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Le rewilding pour tendre vers la pleine naturalité

Résumé

Au cours du réchauffement holocène, la dynamique forestière est affectée par l’absence de la mégafaune éliminée au Pléistocène. Plus tard, la déforestation d’origine anthropique atteint son apogée en France au XIXe siècle. Avec l’exode rural, des forêts férales pleines de naturalité se mettent en place par libre évolution sur d’anciennes terres agricoles. Le phénomène est bien marqué dans les massifs montagneux. En France, dès les années 1950, des réintroductions d’espèces vont permettre de restaurer des fonctions écologiques. Le rewilding, un mix de libre évolution, de réintroductions d’espèces et d’ingénierie écologique constitue la voie à privilégier pour remettre en fonctionnement les écosystèmes et lutter contre la sixième extinction des espèces. Le parc naturel régional du Vercors a montré l'exemple pour retrouver la pleine naturalité grâce à des espaces en libre évolution et de multiples réintroductions qui ont permis de restaurer des fonctions écologiques.

Abstract

During Holocene warming, the dynamics of forests was affected by the absence of the megafauna eliminated during the Pleistocene. Later on, anthropogenic deforestation reached its climax in France in the XIXth century. Rural exodus caused feral forests full of naturalness to settle on unmanaged former agricultural land. The process was quite visible in montane environments. In France, reintroduction of species as soon as the 1950’s restored ecological functions. Rewilding – a mixture of absence of management, reintroduction of species and ecological engineering – is the way to be prioritised to allow ecosystems to function properly again, and fight against the sixth mass extinction. The regional natural park of the Vercors paved the way for regaining full naturalness thanks to unmanaged areas and multiple reintroductions that restored ecological functions.

Introduction

Fermez les yeux ; laissez-vous envahir par les parfums d’une vieille forêt dans un vallon escarpé de l’Ariège aux sapins centenaires ; le grondement du torrent et l’atmosphère brumeuse étouffent les modulations de la grive musicienne ; vous espérez l’empreinte de l’ours, la possibilité de le croiser offre à cette randonnée ce petit quelque chose que vous ne savez pas définir ; un mélange d’envie et de tension. Vous pourriez également explorer une pessière du Jura parsemée de tourbières, dans l’aube de mai à l’écoute du grand coq, l’ambiance y semble plus sereine que dans le domaine de « Martin » ; croiser un lynx, dont l’essentiel de la population française reste cantonné au croissant jurassien et aux massifs subalpins du nord des Alpes, serait un cadeau inestimable…

Nous avons brièvement parcouru par la pensée quelques vieilles forêts pleines de naturalité abritant des joyaux de la nature française, les meilleurs livres de la bibliothèque naturelle : l’ours, le lynx, le grand tétras et bien d’autres espèces encore en sont les plus beaux ouvrages.

Il est cependant peu probable que votre rêverie forestière vous conduise dans une plantation de Peupliers, de Douglas ou de Pins noirs. Les processus naturels sont dans ce cas simplifiés : les communautés d’oiseaux, de plantes, d’insectes ou de mammifères sont très réduites par rapport à celles présentes dans des forêts subnaturelles.

L'objectif de cet article est d'expliquer ce que le rewilding, concept récent et bien documenté (243 références dans le Web of Science dont 193 depuis 2016) peut apporter à la gestion des écosystèmes forestiers de grande taille afin de les rendre plus autonomes en laissant une part importante aux processus naturels. Le rewilding représente un panel important de solutions cherchant à améliorer l'état de conservation de la biodiversité alors que nous vivons la sixième extinction majeure des espèces (Ceballos et al., 2017) et à atténuer les effets du changement climatique (Svenning, 2020). Des limites sont imposées par notre histoire collective depuis 45 000 ans, époque à laquelle Homo sapiens a colonisé l'Europe (Mellars, 2011) et est venu bouleverser les communautés vivantes (Stuart, 2015 ; Elias & Schreve, 2007).

Le rewilding s’est déjà glissé depuis plus d’un siècle dans certains territoires

Dans le Diois et les Baronnies, entre Vercors et Ventoux, comme dans une grande partie des Alpes du Sud, du Massif central et d’autres territoires, les écosystèmes forestiers se sont étendus après des siècles de surexploitation. Avec l’exode rural qui a débuté au milieu du XIXe siècle (Couriol & Mathieu, 1996), les humains ont, en quelques dizaines d’années, lâché la bride à la nature. Des processus naturels basés sur la régénération spontanée des essences locales et la recolonisation par la faune depuis les « régions » voisines ainsi que d’îlots boisés dispersés, ont permis la mise en place d’écosystèmes forestiers dans lesquels entendre le hurlement des loups ou le brame du cerf par un froid matin d’octobre est aujourd’hui une possibilité. En 1990, il y a seulement trente ans, je n'aurais pu écrire cela. Lorsqu’on parcourt ces forêts, la diversité semble au premier abord assez faible puisque le milieu est souvent dominé par le Pin sylvestre ou le Chêne pubescent mais, sous la canopée, le futur se dessine, les essences se comptent par dizaines1(1). Les espèces pionnières vont préparer la phase jeune de ces nouvelles forêts permettant à la biodiversité locale de s’enrichir. Des taxons autrefois rares ou absents sont maintenant communs. Le pic noir en est un exemple ; espèce ingénieure, il a préparé le terrain à la chouette de Tengmalm et à des dizaines d’espèces cavicoles. Il faudra encore du temps pour atteindre la maturité puis la sénescence, phase durant laquelle le bois mort représentera un habitat pour de très nombreuses espèces (Okołów, 1989) : le bois mort abrite environ un quart de la biodiversité forestière, soit le même ordre de grandeur que le sol (Bouget, 2007).

La résilience écologique, étant la capacité d’un écosystème à retrouver un (son ?) fonctionnement après une perturbation, ces forêts se situent dans ce processus, même si leur état actuel est original du fait de leur histoire faisant suite à un abandon des cultures et du pastoralisme. Leur originalité tient au fait que les perturbations dues aux activités humaines sont à la fois récentes et nouvelles dans l’histoire écologique de la Terre2(2). Le retour de cette vie foisonnante est un authentique rewilding passif (Corlett, 2016) que des projets de réintroduction vont compléter de façon significative…

Ces forêts férales du Diois (photo 1), les vieilles forêts matures ou subnaturelles des Pyrénées et du Jura, les forêts de production gérées ainsi que les plantations monospécifiques ont cependant toutes un point commun : à un moment donné de leur histoire, récente ou plus ancienne, des humains ont influencé leur trajectoire. Alors que les modifications climatiques, le feu, les tempêtes, la mégafaune (éléphant antique, rhinocéros, bison…) déterminaient la composition et la succession des communautés vivantes, les humains sont devenus progressivement le principal pilote de la dynamique des écosystèmes, en réduisant notamment l'impact des espèces sur l'environnement global (Hooper et al., 2012). La pression exercée fut (et est encore) parfois si radicale qu'elle entraîna des bouleversements majeurs à l'échelle du continent européen. Dans les Alpes du Sud par exemple, le climat méditerranéen accentua l'action combinée des humains et du bétail et emporta les sols vers la Grande Bleue. Les premières photographies aériennes à la fin des années 1940 montrent des versants montagneux sur lesquels les ligneux sont rares, la végétation clairsemée et le sol souvent à nu (Couriol & Mathieu, 1996).

Les vieilles forêts matures ou forêts subnaturelles3(3) et les forêts férales, bien qu'influencées à des degrés divers par les humains, sont aujourd'hui les seuls écosystèmes forestiers de métropole présentant des processus naturels, souvent incomplets, et parfois encore très perturbés par l'histoire récente4(4) : la régénération est naturelle, les espèces colonisatrices n'ont pas été sélectionnées, le prélèvement de bois est rare, les vieux arbres peuvent mourir sur pied. Par contre, les espèces clés de voûte (Mills et al., 1993) des écosystèmes que sont les herbivores, les prédateurs et les nécrophages de grandes tailles, sont souvent absentes. Elles appartiennent bien aux écosystèmes forestiers et sont importantes pour leur fonctionnement5(5).

Reste-t-il quelque part en France ou en Europe des forêts non touchées par les activités humaines, c’est-à-dire des forêts primaires ? Est-il possible de retrouver la pleine naturalité dans nos écosystèmes afin de réenclencher les processus écologiques proches de ceux présents dans des forêts primaires ? Retraçons d’abord l'histoire encore plus lointaine de l’extinction des écosystèmes forestiers pour répondre à cette question…

Photo 1 Forêt férale dans les Baronnies issue d’une colonisation naturelle d’essences présentes dans la région
Moins d’un siècle a été nécessaire pour sa mise en place. Les Érables à feuille d’obier et sycomores et quelques Hêtres atteignent maintenant la canopée dominée par le Pin sylvestre. En sous-bois, selon la pente, la nature du sol, l'exposition et la date d’abandon du pastoralisme, des dizaines d’espèces d’arbres et d’arbustes se développent. La forêt mixte qui en découlera dans quelques dizaines d’années sera un écosystème autonome et varié — si bien sûr la libre évolution est le mode de gestion retenu — qui aura probablement sélectionné la bonne combinaison d’espèces pour résister au changement climatique. Ces forêts férales sont également des puits de carbone beaucoup plus efficaces que les prairies maigres dont elles sont issues et contribuent à atténuer le changement climatique.
Photo © Gilles Rayé

Une brève histoire de la destruction et du retour de la forêt en Europe

La déforestation a débuté en Europe vers 6500-6000 BP après l'arrivée de peuples venus de l'Est et le passage d'une civilisation de chasseurs-cueilleurs à celle d'agriculteurs-éleveurs (Roberts et al., 2018 ; Williams, 2000). À l'âge du fer — le bois étant nécessaire pour extraire et fondre le métal — durant la période romaine et au Moyen Âge, on accentua la déforestation (Williams, 2000). En 1518, Charles Quint « prescrit de replanter des bois dans tout le royaume » pour faire face à la demande de bois. En 1567, Philippe II constatera que la plus grande partie du pays est rase, nue et sans arbre (Cavaillès, 1905). En Angleterre, les contemporains de Shakespeare auront presque épuisé les vestiges de leur capital forestier qui ne représentait déjà plus que 15 % du territoire en 1086 (Rackham, 1980). En France, en 1669, l'ordonnance de Colbert qui visait à préserver et restaurer la ressource en bois sera modernisée en 1827 après quelques errances à l'époque de la Révolution (Viney, 1969). Au début du XIXe siècle, en France, la forêt atteint un étiage et ne couvre plus que 14 % du territoire national. La tendance va s'inverser en Europe occidentale avec l'exode rural permettant le retour de la forêt : l'Espagne est aujourd'hui l'un des pays les plus boisés d'Europe avec 270 000 km2 de forêts. La France avec 170 000 km2 (Kurtek et al., 2018) a plus que doublé sa surface forestière en un siècle et demi. Les plantations, l'amélioration de la gestion et la recolonisation naturelle (forêts férales) ont permis la reconstitution d'un stock qui s'accroît en Europe d'environ 8 000 km2 par an dont une partie seulement est exploitée (Forest Europe et al., 2011). Depuis 1950, c'est environ 300 000 km2 de forêts supplémentaires, entre 8 000 et 30 000 km2/an, soit l'équivalent de la superficie de l'Italie, dont une partie importante est constituée de forêts férales (Hampe et al., 2020).

Dans les Alpes du Sud, ce phénomène rapide aura pris une cinquantaine d’années dans les meilleures conditions (Couriol & Mathieu, 1996). Il est toujours en cours dans les vallées abandonnées tardivement par les humains ou sur les adrets arides et soumis à l’érosion. L’humus, une fois reconstitué, permet le stockage de grandes quantités de carbone et l’installation de nombreuses espèces de plantes, d’arbres et d’arbustes, de champignons, d’invertébrés et de microorganismes foisonnants. Ainsi, des forêts originales se sont mises en place lentement sur des surfaces de plusieurs centaines de milliers d’hectares en libre évolution. Le rewilding — le retour de processus naturels et autonomes — est en marche spontanément et permet l’atténuation du changement climatique. Au-delà de la diversité des essences, les dizaines de milliers d’espèces appartenant à tous les groupes taxonomiques constituent ces nouveaux écosystèmes qui tendront, si les humains le veulent bien, vers des forêts matures riches en bois mort, en clairières et en “petite” mégafaune (cerf, chamois, chevreuil, sanglier, etc.).

En un siècle et demi, la libre évolution et la gestion forestière ont reconstitué un stock. Les surfaces forestières ont augmenté, le volume sur pied, donc la biomasse, également. Si les forêts férales sont d’authentiques écosystèmes autonomes, elles ont en général moins d’un siècle et ne présentent donc pas de stade mature avec de très vieux arbres et de grandes quantités de bois mort. Il ne reste que très peu de forêts subnaturelles en France âgées de plus de 150 ans et aucune forêt primaire. La régression du capital forestier européen au cours des siècles précédents a-t-elle épargné quelques fragments de forêts primaires ailleurs en Europe ? Bialowieza en Pologne ? Muddus en Suède ? Slatioara en Roumanie ? et bien d’autres ?

Très tôt dans l’histoire de l’humanité, nous avons modifié la dynamique forestière

La biodiversité d'un écosystème forestier ne peut se réduire à la communauté d'arbres évidemment. Elle comprend les végétaux, les animaux de toutes tailles, les champignons et les procaryotes. Les animaux de grande taille ont laissé de nombreux témoignages fossiles, pariétaux et cynégétiques permettant de raconter le passé lointain. Lorsque Homo sapiens colonise l'Europe occidentale il y a environ 45 000 ans, en pleine glaciation du Würm, la faune des steppes (mammouth, rhinocéros laineux, bœuf musqué, lièvre variable, lagopède, lion, hyène tachetée, etc.) est développée sur la majeure partie du continent (par exemple, Sommer & Benecke, 2006 ; Puzachenko et Markova, 2019), alors que les espèces de milieux tempérés, dont l'éléphant antique, ont trouvé refuge dans les péninsules ibérique, italienne et grecque (par exemple, Puzachenko et Markova, 2019). Dès son arrivée, Sapiens provoqua l'élimination progressive des plus grandes espèces de la mégafaune, animaux dont la masse est supérieure à 45 kg (Puzachenko et Markova, 2019 ; Sandom et al., 2014 ; Barnosky et al., 2004). Au maximum de la glaciation vers – 18000 BP, Homo sapiens va lui aussi trouver refuge dans les péninsules du sud de l'Europe et continuer son « travail d'extermination ». Le processus conduisant à l'extinction des espèces de la mégafaune va s'étaler sur 45 000 ans, depuis l'époque des premiers sapiens en Europe jusqu'à aujourd'hui : disparition en Europe de l'éléphant antique vers – 11500 BP ; du cerf mégacéros entre – 7500 et – 5000 BP ; du lion entre – 500 et le Ier siècle en Grèce6(6) ; du léopard entre 0 et + 600 en Italie ; de l'auroch en 1657 ; du tarpan au XIXe siècle en Pologne ; du bison d'Europe au début du XXe siècle en Pologne à l'état sauvage, des individus étant conservés dans des zoos. En France : élan, auroch et bison disparaîtront au Moyen Âge, bouquetin des Alpes et lynx boréal au XIXe siècle, bouquetin des Pyrénées en 1910, loup en 1930, etc. Au-delà des dates de disparition, le plus important est la perte du rôle fonctionnel de ces espèces : les nécrophages éliminent normalement l'abondante biomasse morte issue des troupeaux d'herbivores, tués par les prédateurs ou les parasites ; la végétation répond à la dent des ongulés depuis des millions d'années grâce à de multiples adaptations.

Après cette vague d'extinction, les futurs écosystèmes forestiers sont déjà potentiellement perturbés du fait de la perte de la mégafaune avant même de pouvoir se reconstituer lorsque la glaciation prend fin. Le phénomène se poursuit encore activement en Asie et en Afrique où les plus grandes espèces sont toutes en danger d'extinction (éléphants, rhinocéros, lion, tigre, etc.). En ce début du XXIe siècle, les grands mammifères sauvages ne représentent plus que quelques fractions de l'ensemble humains + bétail (4 % vs 96 % en biomasse ; Bar-On et al., 2018).

Il faut donc nuancer les expressions « pleine naturalité » ou « forêt primaire » alors que nous ne pourrons jamais revoir dans les écosystèmes tempérés européens l'éléphant antique, le lion, la panthère, la hyène tachetée et le cerf mégacéros. En Europe, en ce début de XXIe siècle, la pleine naturalité correspond à un autre état des écosystèmes, plus riches que ceux que nous connaissons aujourd'hui et ne dépendant plus de la mégafaune du pléistocène. Nous devons donc envisager un rewilding avec la faune relictuelle dont les plus grands représentants sont le bison et l'élan. Associés à la “petite mégafaune” — cerf, bouquetins des Alpes et des Pyrénées, daim, ours, loup, chamois et lynx boréal, ces deux dernières espèces étant à la limite pondérale pour appartenir à cette catégorie — l'ensemble du bestiaire peut jouer un rôle fonctionnel important. Des espèces reconstituées à partir de races anciennes de bétail sont parfois utilisées par les gestionnaires d'espaces naturels et viennent compléter cette liste : auroch de Heck à Oostvaardersplassen aux Pays-Bas (Smit et al., 2015) et tarpan (Bugey), variétés archaïques de vaches, de chevaux et de porcs (à Knepp Castle Estate en Angleterre ; Tree, 2018 ; van Klink et al., 2020). Ces dernières espèces sont considérées comme domestiques et peuvent intégrer les filières d'élevage (exemple de l'auroch en Aubrac, photo 2). On peut donc retrouver une fonction d'herbivorie à partir de bétail domestique indigène avec cependant deux réserves : ne pas imposer des densités d'animaux trop importantes ; ne pas utiliser de traitements vermifuges dont la toxicité pour les insectes est établie (Suárez et al., 2009). En résumé, le rewilding propose, en complément de la libre évolution, de restaurer trois fonctions essentielles des écosystèmes : l'herbivorie, la prédation et la nécrophagie à partir des espèces sauvages existantes ou réintroduites et de quelques races anciennes d'espèces domestiques ou d'espèces dédomestiquées. Les effets escomptés sont nombreux : meilleur stockage du carbone et atténuation du changement climatique (Cromsigt et al., 2018), enrichissement de la biodiversité (Tree, 2018 ; Van Klink et al., 2020 ; Ripple et al., 2001), lutte contre les incendies (Johnson et al., 2018), etc.

Bialowieza, Muddus et Slatioara et quelques autres forêts considérées comme primaires ont été à un moment donné de leur histoire naturelle, ou le sont toujours, vidées de leur mégafaune7(7). Certes des bisons d'Europe ont été réintroduits à Bialowieza8(8), les ours sont revenus à Muddus, les lynx et loups sont en expansion (Cimatti et al., 2021) mais l'absence prolongée des grands carnivores, des grands herbivores et des grands nécrophages a modifié l'ensemble des relations trophiques et donc la trajectoire de ces forêts : la disparition des grands herbivores a privé de nourriture les prédateurs et les grands nécrophages qui se sont éteints. Même sort pour les arthropodes coprophages et nécrophages qui dépendent de l'abondante biomasse morte des herbivores (Van Klink et al., 2020).

Photo 2 Un auroch reconstitué dans l’Aubrac
Intégré dans une filière d’élevage, un grand herbivore domestique de race ancienne ou dédomestiqué peut, s’il est présent toute l’année dans un milieu naturel, restaurer la fonction d’herbivorie et ses effets positifs sous réserve d’une densité limitée et d'absence de traitement pharmaceutique.
Photo © Gilles Rayé

Au XXe siècle, en France, le retour des herbivores de taille moyenne s’est fait en l’absence de prédateurs et de nécrophages9(9) (photo 3). Les recherches récentes ont montré deux effets de la prédation :

— un effet direct — le prédateur mange des proies — qui, dans les écosystèmes dominés par l'homme, est très inférieur aux prélèvements cynégétiques (par exemple Nores et al., 2008) ;

— la mise en place d'un “paysage de la peur” chez les herbivores (Suraci et al., 2016) entraînant des modifications comportementales et physiologiques ainsi qu'une dilution de leur impact sur la végétation (Laundré et al., 2014).

Ces faits sont bien documentés à Yellowstone après la réintroduction du loup et on espère des effets similaires avec le retour des grands prédateurs en Europe. Les écosystèmes forestiers pourraient en bénéficier. Des études devraient être menées en ce sens.

Photo 3 Un bison d’Europe dans la réserve des Monts d’Azur
Pourra-t-on réintroduire cette espèce en danger d’extinction en France dans un grand territoire dans le double objectif de participer à l’effort européen de conservation de l’espèce et de restaurer une fonction importante d’un écosystème forestier, l’herbivorie par un très grand herbivore ?
Photo © Gilles Rayé

Si, dans les forêts subnaturelles européennes et certaines qualifiées de primaires, les processus liés à la libre évolution peuvent s’exprimer (sénescence des arbres à l’origine du bois mort, perturbations engendrées par le feu, les tempêtes ou les glissements de terrain, etc.), nous n’avons généralement qu’une partie du tableau. L’autre partie, dépendante de la trilogie herbivores / prédateurs / nécrophages, pourrait être partiellement reconstituée. Cela doit être l’un des objectifs de la pleine naturalité avec un rewilding actif (réintroductions et renforcements de populations).

En résumé, quelle que soit la dénomination de la forêt (subnaturelle, mature, primaire ou férale) tendre vers la pleine naturalité via le rewilding consiste à diversifier les processus naturels. Trois faisceaux d’actions que l’on peut regrouper sous ce terme (Corlett, 2016) sont déjà bien connus : la libre évolution10(10) (forêts férales, îlots de sénescence, réserves biologiques intégrales, réserves de vie sauvage…), la réintroduction d’espèces11(11) et l’ingénierie écologique12(12) (restauration des zones humides, élimination des seuils et barrages sur les rivières, etc.). Tout cela, nous le pratiquons depuis plusieurs dizaines d’années. Pour paraphraser Darwin, retrouver la pleine naturalité, ce n’est pas une question de nature mais une question de degré. Le rewilding n’est autre que l’amplification d’un panel d’actions bien connu, ceci afin d’assurer sur des surfaces beaucoup plus importantes la mise en place de processus naturels diversifiés. La force du rewilding pour améliorer l’état de conservation de la biodiversité est de pouvoir agir sur des surfaces conséquentes à moindre coût.

La réintroduction des espèces clés de voûte et ingénieures des écosystèmes en France

Les travaux de Robert Paine dans les années 1960 ont permis d'établir le rôle fondamental de quelques espèces sur la dynamique des écosystèmes (Paine, 1969). Ce chercheur a étudié l'impact d'un prédateur, une étoile de mer, dans de petits écosystèmes littoraux. Le nombre total d'espèces et leur abondance sont plus importants lorsque le prédateur est présent que lorsqu'il est absent. Ces espèces dont les impacts sur les écosystèmes sont disproportionnés par rapport à leur abondance relative dans ces écosystèmes sont appelées « clés de voûte » de l'écosystème. Depuis, de nombreuses recherches menées dans diverses régions du monde ont confirmé ce rôle essentiel des prédateurs. La réintroduction du loup dans le parc national de Yellowstone en 1995 et ses effets sur la biodiversité constituent un exemple maintenant bien documenté. Beaucoup de grands herbivores et de grands prédateurs sont considérés comme des espèces clés de voûte (Mills et al., 1993) mais leur rôle dans des écosystèmes dominés par les activités humaines n'est pas assez étudié (Hale & Koprowski, 2018), notamment en Europe. Sous leur influence, toutes les communautés d'êtres vivants sont réagencées, la diversité globale augmente, l'écosystème est plus résilient.

Retrouver la pleine naturalité dans certaines de nos forêts nécessiterait le retour des espèces clés de voûte, soit par des réintroductions, soit en permettant leur retour naturel. Cela est-il utopique ?

La France est probablement l'un des pays qui ont réintroduit le plus d'espèces en Europe et a donc, en langage moderne, restauré une partie des fonctionnalités des écosystèmes, notamment par des translocations d'espèces « clés de voûte ». Dès les années 1950, des fédérations de chasse et les services des Eaux et Forêts (ancêtre de l'ONF) ont réintroduit cerfs, chevreuils, chamois et parfois sangliers dans de nombreux massifs forestiers de plaine et de montagne (Michelot, 1991). Le castor, dont une centaine d'individus subsistaient dans la basse vallée du Rhône au début du XXe siècle, a été réintroduit dans au moins 13 sites, de la Bretagne à l'Alsace (Rouland & Migot, 1990). C'est l'espèce la plus réintroduite juste devant le bouquetin des Alpes, lui aussi au bord de l'extinction durant le XXe siècle et qui s'épanouit maintenant dans de nombreux massifs alpins (Gauthier & Villaret, 1990). Récemment, le bouquetin des Pyrénées a regagné l'Ariège et le parc national des Pyrénées. Les grands nécrophages — vautour fauve, vautour moine et gypaète barbu — éliminent maintenant les carcasses des animaux sauvages ou domestiques dans le Massif central et les Alpes, bien au-delà de leur bastion historique pyrénéen. Les grands carnivores ont vu leur aire de répartition géographique s'étendre en Europe et en France (Cimatti et al., 2021) : réintroduction du lynx en Suisse dans les années 1970 qui a rapidement bénéficié au Jura français (Breitenmoser et al., 1998). Saluons le travail admirable des communes de Melles, d'Arbas, de Burgalays, etc. qui ont contribué à permettre le retour de l'ours brun, un sauvetage in extremis permettant de passer de 4 individus à la fin des années 1980 à plus de 60 en 2021. Le rôle important de l'ours dans la dispersion des graines de nombreuses espèces de plantes est maintenant documenté (García-Rodríguez et al., 2021). Le loup, quant à lui, a bénéficié de la protection officielle accordée en Italie en 1976 pour revenir naturellement dans le Mercantour en 1992, tête de pont de la recolonisation des Alpes. Les grands prédateurs peuvent rétablir, au moins en partie, le paysage de la peur (Coleman et Hill, 2014 ; Pusenius et al., 2020) et les cascades trophiques (Suraci et al., 2016 ; Beschta & Ripple, 2019 ; Wilmers et al., 2003) dans leur aire de présence et ainsi permettre un meilleur contrôle, avec la chasse, des populations d'ongulés (photo 4). Dans nos montagnes, des Alpes aux Pyrénées, les carcasses de chamois, d'isards, de bouquetins et des autres ongulés sauvages ou domestiques sont maintenant éliminées par les vautours13(13). Les herbivores broutent et abroutissent, participant à l'ouverture des milieux forestiers et à la diversification des niches (par exemple Kowalczyk et al., 2021)14(14). Il est indéniable qu'en l'espace de trente ans, certains de nos écosystèmes se sont remis en fonctionnement de façon plus ou moins autonome grâce aux processus naturels décrits plus haut.

Photo 4 Le loup, prédateur restaurant le paysage de la peur chez les ongulés, est indispensable dans les écosystèmes forestiers pour réguler les populations de ses trois principales espèces-proies : cerf, sanglier et chevreuil.
Photo © Gilles Rayé

Les territoires de rewilding pourraient faire l’objet de recherches afin d’étudier l’évolution des communautés vivantes dans un contexte de libre évolution, de cascades trophiques et de paysage de la peur dans un processus large d’adaptation au changement climatique.

S’il n’est techniquement et socialement pas possible de reconstituer des écosystèmes avec toutes les espèces d’un passé lointain15(15) (éléphant antique, cerf mégacéros, etc.), les forestiers, chasseurs16(16), administrations, propriétaires privés et ONG se sont démenés pour reconstituer dans de nombreux sites des écosystèmes d’un passé récent (correspondant à certains écosystèmes du Moyen Âge ?). Dans les forêts des Pyrénées et leurs abords, les efforts de protection (réserves naturelles et de faune sauvage, parc national) associés aux renforcements de populations et réintroductions récentes (ours et bouquetin) et une meilleure gestion cynégétique depuis la mise en place des plans de chasse ont permis la reconstitution d’une partie des populations de plusieurs espèces clé de voûte17(17). Dans les Alpes, les efforts ont été aussi intenses (par exemple 3 espèces de vautours). Est-on allé jusqu’au bout de la démarche possible de restauration des processus naturels ? Évidemment non ! L’élan, le bison d’Europe, plusieurs rapaces et bien d’autres espèces ont encore toute leur place en France. La question est de savoir si nous souhaitons aller jusqu’au bout de la démarche sur quelques territoires puisqu’il est techniquement possible de le faire. Ce sont des opportunités pour la nature elle-même, pour un engagement constructif des citoyens dans la lutte contre la sixième extinction et pour le développement économique des territoires ruraux18(18).

Quelle part avons-nous laissée aux forêts subnaturelles en France ?

Certaines forêts qualifiées de « subnaturelles » actuellement non exploitées, plus anciennes que les forêts férales décrites plus haut, se rapprochent d’une forêt primaire. Plusieurs siècles sans exploitation seront nécessaires pour atteindre la maturité. La hêtraie de la Massane dans les Pyrénées-Orientales, non exploitée depuis 150 ans, est un bel exemple d’écosystème en libre évolution dans lequel l’ouverture du milieu est assurée par des herbivores domestiques et sauvages. Les arbres vivent leur vie, meurent et sont décomposés grâce aux espèces saproxylophages et saproxyliques, dont beaucoup de coléoptères (près de 1 800 espèces pour ce seul groupe sur plus de 8 000 espèces inventoriées ; Dajoz, 1965). Cette réserve est reconnue comme un hot-spot de la biodiversité en France. Voilà un exemple de ce que la libre évolution associée à de l’herbivorie est capable de mettre en place19(19). Avec les forêts férales non exploitées de nos massifs montagneux, les forêts subnaturelles sont les derniers écosystèmes forestiers français présentant aujourd’hui des processus naturels, sans intervention humaine importante.

En France, environ 75 km2 de forêts subnaturelles exemptes de toute exploitation de bois depuis au moins 50 ans et classées en réserves naturelles ont été identifiées. Ces forêts soumises à une dynamique naturelle représentent 0,025 % de la surface forestière de la métropole et sont très fragmentées. D'autres forêts subnaturelles non identifiées sont menacées par des prélèvements lourds de biomasse car le Programme national de la Forêt et du Bois 2016-2026 incite au renouvellement et à la dynamisation de la récolte préférentiellement parmi les « forêts où l'âge d'exploitabilité des peuplements est atteint voire dépassé et en priorisant sur les massifs à gros bois et très gros bois de bonne voire de très bonne qualité ». Notre capital de vieilles forêts risque donc de s’amenuiser encore…

Rajoutons 230 km2 de réserves biologiques intégrales des forêts publiques bénéficiant d'une protection forte et qui permettront à terme de retrouver des écosystèmes forestiers subnaturels par libre évolution (la plupart sont cependant soumises à un plan de chasse ongulés20(20)). Des initiatives privées (réserves de vie sauvage de l’ASPAS par exemple, 7 km2 environ) augmentent très légèrement ces surfaces. Au total, ce sont environ 300 km2, un peu plus de 0,25 % des forêts métropolitaines, qui sont protégés et laissent s’exprimer la libre évolution. La stratégie de la biodiversité allemande vise à obtenir 5 % de la surface forestière en libre évolution et intégralement protégée (Mohaupt-Jahr & Küchler-Krischun, 2008) représentant environ 3 600 km2 en 2020 (il est envisagé de privilégier dans ces espaces le pâturage par des animaux sauvages ou des races domestiques anciennes).

Avec un changement climatique impactant déjà fortement la dynamique forestière (Saxe et al., 2001 ; Oris et al., 2014 ; Peng & Liu, 2002), les forêts subnaturelles vont devenir les laboratoires de l'adaptation que nous allons attentivement observer. Les communautés vivantes étant composées de dizaines de milliers d'espèces, des combinaisons adaptées aux climats du futur seront sélectionnées sur le long terme comme ce fut le cas lors des changements climatiques précédents21(21). Cependant, ce très faible niveau de protection des forêts à forte naturalité nécessite un effort conséquent…

Un objectif de 10 % du territoire en pleine naturalité

Il est illusoire de vouloir retrouver des forêts primaires dont certains des ingrédients (les grands herbivores sauvages par exemple) ont à jamais disparu22(22). La question n’est pas là ! Nous devons déterminer, à l’échelle de quelques vies humaines, quelle part nous souhaitons collectivement laisser à la nature et aux non humains, entre la petite zone humide périurbaine et de vastes écosystèmes dont l’objectif serait la pleine naturalité : des forêts fonctionnant avec des processus biologiques autonomes ou les plus autonomes possibles. Il faudrait alors se poser la question de la réintroduction, dans un vaste écosystème ou dans un réseau d’écosystèmes, de grands herbivores dont la régulation par la chasse pourrait être nécessaire en cas d’absence des prédateurs. Reverrons-nous en France le bison d’Europe et l’élan, disparus tous deux au Moyen Âge ? L’Allemagne a récemment tenté l’expérience en Rhénanie du Nord-Westphalie. Quelle place donnerons-nous au tarpan et à l’auroch reconstitué ? Ils assurent la gestion d’un polder aux Pays-Bas. Le débat est lancé…

En mai 2019, le président de la République a apporté des éléments de réponse, confirmés à l’ouverture du congrès de l’UICN à Marseille : le territoire national doit être protégé à hauteur de 30 % dont un tiers en pleine naturalité, soit 10 %. C’est ce dernier objectif qui mérite toute notre attention. Seuls le rewilding et ses trois composantes en doses adaptées à chaque site (libre évolution, retour des espèces clés et ingénierie écologique) sont en mesure de restaurer des processus écologiques. Beaucoup de chemin reste à parcourir puisque nous privilégions systématiquement les activités humaines dans la gestion des espaces naturels, y compris dans les parcs nationaux. Nous sommes très loin du parc national suisse où seule la libre évolution est de mise. On peut sincèrement se demander si l’objectif de 10 % en pleine naturalité — que les services de l’État ont transformé en protection forte — est une utopie ou une réelle possibilité. Pour répondre à ce dilemme, l’analyse des solutions concrètes déjà mises en place dans des territoires23(23) nous éclaire sur une démarche multi-acteurs.

Le parc naturel régional du Vercors, un exemple de rewilding à la française

Le parc naturel régional du Vercors, fondé en 1970, est un vaste massif montagnard de 200 000 ha culminant au Grand Veymont (2 341 m). On est dans un haut lieu de la Résistance… et de la résilience de la nature. Ce territoire, qui n'a pas subi une déforestation aussi forte au XIXe siècle que son voisin le Diois, a conservé des ours jusqu'en 1941 (dernière trace observée au Pas de Chabrinel non loin du col de Rousset) (Couriol & Mathieu, 1996 ; Michelot, 1991). Quatre-vingts ans plus tard, cerfs, chevreuils, bouquetins et sangliers, tous réintroduits par les chasseurs ou le parc naturel régional côtoient le chamois dont les effectifs ont été multipliés par 10 après la mise en place des plans de chasse à la fin des années 1980. Tous ces ongulés sont en partie régulés par les chasseurs, le loup et le lynx, ces deux derniers étant revenus naturellement à la fin des années 1990. Après plus d'un siècle d'absence, on peut de nouveau admirer les quatre vautours européens : gypaète barbu, vautour fauve, vautour moine et percnoptère. Peu d'animaux morts, qu'ils soient domestiques ou sauvages, échappent aux grands nettoyeurs qui régulent indirectement les nécrophages opportunistes (Pérez et al., 1994) (renard, sanglier, mustélidés) et les grands prédateurs. Au pied du massif, les rivières accueillent des loutres et des castors. Ces derniers augmentent la biodiversité des cours d'eau en construisant des barrages. Certes il manque le grand tétras, le pic à dos blanc et le pic tridactyle, le bison, le tarpan, l'élan, une population de lynx à densité plus importante et l'ours mais le chemin déjà accompli est exemplaire. C'est une voie que d'autres parcs naturels régionaux ont déjà empruntée ou pourraient prendre afin de tendre vers l'objectif fixé par le Président de la République. Cet écosystème du Vercors, tout comme ceux des Baronnies, des Grands-Causses et des Pyrénées, a retrouvé des réseaux trophiques fonctionnels. Le corollaire de cette situation nouvelle est de savoir traiter les conséquences parfois néfastes pour certaines activités humaines (exemple de la problématique loup – élevage ovin). C'est un euphémisme de dire que nous pouvons progresser dans ce domaine…

En combinant toutes les mesures de protection (espaces naturels sensibles, réserves de vie sauvage, réserves biologiques intégrales et dirigées, réserve naturelle des Hauts-Plateaux du Vercors, arrêtés de protection de biotope), le Vercors atteint plus de 12 % de « forte » naturalité. En coordonnant — et c’est là l’enjeu majeur — les efforts de tous les acteurs, on pourrait trouver une logique d’ensemble dont l’objectif serait d’atteindre la pleine naturalité. La réserve biologique intégrale des Hauts-Plateaux, en libre évolution, nous donne l’asymptote vers laquelle les autres sites protégés pourraient tendre.

Cet exemple du Vercors nous montre qu’il est possible de tendre dans d’autres territoires vers l’ambition affichée par l’État. Les parcs naturels régionaux étant probablement les meilleurs candidats. Le savoir-faire étant maîtrisé, la principale difficulté réside dans le partage de l’objectif. Pourquoi vouloir préserver des processus naturels dans 10 % du territoire ? Chacun doit se poser la question de la place qu’il souhaite laisser aux autres espèces, ce que l’on appelle aujourd’hui les non-humains. Quelle que soit la réponse que l’on apportera, si l’on emprunte ce chemin, la démarche sera gagnante tout simplement parce que nous n’aurons pas hypothéqué un patrimoine qui prendra de la valeur au cours du temps. Outre le fait que ces territoires d’exception permettront de préserver efficacement et à grande échelle des pans entiers d’écosystèmes qui n’ont pas forcément besoin des humains pour prospérer, ils proposent déjà ou proposeront d’autres modèles économiques basés sur la contemplation.

Notes

  • (1) En retenant la définition de la FAO, un arbre est un végétal continental ligneux dont la hauteur dépasse 5 m. Rentrent dans cette catégorie des dizaines d’espèces dans les Alpes et en France : Sorbiers, Tilleuls, Érables, Chênes, Sapin, Hêtre, Épicéa, Viornes, Pins, If, Bouleaux, Aulnes, Charme, Ormes, Genévriers de Phénicie et thurifère, Pistachier thérébinthe, Phylaires, Troène, etc. Beaucoup de ces espèces sont connues au stade d’arbuste et peuvent devenir de beaux arbres dépassant 10 ou 20 m lorsqu’elles ont le temps de croître… ce que l’on observe justement dans ces nouvelles forêts dont le sous-bois devient progressivement très riche.
  • (2) Cette remarque rend caduc sur le court terme le préfixe “re” de nombreux termes employés en biologie de la conservation et écologie de la restauration… sauf si l’on restaure des processus écologiques et non pas des états passés.
  • (3) Les termes employés pour les forêts présentant un caractère “naturel” sont variées : anciennes, vieilles, subnaturelles, primaires, secondaires, old-growth forest, etc. On lira utilement (Spies, 2004 ; Wirth et al., 2009).
  • (4) Dans certains cas, par exemple sur d’anciens terrains miniers, les processus naturels sont altérés par les fortes teneurs en métaux lourds. Une sélection d’espèces tolérantes s’effectue. Dans ces cas extrêmes, le terme de processus naturel peut être discuté. On pourrait également faire de même pour des situations qui nous apparaissent bien plus naturelles telles que la forêt amazonienne dont l’état actuel est pourtant la conséquence de siècles d’occupation humaine avant l’arrivée des conquistadors (Mann, 2007).
  • (5) Les écosystèmes forestiers semi-ouverts comme les pinèdes ou pessières des hauts plateaux du Vercors et au-delà sont favorables aux vautours qui éliminent cerfs et moutons morts alors que le milieu est dominé par les arbres (observation de l’auteur & Tessier comm. pers.).
  • (6) Par exemple, le lion est cité par Hérodote (480-425 BC) en Grèce.
  • (7) La mégafaune fut un élément important dans le fonctionnement des écosystèmes forestiers et nous insistons donc ici sur sa disparition. D’autres perturbations directes telles que l’exploitation des forêts ont eu et ont encore des effets sur ces mêmes processus.
  • (8) Les bisons de Bialowieza sont nourris l’hiver pour limiter leur impact sur les arbres (Pucek et al., 2004).
  • (9) Sauf dans les bastions pyrénéens des vautours.
  • (10) Passive rewilding.
  • (11) Trophic rewilding pour restaurer les interactions trophiques.
  • (12) Rentre en partie dans l’Ecological rewilding pour restaurer les fonctionnalités écologiques.
  • (13) Le rapport EFESE Mettre en valeur les espèces sauvages et leurs fonctions écologiques dans les territoires : Recommandations à partir du cas de la réintroduction des vautours dans les parcs naturels régionaux du Vercors et des Baronnies provençales montre sans ambiguïté le rôle dans l’élimination des animaux morts, domestiques et sauvages ainsi que des déchets de chasse.
  • (14) Des forêts sont soumises à des densités trop importantes de cerfs, ce qui peut être préjudiciable à la régénération et à la biodiversité, en rabattant la couverture de myrtilles par exemple. Cela montre le rôle essentiel des grands prédateurs qui peuvent être une aide significative à la gestion forestière et à la conservation d'espèces fragiles (grand tétras par exemple).
  • (15) Pleistocene rewilding.
  • (16) Les termes « rewilding » ou sa traduction littérale française « réensauvagement » ont généralement mauvaise presse dans le monde cynégétique ou forestier alors que les chasseurs et les gestionnaires des forêts ont eu une importance primordiale dans les réintroductions. Il faut en rechercher les causes probablement dans la terminologie employée et dans le concept novateur pouvant générer des inquiétudes, des incompréhensions et de l’hostilité (Rouland et Migot, 1990).
  • (17) La population d’ours devra atteindre des centaines d’individus, comme dans la Cordillère Cantabrique, pour que l’espèce retrouve pleinement son rôle fonctionnel. La cohabitation avec le pastoralisme est évidemment d’ores et déjà un sujet à traiter prioritairement.
  • (18) Le rapport EFESE déjà cité plus haut montre que l'observation des vautours génère entre 1 et 1,4 M€/an sur les sites de réintroduction des Baronnies et du Vercors.
  • (19) Toujours avec des réserves : les processus naturels sont partiels puisque, dans le cas de la Massane, les grands prédateurs ne sont pas présents pour réguler les populations d’ongulés sauvages.
  • (20) La réserve biologique intégrale du Vercors (2 200 ha) au sein de la plus grande réserve naturelle de France métropolitaine (Hauts-Plateaux du Vercors, 17 000 ha) n’est pas soumise à un plan de chasse. La présence du lynx et du loup ainsi que la chasse en périphérie assurent la fonction de prédation.
  • (21) L’adaptation au changement climatique peut comprendre des recombinaisons des communautés biologiques dépendant des possibilités de dispersion des espèces et de la fragmentation des habitats mais aussi des adaptations génétiques (issues des processus évolutifs classiques mutation sélection dérive migration). Les taux de mutations ne changent pas mais les pressions de sélection changent. La vitesse de ces processus génétiques parfois élevée devrait néanmoins être insuffisante pour de nombreux organismes à cycle de vie long pour faire face à la vitesse de ces changements. La question des échelles de temps considérées est donc importante et elle l’est d’autant plus que ces habitats en libre évolution sont très fragmentés et distants les uns des autres.
  • (22) Francis Hallé travaille pour recréer une forêt primaire en France.
  • (23) Nous avons fait le choix de prendre un exemple à l’intérieur de nos frontières bien que des expériences passées ou en cours soient plus instructives (Pologne, Slovaquie, Roumanie, Espagne, etc.).

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Auteurs


Gilles Rayé

gilles.raye@rewildingfrance.org

Affiliation : Vice-président de Rewilding France

Pays : France

Biographie :

Adresse postale : 65 chemin du pêcher - F-26340 Saillans

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