En résumé
Chapeau
Des thèses, des mémoires de fin d’études, des habilitations à diriger des recherches sont soutenus chaque année dans le domaine de la forêt et du bois. En faire connaître certains à nos lecteurs est l’objet de cette rubrique.
Pour une valorisation optimisée de la biomasse forestière basée sur une connaissance de la variabilité de la masse volumique dans l’arbre
par Antoine BILLARD
Thèse soutenue publiquement le 26 novembre 2021 à INRAE (Champenoux)
Directeur de thèse : M. Francis Colin (INRAE Nancy)
Co-encadrante de thèse : Mme Fleur Longuetaud (INRAE Nancy)
L’infradensité est une propriété physique importante du bois car elle permet d’expliquer le comportement de l’arbre in situ et du bois en usage. Actuellement, les bases de données regroupant des moyennes d’infradensité du bois sont majoritairement constituées de moyennes du bois de tronc calculées sur des carottes de sondage prélevées à 1,30 mètre. Ainsi, les variations d’infradensité au sein du tronc, entre les compartiments et dans les compartiments sont complètement ignorées. Pourtant, ces variations peuvent avoir un impact important sur le calcul de la biomasse aérienne ligneuse. De plus, l’écorce et les nœuds étant des compartiments de l’arbre riches en extractibles, il est important de connaître la fraction disponible de ces compartiments afin de tester la faisabilité d’une filière chimie des extractibles. Cette thèse contribue ainsi au projet ExtraFor_Est, visant à caractériser et quantifier la ressource en extractibles des forêts des régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté.
Dans cette thèse, trois essences résineuses et trois essences feuillues ont été étudiées : le Sapin pectiné, Abies alba Mill., l'Épicéa commun, Picea abies (L.) H. Karst., le Douglas, Pseudotsuga menziesii (Mirb.) Franco, le Chêne pédonculé, Quercus robur L., le Chêne sessile, Quercus petraea L. et le Hêtre commun, Fagus sylvatica L. Pour les essences résineuses, les arbres ont été échantillonnés dans des parcelles testant des intensités d’éclaircies contrastées. Finalement, seules les essences résineuses ont pu être étudiées dans le temps de la thèse mais les autres données ont été préparées pour la suite du projet. Quatre compartiments de l’arbre ont été analysés : le bois de tronc, l'écorce du tronc, les nœuds et les branches. Un tomographe à rayons X a été utilisé afin d’obtenir l’infradensité des compartiments.
Dans un premier temps, une comparaison entre l’infradensité moyenne du bois de tronc mesurée à 1,30 mètre et l’infradensité moyenne des compartiments étudiés a été réalisée ainsi que l’impact de la différence observée sur le calcul de biomasse. Il s’est avéré que l’infradensité moyenne du bois de tronc mesurée à 1,30 mètre est significativement supérieure à l’infradensité moyenne du bois de tronc pour Abies alba et Pseudotsuga menziesii. Les nœuds, les branches et l’écorce sont majoritairement plus denses que le bois de tronc mesuré à 1,30 mètre. Ces différences d’infradensité entre les compartiments entraînent une sous-estimation ou une surestimation de la biomasse en fonction du compartiment et de l’espèce étudiée, la différence pouvant aller jusqu’à plus de 40 % pour les nœuds, par exemple.
Dans un second temps, la variation de l’infradensité avec la hauteur dans l’arbre a été analysée pour le bois de tronc. Les résultats montrent que le sens de variation dépend de l’espèce. Deux formes de modèles descriptifs ont été développées pour Abies alba et Pseudotsuga menziesii, l’une prenant en entrée l’infradensité moyenne mesurée à 1,30 mètre et l’autre ne la prenant pas en compte. Les RMSE relatives pour Abies alba et Pseudotsuga menziesii sont de 9,9 % et 8,1 %, respectivement, pour le modèle sans l’infradensité moyenne mesurée à 1,30 mètre et 7,6 % et 5,9 %, respectivement, pour le modèle avec l’infradensité moyenne mesurée à 1,30 mètre.
Enfin, l’étude des variations longitudinales et selon la hauteur de l’infradensité de l’écorce du tronc, des nœuds et des branches a été démarrée. Pour l’écorce, l’infradensité diminue avec la hauteur pour Abies alba, diminue puis augmente pour Picea abies et augmente puis diminue légèrement pour Pseudotsuga menziesii. Pour les branches, il a été trouvé que l’infradensité diminue rapidement dans les 50 premiers centimètres à partir de leur insertion sur le tronc puis reste stable jusqu’à leur apex.
Interactions des espèces d’arbres en peuplements mélangés : effets sur la réponse à la sécheresse des arbres et rôle des mécanismes de partage des ressources en eau et en lumière
par Soline MARTIN-BLANGY
Thèse soutenue publiquement le 1er décembre 2021 à INRAE (Champenoux)
Directeur de thèse : M. Damien Bonal (INRAE Nancy)
Codirectrice de thèse : Mme Marie Charru (Bordeaux Sciences Agro)
La biodiversité, via les interactions entre espèces d’arbres, peut favoriser un grand nombre de fonctions et de services écosystémiques dans les écosystèmes forestiers. Cependant, dans le contexte actuel de changement climatique, l’influence de ces interactions sur la réponse des écosystèmes forestiers à des événements climatiques extrêmes, tels que la sécheresse, fait encore débat. De plus, la mise en évidence des mécanismes d’interaction aériens et souterrains pouvant expliquer ces relations entre diversité et fonctionnement de l’écosystème forestier reste encore rare.
Le premier objectif de ce travail de thèse était de déterminer l’effet des interactions des espèces d’arbres en peuplements mélangés sur le fonctionnement hydrique et la réponse à la sécheresse des arbres. Le deuxième objectif était de mettre en évidence les mécanismes d’interaction souterrains ou aériens de partage des ressources pouvant expliquer ces effets sur le fonctionnement, tels que la profondeur d’extraction de l’eau par les racines ou l’occupation de l’espace de la canopée par les houppiers.
Ce travail a été réalisé, dans le cadre du projet ANR DiPTICC, dans deux dispositifs expérimentaux distincts : un réseau de forêts naturelles matures dans le sud-est de la France (GMAP) et une jeune plantation expérimentale proche de Bordeaux (ORPHEE). L’auteur a travaillé sur trois types de mélanges à deux espèces : Hêtre (Fagus sylvatica) – Sapin (Abies alba) et Hêtre - Chêne pubescent (Quercus pubescens) le long du réseau GMAP et Bouleau (Betula pendula) - Pin maritime (Pinus pinaster) à ORPHEE. Ce travail est fondé sur une approche empirique avec des mesures expérimentales d’écophysiologie et d’interception de la lumière, dans des conditions contrastées de disponibilité en eau du sol. Des fonctions telles que la transpiration ou l’efficience d’utilisation de l’eau (estimée par la mesure de la composition isotopique du carbone) ont été étudiées.
Ces travaux montrent que, dans ces peuplements jeunes ou âgés, le fonctionnement hydrique et la réponse à la sécheresse des espèces étudiées sont peu impactés par les interactions des espèces. Les différences de profondeur d’extraction de l’eau entre les espèces, quand elles étaient présentes, n’ont pas nécessairement engendré une meilleure disponibilité de l’eau pour les espèces en mélange en conditions de sécheresse. Contrairement à des hypothèses souvent formulées dans la littérature, cela suggère que les mécanismes souterrains seraient peu souvent à l’origine des effets des interactions des espèces. En revanche, l’auteur a observé que les mécanismes de complémentarité des houppiers ont engendré des modifications de structure du peuplement et d’interception de la lumière et sont apparus comme ayant un fort impact sur le fonctionnement du mélange.
Ces travaux confirment que, pour une même combinaison d’espèces d’arbres, les effets du mélange d’espèces sur le fonctionnement des arbres dépendent fortement des conditions environnementales locales. Il est donc primordial pour les gestionnaires forestiers de prendre en compte ces conditions locales dans les choix sur la composition en espèces des forêts du futur. Globalement, l’auteur n’a pas trouvé d’effets négatifs du mélange sur le fonctionnement hydrique, ce qui suggère que la gestion des forêts au profit de peuplements mélangés reste une option intéressante pour les gestionnaires afin de maintenir de nombreuses autres fonctions et services écosystémiques des forêts dans le contexte du changement climatique.
Modélisation de la phénologie d'une espèce emblématique du changement climatique : la processionnaire du pin
par Laura POITOU
Thèse soutenue publiquement le 10 décembre 2021 à INRAE (Orléans)
Directrice de thèse : Mme Christelle Robinet (INRAE Orléans)
Codirectrice de thèse : Mme Christelle Suppo (Université de Tours)
Face au changement climatique, des modifications de la distribution et de la phénologie des espèces ont été observées. La processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) est considérée comme un modèle d’étude pour comprendre l’effet du réchauffement climatique sur la distribution des espèces car sa distribution s’étend en réponse à l’augmentation des températures hivernales. La processionnaire du pin est un ravageur forestier à impact économique et sanitaire. L’apparition de processions précoces atypiques dans certaines régions a été observée ces dernières années. Cependant, les conséquences du changement climatique sur sa phénologie restent encore peu connues. Une meilleure compréhension des variations spatiales et temporelles de la phénologie est cruciale, non seulement pour mieux comprendre l’effet du changement climatique sur la processionnaire du pin, mais aussi pour optimiser les méthodes de lutte et prévenir des risques d’urtication étant donné qu’il est nécessaire pour cela de savoir quand les différents stades larvaires sont présents. Afin de tester l’hypothèse d’une variation de la phénologie dans le temps (du fait du changement climatique) et dans l’espace (du fait des différents types de climats rencontrés en France), des suivis de la période de vol, du développement larvaire et de la période de procession ont été réalisés de 2018 à 2021 dans plusieurs régions biogéographiques en France. Ces données ont été comparées aux données historiques datant des années 1970-1980. Un potentiel étalement du vol et peu de variation dans la période de procession ont été mis en évidence. La phénologie de l’espèce varie dans l’espace en fonction des températures de l’été, de la date des premiers gels et de la rigueur de l’hiver. Afin d’identifier les mécanismes responsables de ces variabilités phénologiques, un modèle mathématique a été développé pour prédire les stades phénologiques de l’œuf jusqu’au dernier stade larvaire. Celui-ci a été calibré sur les courbes de performances thermiques des différents stades de la processionnaire du pin, obtenues en conditions contrôlées, à partir de la population d’Orléans. Les valeurs des paramètres de ces courbes étaient effectivement différentes selon les stades. Le modèle a ensuite été validé de manière indépendante grâce aux données de suivis réalisés à Orléans durant l’étude. L’augmentation de la température globale ou des vagues de chaleur en automne expliqueraient l’occurrence de processions précoces. Face au changement climatique, ces processions devraient donc être plus fréquentes. Le modèle a ensuite été testé sur cinq autres populations suivies durant cette étude, situées dans des régions climatiques différentes. Celui-ci rend bien compte de la variabilité spatiale de la phénologie observée. Le modèle phénologique prend comme variable la température de l’air. Or, les larves se trouvent dans un nid de soie. Dans le but de déterminer et simuler le microclimat associé au nid, un modèle biophysique a été développé. Le nid confère un microclimat chaud pouvant impacter le développement et potentiellement la survie des larves. En mesurant la tolérance thermique des différents stades larvaires, différents seuils thermiques ont été identifiés. Les résultats obtenus dans cette thèse montrent qu’il est important de considérer les contraintes de développement et de survie de chaque stade afin de prédire correctement l’effet des conditions climatiques sur la phénologie et la survie de la processionnaire du pin. Ils montrent aussi clairement que les changements de phénologie de la processionnaire du pin sont en lien avec le changement climatique. Ainsi la processionnaire du pin pourrait être un modèle d’étude pour comprendre l’effet du changement climatique sur la distribution et la phénologie des espèces, deux composantes étroitement liées.
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