« Que voit-on dans une forêt en libre évolution que l'on ne voit pas ailleurs ? », trois regards complémentaires
Résumé
Le regard de Joseph Garrigue : chronique d’une observation naturaliste sensible. Le regard de Laurent Larrieu : des espaces forestiers en libre évolution : Pourquoi ? Où ? Comment ? Que dit la science ?
Outre leur grande valeur patrimoniale intrinsèque, les forêts faiblement anthropisées offrent un refuge à la biodiversité spécifique des milieux forestiers, jouent un rôle important dans l’atténuation des effets du changement climatique et servent d’observatoires pour mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes forestiers naturels ainsi que de références pour développer une gestion basée sur l’imitation des processus naturels. La mise en libre évolution sur le très long terme d’espaces forestiers vise à augmenter la proportion de forêts faiblement anthropisées. Cette revue de littérature précise les caractéristiques que devraient avoir ces espaces forestiers pour pleinement jouer le rôle qui leur est assigné. Bien que les connaissances scientifiques sur le sujet soient encore fragmentaires, nous pensons qu’elles sont à ce jour suffisantes pour optimiser les initiatives de mise en place de surfaces en libre évolution par les gestionnaires de forêts.
Le regard de Bernard Boisson : les forêts rendues à l'oubli pluriséculaire comme référentiels pour recentrer le progrès et réaccorder la société
Les forêts en libre évolution ont une valeur de référentiel perceptuel pour inspirer et recentrer différemment toute gestion territoriale du plus rural au plus urbain. Cette prise de conscience nécessite l’inclusion de domaines de connaissances inhérents aux sciences humaines et aux approches culturelles sensibles en sachant que seule une humanité régulée est compatible avec une nature régulée et que cela implique la plus grande maturité interdisciplinaire entre nous tous. La nature non-domestiquée réveille l’humain inconditionné. Face à un mal-être social latent dans les paysages artificiels : « le déracinement humain dans des lieux déracinés », cette prise de conscience se révèle en grand antidote.
Abstract
Joseph Garrigue vision: a chronicle of a mindful, naturalistic observation. Laurent Larrieu’s vision: long time unmanaged forest spaces: why? where? how? what does science say?
In addition to their high intrinsic heritage value, low-anthropised forests provide a refuge for forest-specific biodiversity, play an important role in mitigating the effects of climate change, and serve as observatories to better understand the functioning of natural forest ecosystems as well as references for developing management mimicking natural processes. No-management of forest areas on the very long term is aimed at increasing the proportion of low-anthropised forests. This literature review specifies the criteria that these forest areas should fulfill for them to fully play the role they have been assigned. Although scientific knowledge on the topic is still piecemeal, we believe that it is presently sufficient to optimise the initiatives of forest managers aimed at implementing unmanaged areas.
Boisson’s vision: forests returned to ancient oblivion as repositories for refocusing progress and re-attuning society
Long time unmanaged forests are valuable perceptual repositories for differently inspiring and refocusing all territorial managements, from the most rural ones to the most urban ones. This realisation requires including fields of knowledge inherent in human sciences and tricky cultural approaches, knowing that only a regulated mankind is compatible with a regulated nature, and this implies cross-disciplinary maturity at its highest. Non-domesticated nature awakens the non-conditioned human. In the face of a latent social unease in artificial landscapes – human uprooting in uprooted places – this realisation comes up as a great antidote.
Introduction
« Mais que voit-on dans une forêt en libre évolution que l’on ne voit pas ailleurs ? ». C’est sur la base de cette question que trois auteurs très différents ont été réunis et mandatés pour tenter d’apporter des réponses complémentaires reflétant l’expérience de chacun et les différentes facettes des regards possibles sur cette même réalité des forêts en libre évolution.
Dans un premier temps, Joseph Garrigue, conservateur de la réserve naturelle nationale de la Massane, sur la base de son vécu de 30 ans de cet endroit exceptionnel, répond directement à la question posée, avec un regard de naturaliste averti teinté d’observation naïve. Puis Laurent Larrieu, chercheur, se référant à son expertise scientifique sur l’évaluation de la biodiversité forestière à travers l’Europe, passe en revue les arguments qui militent pour la conservation de forêts en libre évolution permanente et résume les caractéristiques que ces forêts devraient avoir pour optimiser leur efficacité. Enfin Bernard Boisson, photographe, écrivain et conférencier
Ce triptyque peut sembler étonnant mais s’est avéré très complémentaire pour apporter des éclairages sur l’importance et la nécessaire préservation des forêts en libre évolution ainsi que des pistes de réflexion pour que l’humain intègre dans ses réflexions ces forêts « primordiales » d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Réserve biologique intégrale de Fontainebleau
Photo © Bernard Boisson
LE REGARD DE JOSEPH GARRIGUE : CHRONIQUE D’UNE OBSERVATION NATURALISTE SENSIBLE
Que trouve-t-on dans des forêts non exploitées que l'on ne trouve pas ailleurs ? Tout est question de regard et de temps. Après plus d'un quart de siècle passé à étudier et observer dans la forêt de la Massane
Des années à étudier auprès de spécialistes de tout ce qui vit, et presque toujours le même constat : dans un premier temps, on ne voit rien car on ne sait pas voir. La biodiversité n'est souvent perceptible que pour celui dont c'est la spécialité, d’où l'importance du regard. Dans nos forêts européennes, il ne faut pas s'attendre à ce qu'à chaque pas s'envole une nuée de papillons et décampent des hordes d'animaux sauvages... Non, pas grand-chose de ce type, juste une structure forestière qui devient impressionnante du fait que nous ne la voyons plus dans nos forêts exploitées et que nous n’arrivons même plus à l’imaginer. Ce sentiment du caractère insolite d’une forêt depuis longtemps en libre évolution est souvent renforcé par l'absence de transition : on entre le plus souvent soudainement dans un espace différent, comme on passe un seuil, comme on entre dans un monument défini au premier abord par son architecture, ses piliers d'église, sa voûte, ses jardins fleuris, ...
On y observe rarement la pullulation d'insectes ; chacun d’entre eux semble à sa place, dans sa niche écologique souvent hyperspécialisée, la plupart du temps dans son habitat optimum. On ne compte plus les protocoles élaborés pour les suivis forestiers, inspirés pour la plupart de ce qui se fait dans des forêts fortement marquées par l'exploitation forestière, qui se sont trouvés impossibles à réaliser au regard du nombre de paramètres à noter dans une forêt non exploitée. Un étudiant venu à la Massane caractériser les cavités occupées par les oiseaux, avec son endoscope, habitué à trouver directement les oiseaux dans la première cavité observée en forêt exploitée où cet habitat est si rare, et décidé à appliquer son protocole aux multiples caractères (nombre de cavités à l'hectare, hauteur, diamètre, branche, tronc, exposition...) dut renoncer au bout du deuxième arbre de cette forêt non exploitée, pour cause de surabondance de cet habitat dans une forêt non exploitée. Pourtant, l'intérêt d'une telle étude était évident au vu de l'abondance de cavités, afin de pouvoir caractériser l'habitat optimum pour chaque espèce cavicole. Mais cela demandait de disposer de beaucoup de temps.
Dans de telles forêts, il faut beaucoup de temps pour réaliser les inventaires, pour approcher de quoi est constitué l'écosystème forestier... Il faut souvent des années pour répertorier une espèce que l'on ne reverra peut-être la prochaine fois que dans plusieurs dizaines d'années, tout en sachant pourtant qu'elle est bien là, quelque part, souvent à l'état larvaire ou de formes de résistance, attendant le moment propice pour que l'adulte prenne son envol et qu'on le remarque. Il en va ainsi de nombreux insectes dont les adultes ne sont là que le temps de la reproduction, de quelques jours à quelques heures parfois. Il faut être là au bon moment : c'est peut-être une des caractéristiques de ces forêts non exploitées, que le côté fugace des rencontres. Un syrphe
On constate toujours une certaine appréhension du spécialiste face à la rareté des rencontres, le conduisant à se dire que finalement l'endroit n'est peut-être pas si favorable que cela au groupe d’espèces qu’il étudie. Et pourtant, petit à petit, la liste se remplit au fil des jours, nécessitant patience et perspicacité pour bien explorer chaque microhabitat. En fait, à y regarder en détail, il existe des milliers d'habitats dans une forêt non exploitée depuis longtemps, là sous une pierre dans les racines enchevêtrées, tout là-haut à la fourche des grands hêtres, une petite cuvette d'eau. Et chacun de ces habitats abrite son cortège d'espèces caractéristiques, avec pour chaque espèce, ses commensaux, ses inquilins
Au total plus de 8 000 espèces (animales, végétales, champignons, ...) ont été répertoriées à ce jour sur seulement 336 ha dans la petite hêtraie de la forêt de la Massane, et encore, sans avoir abordés les bactéries ou les virus, ou des groupes très diversifiés comme les nématodes, ou partiellement explorés les champignons. Mais pour cela, il a fallu plus d'un siècle d'investigations, de successions de spécialistes, de compilation des découvertes, de descriptions d'espèces. Le temps de la connaissance de la biodiversité d'une forêt non exploitée, en libre évolution, n'est pas celui d'un homme, mais le plus souvent l'histoire d'une communauté de naturalistes, de scientifiques, qui se succèdent comme se succèdent les communautés d'organismes divers, champignons, bactéries, arthropodes, ... pour venir à bout d'un grand hêtre, pour redistribuer au sol et finalement aux plus jeunes à qui il a cédé la place toute cette matière organique fixée au cours de ses quelques siècles de vie à trépas. Durant toute cette phase de décomposition, on trouve plus de 900 individus de micro-arthropodes en moyenne dans seulement 100 grammes de bois sec... un bois mort qui grouille de vie, mais dont seul le spécialiste décèle la richesse.
Alors, sur la base de ces inventaires, on analyse les résultats, on étudie la répartition des espèces inventoriées, leur biologie, on regarde les microhabitats dans lesquels elles vivent, on réfléchit à la fonctionnalité de l'écosystème, et peu à peu se dessine, par contraste, ce qu’on ne voit pas dans nos forêts exploitées et ce que l'on ne trouve plus que dans des forêts en libre évolution sur le long terme : une diversité des essences, le foisonnement des microhabitats, du bois mort dans tous ses états de décomposition, et des vieux arbres, beaucoup de vieux arbres si propices à la vie avec ces espèces qui ont besoin de temps, beaucoup de temps pour qu'enfin l'habitat leur soit favorable. On y voit également du gros bois, bien décomposé, ou très sec dont on a retiré tout ce qui était facilement exploitable par les autres organismes, dans des conditions telles que l'aridité de la ressource ne bénéficie qu'à un super spécialiste qui ne sera présent que si tout a été préservé dans le cycle de la vie de la forêt. On y trouve une quantité de terreau accumulée pendant plusieurs siècles au creux d'une grande cavité de tronc, propice à la survie d'espèces très exigeantes.
Réserve naturelle de la Massane
Photo © Bernard Boisson
L’histoire de la forêt reste un facteur primordial : même en Europe, les forêts les plus riches restent les forêts anciennes, pour lesquelles, durant plusieurs siècles ou mieux millénaires, la continuité a été assurée, tant pour le couvert forestier que pour la ressource en vieux arbres et bois mort, où les espèces se sont côtoyées longuement, co-évoluées, et pris le temps de trouver leur place. La forêt de la Massane est considérée comme un refuge glaciaire, pour le Hêtre et aussi pour tous les organismes associés. Comme d'autres forêts du pourtour méditerranéen, c'est à partir de ces noyaux que le Hêtre notamment est reparti à la conquête du continent vers le Nord, il y a plus de 6 000 ans, exportant avec lui une bonne partie de la biodiversité tant génétique intrinsèque à cette essence, qu'associée à travers une partie des êtres vivants composant ces forêts, mais malheureusement pas ceux associés aux vieux arbres. Ancienneté, continuité, et naturalité liée à la libre évolution, sont les attributs essentiels d'une forêt riche et diversifiée. Malheureusement, peu de forêts en Europe conjuguent ces trois qualités et la Massane est un trop rare exemple de ce que devrait être des forêts non exploitées.
Des forêts à l’épreuve du temps long, très long, c'est peut-être ce qu'il faudrait retenir comme principale caractéristique d'une forêt non exploitée, en libre évolution depuis un temps immémorial. Pour nous, humains, savoir prendre le temps de les découvrir, ré-apprendre à regarder, à observer, à écouter, à sentir, à ressentir, à étudier, sont peut-être les conditions préalables exigeantes pour percevoir et bien comprendre ce qu'est une forêt non exploitée. Ces surfaces devenues si rares en Europe sont des lieux privilégiés, une source d'émerveillement devant l'ingéniosité de la nature à inventer les formes, les couleurs, les odeurs et les liens qui nous unissent, nous, êtres vivants sur cette planète. Le temps des hommes n'est pas celui des arbres et encore moins celui des forêts, l'homme est pressé, et on le comprend, mais ce n'est pas une raison pour s'en prendre aux arbres et à la forêt. Laissons-leur le temps d'exprimer tout leur potentiel, laissons de grande surface en libre évolution. Nous avons besoin de ce type de forêt, ne serait-ce que pour évaluer nos politiques forestières. Parfois, il me plaît à penser que toutes les hêtraies d'Europe sont des petites de la Massane et de ses sœurs méditerranéennes. Et qui sait, ces hêtraies mères du bassin méditerranéen sont peut-être des mécènes à qui nous n'avons pas encore donné le droit de donner pleinement, notamment face aux changements climatiques qui s'annoncent et qui pourraient bien offrir les solutions de demain à ses enfants partis vers le nord, encore faut-il qu'on les laisse devenir matures tranquillement en libre évolution pour qu'ils puissent pleinement en profiter.
LE REGARD DE LAURENT LARRIEU : DES ESPACES FORESTIERS EN LIBRE ÉVOLUTION : POURQUOI ? OÙ ? COMMENT ? QUE DIT LA SCIENCE ?
Pourquoi des espaces en libre évolution
Les forêts faiblement anthropisées jouent plusieurs rôles cruciaux. Premièrement, elles offrent un refuge à la biodiversité spécifique des milieux forestiers (Vandekerkhove et al., 2011) et servent de tampon contre la disparition de ces espèces dans les paysages fortement anthropisés (Di Marco et al., 2019). Deuxièmement, elles jouent un rôle important dans l'atténuation des effets du changement climatique, à l'échelle locale par leur tampon climatique (Frey et al., 2016) et à l'échelle globale par leur forte capacité de stockage du carbone (Watson et al., 2018 ; Zhou et al., 2006). Troisièmement, ces forêts servent d'observatoires pour mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes forestiers naturels et de références pour développer une gestion basée sur l'imitation des processus naturels (Bauhus et al., 2009). Enfin, elles constituent une partie irremplaçable de notre patrimoine naturel et ont une grande valeur intrinsèque (Moore, 2007).
La France a une longue tradition de foresterie multiusage (Rochel, 2015). Cette approche a été redéfinie et précisée dans les années 1980 par le concept de multifonctionnalité (Guillery, 1986 ; néanmoins, ce concept avait préalablement été défini par Dieterich en 1953), ayant pour objectif d’assurer, dans un même peuplement, une production ligneuse, la protection de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques, une fonction sociale par le maintien d’un paysage, l’accueil du public, la pérennisation de la ressource en eau potable, et, enfin, la protection contre les risques naturels. On constate toutefois en pratique que certains services écosystémiques sont souvent privilégiés par rapport aux autres, en fonction de la situation géographique de la forêt (accueil du public dans les grandes forêts périurbaines), de la fertilité des stations (peupleraies de cultivars) ou du tissu industriel régional (forêt des Landes de Gascogne), du relief rendant l’accès difficile ou bien du statut de propriété, les forêts privées n’ayant pas l’obligation d’accueillir du public.
Dans les dernières décennies, suite à une forte poussée environnementale de la société et aux résultats d'une recherche forestière plus ciblée sur la diversité des espèces et leur rôle écologique, le concept de gestion « intégrative » (Kraus & Krumm, 2013) a précisé un cadre sylvicole favorisant la protection de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques. L'objectif est de mettre en place des itinéraires sylvicoles permettant aux forêts exploitées d'héberger une grande diversité d'espèces. Contrairement au concept de partage du territoire en fonction d'objectifs soit de conservation soit de production (le land sparing des Anglo-Saxons ; Green et al., 2005), utilisé à large échelle en Amérique du Nord (Binkley, 1997 ; Messier et al., 2009), l'approche française (et européenne) relève d'une gestion multifonctionnelle améliorée (correspondant au land sharing). En effet, dans le contexte français où seulement 9 % de la forêt est domaniale, compartimenter reviendrait à assigner une seule fonction à des propriétaires qui ne pourraient alors jouir librement de leur bien ou bien consacrer l'ensemble des forêts de l'État à la seule conservation (et ça ne serait pas suffisant, voir infra). Il semble plus judicieux de hiérarchiser les usages, en faisant jouer à chaque peuplement un rôle prioritaire et des rôles secondaires, définis en fonction de ses potentialités vis-à-vis des différentes fonctions et des souhaits du propriétaire.
Ressources spécifiques fournies par les surfaces en libre évolution
La sylviculture a pour objectif principal de contrôler le développement naturel des forêts et d’orienter leur dynamique dans le but de hiérarchiser les services écosystémiques qui en sont tirés. Dans le cas de peuplements ayant pour principal objectif la production de matière ligneuse, les cycles de production sont très courts en comparaison avec le cycle naturel (« sylvigénétique »). Ce raccourcissement de cycle se traduit par la suppression des phases d’apogée et d’effondrement et le raccourcissement drastique de la phase de régénération. De plus, la composition dendrologique caractéristique de l’habitat ou la dominance naturelle des essences sont souvent profondément modifiées pour répondre aux objectifs de production.
La mise en libre évolution d’un peuplement forestier génère un processus de maturation qui a pour conséquences, après plusieurs décennies :
— de retrouver, sous réserve de la proximité de semenciers, une composition dendrologique normale (en particulier, retrouver l’ensemble des dryades de l’habitat), en redonnant de la place et un rôle fonctionnel aux essences pionnières et postpionnières ;
— d’augmenter sensiblement la gamme des diamètres des arbres ;
— d’augmenter l’hétérogénéité structurale (dimension verticale) et texturale (dimension horizontale) ;
— de retrouver des fortes quantités et diversités de bois mort et de dendromicrohabitats ;
— de retrouver des patrons naturels de distribution spatiale des arbres habitats ;
— de reconstituer une mosaïque de phases qui présente une distribution spatiale bien plus complexe que celle des peuplements forestiers exploités ;
— à très long terme (c'est-à-dire plusieurs centaines d'années), de lier les cycles sylvigénétiques successifs entre eux ; cette liaison a pour conséquence de tamponner les variations des ressources saproxyliques (c'est-à-dire constituées ou contenant du bois en décomposition ; Speight, 1989 ; Stokland et al., 2012), autant en quantité qu'en diversité (Larrieu et al., 2014).
L'effet positif de l'augmentation significative de certaines ressources suite à la maturation est bien documenté, surtout sur la biodiversité taxonomique (par exemple Müller & Bütler, 2010 ; Bouget et al., 2013 ; Bouget et al., 2014a ; Larrieu et al., 2019). Il est probable qu'elle ait également un effet positif sur la diversité génétique et l'intégrité des habitats.
Conservation des espèces les plus exigeantes
Des études taxon-centrées ont montré qu’il était illusoire de vouloir conserver toutes les espèces liées aux écosystèmes forestiers dans des forêts exploitées, en raison des fortes exigences de certaines espèces en termes de ressource, incompatible avec un bilan économique positif de la gestion. Par exemple, plus de 70 m3/ha de bois mort au sol sont nécessaires au coléoptère Pytho kolwensis (Siitonen & Saaristo, 2000) et le champignon lignivore Androdiella citrinella ne recolonise à partir de réserves intégrales que des peuplements comportant des volumes de bois morts supérieurs à 130 m3/ha (Bässler & Müller, 2010). Ces chiffres paraissent difficilement compatibles avec une exploitation forestière rentable. Il est donc maintenant préconisé de compléter l’adoption à large échelle d’une gestion intégrative dans la matrice de peuplements exploités par la mise en place d’un réseau d’îlots de forêt de taille variable laissés en libre évolution, afin de pouvoir fournir à toutes les espèces des ressources vitales suffisantes, quelles que soient leurs exigences écologiques et leurs capacités de dispersion (Lachat & Bütler, 2007).
Des surfaces en libre évolution, mais pour combien de temps ?
Deux éléments sont en prendre en compte pour répondre à cette question : la durée nécessaire à constituer un stock de ressources suffisant pour les taxa, et la durée nécessaire pour que les taxa associés à ces ressources le recolonisent.
Plusieurs études menées dans des contextes forestiers variés montrent que la reconstitution d'une hétérogénéité structurale interne et d'attributs de maturité similaires à ceux observés dans des forêts subnaturelles demande a minima des décennies : plus de 100 ans en hêtraie-sapinière irrégulière de montagne (Larrieu et al., 2012) ; plus de 30 ans en taillis avec réserve collinéen de Hêtre et Chênes pour la diversité de types de bois mort et plus de 70 ans pour la quantité et la diversité des dendromicrohabitats (Larrieu et al., 2016 ; Larrieu et al., 2019) ; plusieurs dizaines d'années pour une large gamme de forêts de plaine et de montagne (Paillet et al., 2015).
La reconstitution d'une mosaïque de phases sylvigénétiques (c'est-à-dire régénération, établissement, croissance, apogée et effondrement) qui caractérise les forêts subnaturelles est aussi affaire de patience, compte tenu de la longueur moyenne des cycles sylvigénétiques, de l'ordre de 3 à 10 siècles (Perry et al., 2008). Le régime de perturbation influe sur la dynamique de cette mosaïque et sur son grain. Néanmoins, même dans le cas de forte dynamique, une durée minimum est nécessaire pour que chaque phase retrouve à la fois son éco-unité (le plus petit élément spatial) et sa matrice (le peuplement entre les éco-unités) caractéristiques. En effet, dans les forêts subnaturelles, même les phases de régénération et d'établissement, dominées par des arbres jeunes, comportent de grandes quantités d'attributs de maturité et on observe que les ressources en bois mort et en dendromicrohabitats ne sont par conséquent pas significativement différentes tout au long du cycle (Larrieu et al., 2014).
Lorsque les ressources sont à nouveau disponibles, les espèces associées peuvent alors recoloniser le peuplement. Cependant, on constate un délai de réponse de plusieurs décennies pour des plantes (Cristofoli et al., 2010), mais aussi pour des taxons paraissant très mobiles comme les diptères syrphidés (Herrault et al., 2016) ou les coléoptères saproxyliques (Bouget et al., 2014b). Ce phénomène est connu sous le nom de « crédit de colonisation » (Jackson & Sax, 2010).
En conséquence, pour être pleinement efficace, la mise en libre évolution de surfaces de forêt devrait l'être de façon permanente. Les zones en libre évolution temporaire (par exemple les îlots de vieillissement, mis en libre évolution pendant 20 à 30 ans puis exploités) ne peuvent en aucun cas ni atteindre la complexité des forêts subnaturelles (Mönkkonen et al., 2011), ni remplir toutes les fonctions assignées à ces espaces de conservation, et peuvent même s'avérer contre-productives si, dans une matrice recélant particulièrement peu de ressources, ces îlots deviennent de véritables pièges écologiques en concentrant les espèces dans des espaces condamnés à disparaître à court terme. Elles peuvent néanmoins constituer un outil efficace à court terme lorsque des rétributions compensent la non récolte de bois car, à budget global égal, la surface instantanée cumulée mise en libre évolution est plus grande (Mönkkonen et al., 2011).
Quelles zones mettre en libre évolution pour garantir leur efficacité ?
Dans un objectif de conserver l’ensemble des espèces liées aux écosystèmes forestiers, les surfaces en libre évolution devraient être « exhaustives, adéquates, représentatives et répliquées » (« CARR » principe ; Lindenmayer & Franklin, 2002). Si on devait respecter à la lettre ce principe, le réseau de forêts en libre évolution devrait donc :
— refléter tout l’éventail de biodiversité, de la diversité des espèces (y compris la variabilité génétique) aux communautés et écosystèmes ;
— héberger des populations viables à long terme ;
— héberger l’ensemble des espèces et communautés ;
— prévenir la disparition stochastique d’espèces ou de communautés par la réplication, en multipliant donc les mises en libre évolution de forêts similaires.
Dans la pratique, ceci est difficile, en raison de freins socioéconomiques, mais aussi de la connaissance fragmentaire de certains compartiments de la biodiversité. On peut néanmoins s’appuyer sur ce principe et sur la littérature pour recommander quelques lignes directrices ainsi que quelques seuils de surface à maintenir en libre évolution.
Représenter toute la variété d’habitats et pas seulement les habitats marginaux
On a souvent tendance à mettre prioritairement en réserve les endroits à relief fortement marqué pour désamorcer un conflit entre les fonctions de production et de conservation, parce que ces situations cumulent une difficulté d'accès et une faible productivité. Il en résulte bien souvent un manque de représentativité des stations à forte productivité. Pourtant, ces dernières hébergent une biodiversité qui n'est pas nécessairement incluse dans les stations qui montrent des conditions climatiques généralement plus drastiques, des sols souvent peu épais ou très pauvres, et au final une végétation différente (par exemple Bensettiti et al., 2001). De plus, les peuplements laissés en libre évolution et situés en stations à fort potentiel de production ligneuse retrouvent plus rapidement une forte maturité (c'est-à-dire la présence de très gros arbres, de bois mort et de dendromicrohabitats sous des formes variées ; Cateau et al., 2015). Rappelons que les attributs de maturité concernent une large part des espèces épigées vivant en forêt ; citons pour exemple qu'un tiers des espèces d'insectes forestiers sont saproxyliques dans les forêts tempérées (Ulyshen, 2018) et que 20 % de la faune forestière est liée au bois mort en Grande-Bretagne (Elton, 1966 in Dajoz, 2007).
Privilégier les forêts anciennes
Le défrichement de la forêt et l'utilisation agricole des sols modifient durablement leurs caractéristiques chimiques et microbiennes (Compton & Boone, 2000 ; Bellemare et al., 2002 ; Baeten et al., 2011). En effet, ces changements sont encore visibles 2000 ans après un retour de la forêt (Diedhiou et al., 2009). La végétation (y compris la banque de graines dans le sol), la faune et la fonge sont profondément modifiées, surtout si le sol a été labouré et que la durée de l'exploitation à des fins agricoles a été longue (Dupouey et al., 2002 ; Sciama et al., 2009). La recolonisation du milieu après le retour de la forêt est très lente pour certains groupes taxonomiques comme les plantes vasculaires, les champignons mycorhiziens et les Coléoptères carabiques (Hermy & Verheyen, 2007 ; Gossner et al., 2008 ; Assmann, 1999 ; Diedhiou et al., 2009). Les lichens sont en mesure de recoloniser rapidement un paysage très forestier (Dittrich et al., 2013 ; Király et al., 2013 ; Odor et al., 2013 ; Janssen et al., 2019), mais pas des paysages où la forêt est fragmentée (Fritz et al., 2008 ; Marmor et al., 2011 ; Moning et al., 2009). Les coléoptères saproxyliques ont également un délai de réponse notable dans des paysages forestiers fragmentés (Brin et al., 2016 ; Irmler et al., 2010 ; Gossner et al., 2008). Mettre en libre évolution une forêt ancienne permet d'espérer la conservation des espèces sensibles à ces changements drastiques de contexte et également de conserver la spécificité des sols forestiers dont on connaît la grande richesse taxonomique, au moins dans ses grandes lignes (Gobat et al., 2003).
Mettre à disposition et garantir à long terme des ressources suffisantes
Une large part des milieux de vie pour les espèces forestières de petite taille constituent des îlots de ressource éphémères (concept d’Ephemeral Resource Patches ; Finn, 2001). C’est le cas par exemple du bois mort : les pièces de bois morts sont séparées les unes des autres et évoluent dans le temps jusqu’à disparaître, totalement décomposées. Les espèces saproxyliques doivent donc périodiquement rechercher une autre pièce de bois mort correspondant à leur habitat de prédilection. Leur capacité de dispersion leur permet dans une certaine mesure de coloniser de nouvelles pièces et de recoloniser des pièces laissées vacantes à cause de la disparition de la population qui l’habitait. Les extinctions locales régulières et les phénomènes de recolonisation de milieux de vie vacants définissent un fonctionnement de métapopulation (Hanski, 1998). Il est probable qu’une partie des espèces vivant dans les dendromicrohabitats aient également ce mode de fonctionnement à l’échelle du peuplement forestier, particulièrement celles qui bouclent l’intégralité de leur cycle de vie dans le même dendromicrohabitat.
La conservation des espèces fonctionnant en métapopulation nécessite de garantir à la fois la continuité et la connectivité de leurs ressources. Certaines espèces ont des stratégies pour attendre que les conditions redeviennent favorables, comme la transformation en sclérote pour certains champignons ou la capacité de certaines graines à garder leur pouvoir de germination sur de longues périodes, mais ce n’est pas le cas général. Pour les autres, la survie dépend d’une disponibilité constante de la ressource dans le temps long, une rupture de cette ressource pouvant provoquer la disparition locale de l’espèce exploitant cette ressource. La connectivité correspond à la proximité spatiale des ressources similaires permettant leur (re)exploitation par les espèces, dans la limite des capacités de détection et de dispersion individuelles.
Privilégier les zones déjà matures, à forte dynamique ou particulièrement soumises aux perturbations naturelles
Mettre en libre évolution une zone déjà mature assure la mise à disposition immédiate d’une variété de ressources trophiques et d’habitat. Compte tenu du délai de colonisation, la probabilité que ces ressources soient déjà exploitées, au moins en partie, est aussi plus forte. Pour un habitat donné, les secteurs à forte productivité ou soumis régulièrement à des perturbations naturelles (foudre, vent violent, etc.) retrouvent plus rapidement que les autres secteurs une hétérogénéité structurale interne.
Privilégier les points chauds (hotspots) de biodiversité avérés
Intégrer dans un réseau d'espaces laissés en libre évolution les zones dont on connaît la richesse en espèces caractéristiques des écosystèmes forestiers permet, d'une part, d'assurer leur protection et, d'autre part, de conserver un réservoir de biodiversité pour recoloniser les territoires adjacents par effet de débordement (effet spillover ; Rand et al., 2006).
Il n'est toutefois pas certain que ces populations soient viables car de nombreuses espèces montrent des dettes d'extinction (Tilman et al., 1994). Dans ce cas, leur présence ne traduit pas l'inadéquation déjà actuelle du milieu à leurs exigences vitales ou bien la structure démographique ou génétique de la population ne permet pas sa viabilité à moyen terme. Leur disparition à l'échelle locale est alors inéluctable.
Taille minimale de l’îlot
La surface minimale d’habitat à dynamique naturelle nécessaire à la survie à long terme d’une espèce est assurément taxon-dépendante, les espèces les plus grosses étant les plus exigeantes en surface (Hanski, 2005). La littérature est assez pauvre sur le sujet et peu d’éléments sont disponibles pour évaluer la surface de libre évolution nécessaire en fonction d’un objectif de conservation, d’autant plus qu’une matrice d’habitat environnant gérée avec une approche intégratrice peut compléter les ressources fournies par l’îlot en libre évolution.
Dans les pays du nord de l'Europe, la stratégie de conservation repose sur la mise en réserve d'habitats clés (concept de woodland key habitats ; Timonen et al., 2011) comme les bordures du réseau hydrographique ou les habitats originaux au regard des conditions environnementales caractéristiques de l'écorégion. Suivant les pays, ces habitats représentent au total 0,6 % (en Finlande) à 1,7 % (en Lettonie) de la surface forestière et les taches conservées font en moyenne entre 0,67 ha (en Finlande) et 21,3 ha (en Norvège) (Timonen et al., 2010). Hanski (2005), mais aussi Sippola & Halonen (2005) doutent de la pertinence de ce réseau, mettant en cause l'isolement des populations vivant dans ces taches ainsi que des effets négatifs d'une inévitable proximité aux lisières pour les espèces de cœur de forêt. Ces craintes sont corroborées par des données empiriques sur les polypores (Gu et al., 2002 ; Junninen & Kouki, 2005 ; Junninen & Kouki, 2006) et les coléoptères saproxyliques (Siitonen, 2001). Le coléoptère appelé communément « pique-prune » (Osmoderma eremita) n'est pas systématiquement présent dans les peuplements de moins de 10 ha, même s'ils contiennent des arbres à cavités favorables (Ranius, 2000).
Deux études, se focalisant pour la première sur la ressource en bois mort et pour la seconde sur les dendromicrohabitats, permettent par une approche indirecte de fixer quelques seuils de surface minimale à affecter aux îlots de libre évolution de petite taille. Jakoby et al. (2010) ont modélisé la dynamique du bois mort dans les hêtraies et ont montré qu'en dessous de 2 ha, un îlot ne pouvait à long terme garantir une ressource en bois mort varié. Pourtant, Bouget et al. (2013) ont mis en évidence qu'une diversité des pièces de bois mort était un facteur clé pour la diversité des coléoptères saproxyliques (plus de 2 600 espèces en France métropolitaine ; Bouget et al., 2019). Larrieu et al. (2014) ont montré qu'une surface de moins de 10 ha de hêtraie-sapinière en libre évolution depuis plus de 100 ans ne pouvait garantir une diversité de dendromicrohabitats, alors que chaque type de dendromicrohabitat constitue le milieu de vie pour des communautés associées distinctes, parfois strictement associées à un seul type (Larrieu et al., 2018). Il est recommandé par plusieurs auteurs de fixer une taille minimum qui tienne compte du régime de perturbation naturel le plus fréquent dans la région concernée (par exemple Lindenmayer & Franklin, 2002).
Proportion à l’échelle du paysage
À l'échelle du paysage, la viabilité d'une espèce dépend d'une quantité minimale de ressources et de sa capacité à les utiliser, en relation avec les distances à parcourir entre ces ressources et les capacités de dispersion de l'espèce (Johnson et al., 2002). La diversité locale en coléoptères saproxyliques est favorisée par l'accroissement de la surface forestière en libre évolution permanente dans un rayon de 2 500 m (Bouget & Parmain, 2016). Elle augmente au-delà de valeurs seuils de proportion de réserves dans le paysage, comprises entre 12 % et 20 %. Fahrig (1998) ainsi que Flather & Bevers (2002) ont montré dans des études théoriques que la fragmentation pouvait affecter la viabilité des espèces quand la quantité d'habitat favorable représentait moins de 20 à 30 % du paysage. Plusieurs études empiriques se focalisant pourtant sur des espèces à écologies différentes convergent vers ce seuil d'environ 20 à 30 % (synthèse dans Nilsson et al., 2001).
Une seule grande surface ou bien une multitude de petites ?
Le débat sur la meilleure stratégie à adopter entre concentrer la surface en libre évolution dans une seule large zone ou bien en de multiples îlots disjoints est ancien (SLOSS debate ; Diamond, 1975). Baz & Garcia-Boyero (1996) préconisent, dans un paysage fragmenté anthropisé depuis longtemps, et dans un objectif de conserver un maximum d'espèces de papillons diurnes, de plutôt conserver un réseau de petites surfaces en libre évolution (Baz & Garcia-Boyero, 1996). Bouget & Parmain (2016) montrent pour les coléoptères saproxyliques que, par rapport à une seule réserve, un ensemble d'îlots favorise l'abondance des espèces rares dans les réserves, ainsi que la richesse spécifique des espèces communes dans les peuplements exploités environnants. Hokkanen et al. (2009) recommandent pour les plantes vasculaires un réseau alliant de larges surfaces et de plus petits îlots. Enfin, Lindenmayer et al. (2015) concluent qu'il n'y a pas de différence significative entre les deux stratégies pour les oiseaux. Finalement, la meilleure solution serait dépendante de l'objectif (maximiser le nombre simultané d'espèces ou bien minimiser le taux d'extinction) et de la proportion d'espèces communes aux surfaces laissées en libre évolution (Burkey, 1989). Néanmoins, seules de grandes réserves d'un seul tenant permettent de maintenir des processus d'évolution et des mosaïques de phases dynamiques et de régimes de perturbation naturelles à des échelles spatiales cohérentes, et de répondre aux exigences des espèces à large domaine vital (Lindenmayer & Franklin, 2002). De plus, ces grandes réserves limitent les effets de bordure qui sont dans la plupart des cas négatifs pour les espèces de cœur de forêt ou sensibles au dérangement (With, 2019), l'influence microclimatique et biotique de l'habitat adjacent pouvant s'étendre vers l'intérieur de l'îlot à plus de 200 m de l'écotone (Laurance et al., 2011). La concentration de l'effort de conservation sur des îlots de petite taille représente un danger en cas de future exploitation de celles-ci suite à un changement de stratégie politique (Edwards et al., 2014) ou à des évènements stochastiques (tempête, incendie) d'ampleur spatiale équivalente à la taille des îlots.
La solution semble passer par une double stratégie combinant à la fois des outils pour la conservation ségrégative, c’est-à-dire des forêts en libre évolution dans les parcs nationaux, des réserves intégrales de grande surface et des corridors, et des outils de gestion intégrée comme les îlots de sénescence, la rétention de pièces de bois mort et d’arbres habitats (Lindenmayer & Franklin, 2002 ; Bollmann & Braunisch, 2013). Quels que soient la stratégie adoptée et le nombre d’îlots laissés en libre évolution, il convient de réfléchir à leur distribution spatiale afin d’assurer leur connectivité.
Des surfaces interconnectées
La maintenance ou la restauration de la connectivité est une question primordiale lorsqu’on élabore un réseau d’espaces de conservation (With, 2019). Pour jouer pleinement leur rôle, les surfaces de libre évolution doivent être interconnectées. Ces connections ne sont pas nécessairement structurales, c’est-à-dire physiquement réalisées par des corridors reliant les îlots entre eux ou quand les surfaces en libre évolution sont adjacentes, mais au moins fonctionnelles, donc permettant les mouvements et redistribution de la majorité des organismes, des matériaux et des nutriments (With, 2019). Des îlots de petite taille peuvent ainsi efficacement connecter entre elles de plus grandes zones si leur distribution spatiale s’accorde avec les capacités de dispersion et de détection à distance de la ressource de la majorité des espèces (With, 2019). Une matrice exploitée perméable, c’est-à-dire suffisamment accueillante pour engager l’espèce à la traverser pour rechercher un habitat adéquat, peut également connecter des surfaces en libre évolution disjointes. Une gestion intégrative accroît la perméabilité de la matrice.
La connectivité est un concept d'interactions entre le paysage et l'organisme considéré, chaque organisme ayant sa propre capacité de dispersion (c'est-dire sa propension à se disperser et sa distance maximale de déplacement), de détection et de franchissement d'une matrice hostile. En pratique, si la démarche de conservation est taxon-centrée (espèce à statut, cible ou de très forte responsabilité pour la zone), on utilise les données disponibles pour ce taxon. Si la démarche est plus générale, on évalue une connectivité potentielle (par contraste avec la connectivité actuelle, c'est-à-dire prouvée par des données empiriques ; Calabrese & Fagan, 2004) en utilisant des valeurs moyennes mesurées pour une espèce modèle. Le choix d'un modèle à faibles capacités est un moyen de prendre en compte un maximum d'espèces. Les espèces inféodées à des ressources d'habitat stables dans le temps sont théoriquement celles qui ont les plus faibles capacités de dispersion (concept de stability-dispersal ; Southwood, 1977). Ce concept a été validé pour les coléoptères saproxyliques (Percel et al., 2019). Les grandes cavités à terreau sont des dendromicrohabitats qui peuvent perdurer plusieurs centaines d'années (Ranius et al., 2009). Les études de Ranius (2000) et de Gouix (2011) sur respectivement le pique-prune et le taupin violacé (Limoniscus violaceus), deux coléoptères saproxyliques spécifiques des cavités à terreau, montrent un effet positif de l'agrégation en bouquet des arbres porteurs de ce type de cavités. La proportion de cavités habitées par Limoniscus violaceus chute drastiquement avec l'éloignement à la cavité occupée la plus proche. Les mesures de dispersion menées par télémétrie et capture-recapture sur le pique-prune montrent le même patron. Pour les deux coléoptères, la probabilité d'observer l'espèce est très faible dès que l'on s'éloigne de plus de 200 m d'une cavité occupée.
Conclusion : en sait-on assez pour être opérationnels ?
Les connaissances scientifiques sur la biodiversité et le fonctionnement des forêts naturelles sont certes encore fragmentaires. Néanmoins, nous pensons qu’elles sont à ce jour suffisantes pour optimiser les initiatives de mise en place de surfaces en libre évolution par les gestionnaires de forêts. La première étape pour les gestionnaires devrait consister à réévaluer les schémas précédemment établis en intégrant ces connaissances scientifiques, afin d’éviter un effort substantiel qui, à terme, ne se traduirait pas en résultats probants.
LE REGARD DE BERNARD BOISSON : LES FORÊTS RENDUES À L’OUBLI PLURISÉCULAIRE COMME RÉFÉRENTIELS POUR RECENTRER LE PROGRÈS ET RÉACCORDER LA SOCIÉTÉ
En art, l'expression « arts premiers » est venue supplanter les termes d' « arts primitifs ». S'il n'y a plus stricto sensu de forêts primitives en Europe, n'en reste pas moins des lieux qui en restituent fortement le faciès. On pourrait même parler de « forêts premières ». Voire de « forêts primordiales ». Mais l'idée n'est en rien mythologique. Avant tout, s'agit-il de témoigner de forêts prépondérantes en termes de référentiels. Des référentiels pas seulement pour les scientifiques-naturalistes et les forestiers, mais aussi pour les écopsychologues, les phénoménologues
Mais pour cela reste la nécessité d'un monde professionnel ouvert en esprit. On ne conçoit pas de navigateur sans boussole ou de musicien sans diapason, tandis que les politiques territoriales sont aujourd'hui incroyablement à leur aise pour s'affranchir de référentiels majeurs dans les décisions ! Ce manquement est à revoir expressément. Sachant que dans les écosystèmes, tout est interrelié et interactif, s'ensuit que le milieu humain le plus compatible avec eux, fonctionne sur un modèle équivalent. C'est-à-dire dans la maturation et la synergie interdisciplinaire des professions. Insulariser les forêts naturelles en réserves dans des océans de surproduction sans assimiler leurs enseignements heurtent les personnes avisées de la valeur référentielle de ces paysages. Pas uniquement dans les registres de l'écologie ! Car les forêts inexploitées depuis plusieurs siècles détiennent aussi une valeur de pôle référentiel en psychologie, sachant que ce sont les lieux indomestiqués par excellence qui réveille l'humain inconditionné. Il y a là un vaste domaine de connaissances qu'un seul article ne suffira à couvrir. Face à l'uniformisation des exploitations, les sites naturels ravivent en nous un dépaysement qui en réalité s'avère être du « ré-empaysement ». La ruralité et l'urbanisme transformés ont tellement contraint les masses humaines à s'enraciner dans des lieux déracinés que les vieilles forêts se révèlent en contrecoup des antidotes flagrants pour désamorcer cette bombe à mal-être. C'est une référence qui ne peut donc plus être omise des professionnels du territoire...
Des forêts en libre évolution pour nous guérir de la déchirure du temps
Avant le clash-covid, l'humanité vivait une accélération du temps aspirée dans le siphon de la compétitivité jusqu'à induire une déflagration par quantité de dérégulations, de déséquilibres, et de dysfonctionnements. C'était un phénomène « trou noir » né dans l'économie mondiale. Dans ce broiement, la coupure humain/nature s'inscrivait de plus en plus dans un divorce temporel entre le timing et le tempo. À savoir le timing économique d'un progrès et le tempo nécessaire à l'évolution de tous les systèmes, de la nature jusqu'à la maturation des consciences dans les collectivités humaines. Aussi, on ne résorbera pas le clivage humain/nature par plus de murs végétaux, de rond-point fleuris, et d'écoquartiers, mais en jugulant d'abord la déchirure temporelle humain/nature.
Les forêts naturelles nous reviennent en référentiel majeur pour comprendre ce déchirement à résorber. Un écosystème forestier, c'est du temps stratifié intriquant des pas de temps différents dans les cycles de tous les organismes vivants. Ce concert des espèces semble s'accorder sur le tempo d'un métronome invisible. Toutefois nous avons aujourd'hui les moyens technologiques de rompre le tempo des écosystèmes par un timing lié à l'accélération de la concurrence et des cadences productives. Nous le pouvons, mais faut-il le vouloir ? Si nous le voulons, il faudra comprendre que le prix à payer sera d'abord en dehors du marché avant de revenir en boomerang sur lui. Les logiques de marché contreviennent à la régulation globale du Vivant, l'humain inclus. Manque à ses logiques l'intelligence des ensembles. Alors pourquoi imposent-elles à ce point leur ignorance aux professionnels avertis ?
Le jardinier, l'agriculteur... travaillent la nature principalement avec des espèces ayant une espérance de vie n'outrepassant guère l'espérance de vie humaine, si ce n'est le cycle annuel des saisons. S'enraciner dans du temps plus court que sa vie ne fait pas sens. L'industrialisation de la sylviculture fait descendre l'espérance de vie de l'arbre de plus en plus en-dessous de l'espérance de vie humaine, et quand c'est moins le cas comme pour le Chêne, l'être humain ne dépasserait guère son adolescence, si sa durée de vie était écourtée dans le même pourcentage que cet arbre.
Les forêts naturelles échappent à cette contraction par le sentiment d'intemporalité qui en émane. Elles ne sont plus identifiables à l'âge d'une plantation. À l'inverse, notre société abrégeant partout la vie organique, devient amnésique de l'immémorial. Elle se maintient dans un manque de conscience où elle ignore son ignorance. Cette carence contrevient à la formation de quantité de professionnels. Est à relever là qu'une écologie d'humains déracinés ne sera jamais « écologique »... Avec la sylvothérapie, on parle de plus en plus de « bains de forêts »
L'écopsychologie forestière va encore plus loin que la sylvothérapie en relevant les sentiments inducteurs de déconditionnement psychologique dans les forêts naturelles quand nous sommes imprégnés du dynamisme vie/mort inhérents aux cycles sylvigénétiques. En fait, les forêts sauvages sont un véritable test de Rorschach
Naturalité forestière concédée ou naturalité assimilée ?
Nous avons vite fait de discerner une société qui assimile en sensibilité et en connaissances les référentiels de la naturalité forestière dans sa gestion territoriale de celle qui ne l'intègre pas. Je me souviens au fin fond des Carpates roumaines d'un fragment d'ancienne forêt primaire. Les premiers villages se situent encore à 25 et 50 kilomètres de distance de part et d'autre. De tous temps, le débardage par voie de rivière n'était pas concevable. Avec l'apparition récente d'une piste forestière nous découvrons une coupe rase en lisière abrupte de cette forêt donnant à supposer que l'aire initiale de cette sylve relictuelle était autrement plus vaste. Ce constat sensible va à revers de ce que nous sommes supposés vivre. Le contraste entre la coupe rase et l'antre d'une forêt immémoriale violente nos sens a contrario de la profondeur paysagère qui s'ouvre à nous. Cela donne à comprendre ce qu'il eût été souhaitable de faire et ne pas faire sur ce massif. Nous sommes au pied du mont Tibles. La topographie du site était extraordinaire pour nous conférer un sentiment de bout du monde. La magie aurait opéré dans nos sens si, à mesure de notre enfoncement dans le paysage, nous étions graduellement passés d'une nature artificiellement organisée vers sa déprise pluriséculaire. Le temps d'approche dans la découverte du lieu aurait synchronisé notre temps de déconditionnement psychologique avec la graduation d'ensauvagement et de maturité arborescente.
Les émotions en forêts naturelles ne sont pas toujours soudaines. Elles perfusent progressivement en nous, jusqu'à ce que nous en venions à nous sentir habités par elles. Nous les assimilons en proportion de notre liberté d'esprit à les vivre. Toutefois cette faculté sensible peut être rompue si une gestion territoriale fragmente en « zonages » ce que l'on alloue à la forêt intégralement préservée et ce que l'on alloue à la forêt intensivement exploitée sans « zones tampons » pour graduer les transitions. Sans graduation, nous avons l'impression d'être seulement dans un espace muséographique de forêt. Non plus dans une nature-sanctuaire, mais dans une nature exilée faisant miroir avec notre mal-être latent d'exil. Ce constat contrevient à toute écothérapie. Nous ne sommes plus dans un confins terrestre, mais dans une nature confinée dans les interstices étroits de toute exploitation. Nous sommes dans un « cluster » de nature sauvage, non dans un continuum du Vivant où il y aurait des gradients d'exploitation. Aussi, cela perd sa valeur d'antidote expérientiel pour une société souffrant d'elle-même.
Le label de réserve de la biosphère de l'UNESCO pose une direction nettement plus sympathique à la gestion territoriale si elle est bien comprise et respectée ; pas seulement dans l'approche scientifico-naturaliste mais aussi pour l'imprégnation sensible. Les parcs naturels régionaux français devraient assimiler la gestion graduée entre des zones cœurs de naturalité et des exploitations accordées à l'image des Réserves de la Biosphère. Car en effet, j'ai vécu un même choc de rupture dans le parc naturel régional de la Montagne de Reims. Là se jouxtent en lisière abrupte un domaine de la Fondation Brigitte Bardot prévu en réserve naturelle forestière intégrale et une coupe rase sur une chênaie de l'ONF. Derrière, nous découvrons l'impuissance d'un parc naturel régional à orchestrer la graduation, ce qui, plus qu'attester un manquement chez des décisionnaires, prouve un déficit de maturité interprofessionnelle facilitée par une carence culturelle. Nous sommes tous coresponsables dans une situation comme celle-là. Reviennent aussi les contraintes économiques derrière toute gestion paysagère, mais aujourd'hui une question s'ajoute à savoir si notre système économique mondial est bien économiquement réparable ?
Parc national de Retezat – Transylvanie – Roumanie
Photo © Bernard Boisson
Pessière naturelle du Retezat – Transylvanie – Roumanie
Photo © Bernard Boisson
Pin cembro en forêt naturelle de l’Orgère – Isère
Photo © Bernard Boisson
Réserve biologie intégrale de la Sainte-Baume – Var
Photo © Bernard Boisson
Conclusion : la graduation en gestion forestière prouve l'interdisciplinarité vivante d’une démocratie
Nous avons à changer de chapitre dans l'histoire de la gestion forestière. Concéder la nature ici pour exploiter plus intensivement ailleurs va à revers d'une maturité civilisatrice concernant les rapports humain/nature. Cette formule atteste un quant-à-soi séparatif chez les professionnels et instille l'amertume parmi ceux qui rêvent à mieux et plus vrai dans les rapports humains/nature. L'écologie n'a pas de frontière ou alors elle est moins qu'elle-même. Tout au contraire, une gestion graduelle entre nature exploitée et nature ensauvagée prouve la maturité interdisciplinaire des propriétaires, des gestionnaires, des scientifiques-naturalistes, des artistes, des thérapeutes, des élus... et l'existence de référentiels pour les accorder.
Le besoin de nature profonde et authentique exprimé par notre société s'accroît en proportion de l'altération qualitative des paysages arborés. Cette montée d'envie pourrait demain davantage déferler sur les quelques réserves naturelles quand une sylviculture trop industrialisée contrevient aux structures forestières les plus ressourçantes, de par leurs irrégularité, diversité, densité, et maturité. Nous avons là à prendre garde d'un phénomène pervers à savoir : le danger de faire reculer la nature en retournant en masse vers elle. Une géographie du besoin social latent est à anticiper à l'égard des forêts. Ne nous laissons pas surprendre par lui comme nous nous sommes laissé surprendre par un virus... Les ultimes reliques de nature sauvage n'ont pas pour mission d'être l'éponge absorbante du mal-être en ville et en entreprise, autrement elles mourraient aussi à leur essence. En quantité, les forêts naturelles et nos derniers restes de boisements matures ne soutiendraient pas ce choc. C'est pour cela que les forêts en libre évolution sont à réassimiler en référentiel pour réhabiliter qualitativement la multifonctionnalité dans toutes les autres forêts, tout comme inspirer des lieux de vie dignes de ce nom dans les agglomérations urbaines.
Notes
- (1) Également président de l'association Forêt Citoyenne – http://www.foretcitoyenne.org
- (2) Depuis plus d’un siècle, la forêt de la Massane n’est plus exploitée et les processus de vie et de mort de cet écosystème s’accomplissent librement. Mais c’est la présence de milieux liés à l’ancienneté et au degré de naturalité de la forêt qui font de la Massane un site à forte biodiversité. Elle est considérée comme une des quarante dernières vieilles forêts du bassin méditerranéen. Le 30 juillet 1973, un arrêté ministériel a porté création de la Réserve naturelle nationale dite « forêt de la Massane » ou « forêt des Couloumates » sur une surface de 335 hectares 98 ares 58 centiares, prenant en compte toute la haute vallée de la rivière Massane, dont 305 hectares relèvent du régime forestier.
- (3) Les syrphes appartiennent à l'ordre des diptères, communément appelés mouches, et plus particulièrement à la famille des syrphidés. Cette famille comprend environ 500 espèces en France. Les adultes participent à la pollinisation des fleurs alors que les larves ont des modes de vie très diversifiés et vivent dans de nombreux microhabitats, ce qui en font des indicateurs précieux pour évaluer l’intégrité écologique d’un site (cf. méthode Syrph the net).
- (4) Se dit d'une espèce qui vit fixée sur ou dans une autre espèce, qui ne lui sert que de support ou d'abri.
- (5) L'écopsychologie est un vaste champ interdisciplinaire de compétences appréhendant les origines et les conséquences psychologiques de la déconnexion humain/nature. À l'inverse, elle cherche à nous en guérir. Le créateur du concept est le sociologue-écrivain Théodore Roszak. Il a été professeur dans plusieurs universités américaines. Voir : Ecopsychology, restoring the earth – healing the mind (collectif de 25 auteurs). Éditions Sierra Club, 1998.
- (6) Voir Revue forestière française, numéro 2-3-4 - 2018 Spécial forêts et santé publique.
- (7) Le test de Rorschach se pratique en psychologie pour révéler les traits d'une personnalité, voire de son inconscient.
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