18 |
19,5 |
9 400 |
426 |
5 |
3,3 |
Hors classe |
1 |
Pb mesure |
|||
TOTAL |
153 |
100 |
Classement optimal après destruction des avivés
Comme dans toute analyse, il nous faut un référentiel absolu pour comparer et préconiser des stratégies. Dans le domaine du classement, notre référentiel est le classement optimal (ou classement théorique). En effet, le classement optimal est directement déterminé à partir des résultats du lot de poutres cassées. Les tableaux VI et VII illustrent les répartitions en classe de résistance des 153 poutres.
Tableau VI Classement optimal du Tremble (classe cible C30)
Classes de résistance |
Fractile 5 % MOR (MPa) |
MOE moyen (MPa) |
Fractile 5 % MV (kg/m3) |
Effectifs |
Rendements (%) |
---|---|---|---|---|---|
C30 |
31,3 |
14 300 |
446 |
153 |
100 |
TOTAL |
153 |
100 |
Tableau VII Classement optimal du Tremble (classe cible C40 ; les bois hors classe sont au niveau du C18)
Classes de résistance |
Fractile 5 % MOR (MPa) |
MOE moyen (MPa) |
Fractile 5 % MV (kg/m3) |
Effectifs |
Rendements (%) |
---|---|---|---|---|---|
C40 |
40,3 |
14 600 |
450 |
135 |
88,2 |
C18 |
19,8 |
11 600 |
395 |
18 |
11,8 |
TOTAL |
153 |
100 |
Interaction sylviculture – « qualité du bois » du Tremble
La qualité du bois est une notion toute relative qui s’exprime à travers les usages auxquels il est destiné mais aussi selon le stade de la chaîne de production considéré pour :
— le producteur (sylviculteur…) qui juge le bois sur pied où les critères morphologiques sont prédominants (rectitude du tronc, fibre torse, branchaison…) pour une amélioration de la production par les éclaircies et élagages ;
— le premier transformateur (scieur…). Si les critères morphologiques restent importants, les propriétés internes sont essentielles comme la nodosité et défauts inclus (poches d’eau), largeur de cernes, rectitude du fil, bois de réaction et bois juvénile, etc. ;
— le second transformateur (menuisier…). À ce niveau, se rajoutent les propriétés qui vont influer sur l’usinage ou l’aspect esthétique des produits (densité du bois, texture, propriétés mécaniques, duraminisation, couleur, durabilité, imprégnabilité, etc.). Une planche de parquet doit avoir une densité et une dureté élevées, un panneau d’isolation une densité faible.
À chaque étape se rajoutent des exigences propres sans que celles de l’étape précédente perdent de leur importance. Évidemment, toutes les étapes sont liées. La destination finale des produits, si elle est connue, influencera sur les décisions du producteur. Un espoir de vente de bois pour réaliser une charpente par exemple impliquera des cernes fins donc des éclaircies pas trop fortes ; une destination ébénisterie ou tranchage impliquera un élagage, des usages extérieurs demanderont une forte proportion de duramen (pour les essences à duramen durable).
À ce stade de l’étude Tremble, nous ne pouvons regarder qu’un certain nombre des paramètres cités précédemment. La relation entre les propriétés mécaniques et la « qualité du bois » reste faible du fait du nombre limité de critères.
On peut néanmoins prendre en considération les paramètres inhérents :
— à la forêt :
– petit ou gros diamètre des arbres sélectionnés : c’est un critère décisif pour la fabrication des moules de cuisson après déroulage car cela améliore non seulement la productivité mais aussi les propriétés intrinsèques des produits ;
– la largeur de cernes de 143 planches (moyenne = 3,8 mm ; CoV = 33 %) : ce paramètre dépend de la vitesse de croissance de l’arbre, en lien avec la sylviculture ;
— au process de sciage par :
– le type de débit des planches (en pourcentage) : C-cœur (7 %), Q-quartier (6 %), FQ-faux quartier (69 %), D-dosse (18 %) ;
– la position des planches par rapport à la ligne de cœur.
Grâce à la procédure de traçabilité mise en place, chaque éprouvette testée en flexion est reliée à ces mesures spécifiques. Il nous est facile de voir rapidement leurs impacts sur les propriétés mécaniques par la technique des graphiques des effets principaux proposés par les outils statistiques. Plus la distance des sciages par rapport à la ligne de cœur augmente, plus la contrainte à la rupture en flexion s’améliore. Le débit sur dosse devrait suivre également cette tendance mais les planches vues en dosse peuvent malgré tout se positionner près du cœur.
FIGURE 6 GRAPHIQUE DES EFFETS PRINCIPAUX EXPLIQUANT LA VALEUR MOYENNE DE LA RÉSISTANCE À LA FLEXION
Conclusions et perspectives
Les sciages préparés dans l’étude Tremble montrent de bonnes propriétés physico-mécaniques permettant son usage dans le bois construction (classement optimal en C30). Toutefois, la méthode visuelle optimisée pour certains peupliers n’identifie que 57 % du Tremble en classe C24. La révision de la norme NF B 52-001 serait à envisager dans un premier temps pour tous les cultivars de peupliers puisque ces ressources sont de plus en plus valorisées en construction et dans un deuxième temps pour les bois de Tremble à l’issue d’une nouvelle campagne.
Pour aider le tri des sciages pour un usage bois construction, les travaux de calibration des machines de classement peuvent être mis à profit pour identifier des bois de Tremble à classe de résistance supérieure, c’est ainsi que 96 % des sciages se classent en C27 de façon non destructive avec la machine MTG.
Alors que la ressource en Peuplier tend à se raréfier, le Tremble, avec un volume sur pied important, peut aujourd’hui s’y substituer (tableau VIII).
Tableau VIII Proportion de Tremble par rapport au Peuplier
Typologie |
Tremble |
Peuplier |
Proportion de Tremble par rapport au Peuplier |
|
---|---|---|---|---|
Ressource bois sur pied |
Bois fort tige (BFT) |
30 Mm3 |
40 Mm3 |
75 % |
Bois d’œuvre (BO) |
4 Mm3 |
26 Mm3 |
15 % |
|
Récolte annuelle moyenne |
Bois d’œuvre (BO) |
0,1 Mm3 |
1,3 Mm3 |
8 % |
Trituration |
0,55 Mm3 |
NC |
Toutefois, le Tremble présente deux problèmes potentiellement limitants à court terme :
— Bien qu’il s’agisse d’une essence pionnière, la vitesse de croissance du Tremble est beaucoup plus faible que celle des peupliers cultivés. Le Tremble ne bénéficie donc pas d’un engouement des sylviculteurs. Par ailleurs, utiliser rapidement le volume récoltable ne permettrait pas un renouvellement naturel de la ressource.
— Les peuplements, issus de régénération naturelle, sont le plus souvent mélangés, et trop disséminés sur le territoire pour faciliter industriellement leur récolte.
Techniquement, les Trembles pourraient donc être valorisés sous forme de sciage pour la construction en bois mais il reste donc à imaginer une sylviculture applicable dans les peuplements existants et à résoudre le problème de la mobilisation d’une ressource disséminée.
Remerciements
L’étude DRAAF Centre – Val de Loire « Évaluation quantitative et qualitative de la ressource française en peuplier Tremble pour la production de moules de cuisson » a été financée dans le cadre de l’AMI 2020 « Accompagner les projets territoriaux autour de la filière forêt bois » - Coordination PANIBOIS en partenariat avec l’interprofession FIBOIS Centre-Val de Loire, le LaboMap ENSAM Cluny, la Délégation Centre Val de Loire du CNPF et FCBA.
Références
- Robert, G. (2013). Qualités du bois des nouveaux cultivars de peuplier. Colloque organisé par le Conseil national du Peuplier (CNP) le mercredi 16 octobre 2013 au FCBA à Paris. Paris : FCBA. 34 p.
- Reuling, D., Lanvin, J.D., & Bouvet, A. (2013). Caractéristiques mécaniques du bois des nouveaux cultivars de peuplier. Forêt Entreprise, (213), 25-29.
- Reboul, J.B., Sevrin, E., & Gauberville, C. (2012). Valorisation des stations et des habitats forestiers - Guide de reconnaissance et de gestion pour la région Centre. Orléans : Centre régional de la propriété forestière d’Île de France et du Centre ; Forêt privée française. 165 p.
- Ricodeau, N., & Del Ben, P. (2021). Populus tremula L., Tremble, Eurasian aspen. Caractéristiques générales de l’espèce. Fiche Tremble. Paris : Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. [En ligne} disponible sur : www.agriculture.gouv.fr
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