Editorial, avant-propos, introduction

Editorial : la société, la forêt et le forestier

Editorial

"[…] J'ai lu dans quelque endroit qu'un Meunier et son Fils

L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits,

Mais garçon de quinze ans, si j'ai bonne mémoire,

Allaient vendre leur Âne un certain jour de foire.[…]"

 

Assez peu connue, cette fable de la Fontaine intitulée "Le meunier, son fils et l'âne", raconte le voyage des trois personnages en question, et les interventions des passants croisés au long du chemin, qui donnent tous successivement leur avis sur la façon d'organiser la petite troupe et sur qui doit porter qui. J'entends encore le directeur régional de l'ONF en Ile de France, où je débutais ma carrière de forestière (*), citer cette fable comme une parabole de la condition du forestier - en particulier du forestier francilien. A la fin de cette fable en forme de mini-roman picaresque, le meunier, conclut de ses aventures formatrices :

 

"Je suis Âne, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue ;

Mais que dorénavant on me blâme, on me loue ;

Qu'on dise quelque chose ou qu'on ne dise rien,

J'en veux faire à ma tête. Il le fit, et fit bien."

 

Il n'est pour autant pas certain que le forestier puisse aujourd'hui conclure comme le meunier. Les relations de l'homme et de la forêt n'ont jamais été simples, et j'aime à penser que c'est pour cela que les forestiers ont été inventés. La forêt existe sans les hommes, qui en même temps en tirent nombre de services différents et plus ou moins en tension - cela a toujours été le nœud du problème : aucun usage de la forêt, pas même son non-usage, ne s'impose intrinsèquement (contrairement à une route, construite pour circuler, par exemple, même si la façon d'y circuler peut susciter débat). Penser qu'avant les propriétaires de forêts pouvaient n'en faire qu'à leur tête, c'est oublier ou méconnaitre l'histoire mouvementée des relations entre forêt et société.

Cependant, les questionnements de notre société sur son rapport à la forêt sont particulièrement intenses ces dernières années. Est-ce parce que notre société change, et révise en conséquence le contrat société-forêt ? Est-ce parce que les interrogations sur le futur n'ont jamais été aussi profondes, et que le temps long des forêts oblige à diriger le regard vers ses horizons incertains ? Est-ce le signe d'une crise de civilisation, qui redonne à la forêt un rôle de refuge ?

Probablement un peu tout cela. La forêt reste un lieu où se joue la relation de l'homme à la Nature, et les sciences forestières, un espace où elle se pense. La Revue Forestière nous invite à y réfléchir, notamment en lisant le numéro thématique 2021, qui sera consacré aux forêts en libre évolution, ainsi que l'article de Guillaume Decocq, Jean-Luc Dupouey, Laurent Bergès dans ce premier numéro, tandis que Maya Leroy et al. nous interpellent sur l'avenir des forêts, et les besoins en connaissances qu'il appelle.

Bonne lecture !

Auteurs


Myriam Legay

myriam.legay@agroparistech.fr

Affiliation : Directrice de la publication Directrice du centre de Nancy d'AgroParisTech, F-54000 Nancy

Pays : France

Biographie :

Adresse postale : AgroParisTech -14 rue Girardet - CS 14216 - F-54042 NANCY CEDEX

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