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Prévention contre les feux de forêt, une ardente obligation

Introduction

Cet été, les forêts brûlaient : en Nouvelle Aquitaine, en Occitanie, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Drôme et en Ardèche. Et les pluies d’automne sont arrivées bien tard. Les pompiers, grâce aux moyens engagés, et à leurs efforts, ont réussi avec difficulté à arrêter les sinistres. Les méga-feux se multiplient, y compris dans les Landes de Gascogne, qui semblaient ne plus y être exposées. Les plans de prévention des risques y sont bien rares !

Le climat change : le risque va s’étendre à de nouveaux territoires, à l’exemple des Monts d’Arrée qui ont été parcourus sur plus de mille hectares par un grand incendie. Le Sénat a été le premier à produire un rapport complet sur le sujet.

Tous les acteurs conviennent de renforcer la prévention afin de permettre aux services de lutte d’attaquer des fronts de flamme moins importants, par l’étendue et la puissance. La mise en place d’un réseau de pare-feux efficaces sur l’ensemble des zones sensibles, c’est-à-dire, à court terme, sur une très grande partie de la métropole, s’impose. Ce sont des mesures nouvelles, parfois contraignantes sur lesquelles les politiques devront s’entendre car il y va de l’avenir de nombreux territoires.

Nous allons essayer de préciser les objectifs, d’inventorier les moyens à réunir, et de proposer une organisation.

Une « trame rouge » de pare-feux

Lorsqu’un feu a dépassé le stade du feu naissant, et qu’il a pris de l’ampleur, il ne peut guère être contenu, dans des conditions défavorables de chaleur et de vent, que sur une ligne de défense où les services de lutte peuvent accéder aisément, et n’ont à combattre que des feux courants sur le sol, en assurant leur sécurité. Dans les territoires sensibles, devrait donc être définie, mise en place et entretenue une « trame rouge » de pare-feux. Ceux-ci seraient accessibles aux véhicules des pompiers, et protégés, du côté des vents dominants, par une bande de terrain pas ou peu combustible, capable de réduire la force de l’incendie.

Bien sûr, la diversité de la France fait que les caractéristiques de ces pare-feux devront être adaptées aux conditions locales de relief, de structure foncière, de couverture forestière. La trame devrait être continue, décidée avec les élus locaux, les propriétaires, les gestionnaires de ces espaces et les habitants. Le Service départemental d’incendie et de secours devrait fournir un avis circonstancié sur sa pertinence. Elle pourrait s’appuyer sur les grandes infrastructures (routes et chemin de fer), zones agricoles, friches et forêts. Dans tous les cas, une largeur suffisante devra être aménagée ou entretenue pour limiter la puissance d’un incendie de référence, par réduction drastique de la biomasse combustible présente, et ce avant le début de la saison des feux. Comme il a été observé que des fossés, ou des haies non entretenues provoquent souvent un effet de mèche, et permettent parfois aux grands feux de traverser ces zones coupe-feux, une inspection, annuelle donc, de l’ensemble du dispositif serait de rigueur à la fin du printemps, pour pallier les éventuelles ruptures dans la discontinuité végétale prévue. Chaque propriétaire connaîtra les exigences que lui impose la sécurité collective, et s’engagera par contrat à les avoir respectées pour la fin du premier semestre. Selon les conditions locales, cet entretien pourra être réalisé par l’intéressé, par une association foncière, ou par la collectivité.

Et dans les cas où l’initiative privée serait défaillante, la collectivité compétente devra être en capacité légale d’installer une association de gestion, chargée de l’entretien des zones considérées, par les moyens appropriés : entretien de friches à des fins agricoles, contractualisation avec un berger, débroussaillage mécanique, manuel ou à l’aide de « petits feux d’hiver », travaux sylvicoles de récolte, de renouvellement et d’entretien des peuplements.

Un organisme dédié à la prévention contre les feux de forêts

Un organisme national relayé par les Préfets développe les opérations de prévention : planification, conseil, contrôle, surveillance et police, contractualisation et intervention directe, selon les situations. À l’image du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, cet organisme doit associer étroitement l’État et les collectivités locales, afin que son activité soit adaptée aux particularités locales. Son budget assurerait le financement des contrats d’entretien, appréciés à la hauteur des moins values et des contraintes subies par les particuliers, mais en prenant en considération la réduction des risques de dommages aux propriétés considérées. Les compagnies d’assurance seront des partenaires pouvant exiger la production des certificats garantissant le respect des règles.

Le rôle de cette entité nouvelle consistera en particulier à obtenir et vérifier que la « trame rouge » ait été mise en état de soutenir une lutte contre un feu, par le contrôle voire l’organisation des travaux de prévention, et l’inspection à la fin du printemps de l’état des parcelles concernées.

La compétence nationale permettra d’accumuler l’expérience acquise, en France ou à l’étranger, sur les meilleures pratiques de prévention. Cette expertise sera mise au service des responsables locaux, afin que la « trame rouge » soit mise en place et entretenue, en cumulant si nécessaire les différentes techniques : il s’agit d’assurer la sécurité requise à moindre coût.

Le Maire, son conseil municipal (voire la communauté de communes) et les employés dont les compétences le permettent seront associés à la mise en œuvre et au suivi du dispositif. Ils devront convaincre les habitants, et également assurer des fonctions régaliennes et d’intérêt public, en pouvant dépasser certains conflits de voisinage.

Ces opérations de prévention visent à permettre aux services de lutte le guet armé et l’éventuelle intervention : les pare-feux, à eux seuls, n’arrêtent pas un incendie déclaré, mais ils assurent une base sécurisée aux pompiers.

Assurer une gestion de tous les territoires sensibles

Au delà de cette trame, ce sont tous les territoires concernés qui doivent être gérés en tenant compte du risque.

Cette proposition n’est guère originale pour les techniques préventives préconisées, qui sont actuellement connues, au moins par les spécialistes. Mais elle prévoit une trame rouge dans les régions sensibles, adossée à des plans de prévention, annexes des Plans locaux d’urbanisme. Et au delà, la mise en gestion de tous les territoires naturels et forestiers sensibles.

La mise en état, par création et entretien, de cette trame ne sera obtenue que par des procédures qui pourront dépasser les réticences de propriétaires, par l’instauration d’associations de gestion si nécessaire : le volume de biomasse doit être contenu, au début de la saison des feux, au niveau prescrit pour la sécurité. L’animation, la surveillance et la police de ce réseau de prévention contre les incendies, responsabilités partagées entre l’État et les collectivités locales, méritent une attention toute particulière : la réglementation devra probablement être adaptée, dans les futures lois d’adaptation à l’évolution du climat !

P.-S. : Cette contribution s’intègrera dans notre livre en préparation, à propos de la politique forestière.

Auteurs


Jean-François Lerat

Pays : France

Biographie :

Adresse postale : 16 rue de Vauvert - F-18000 Bourges


Yves Poss

yves.poss@gmail.com

Pays : France

Biographie :

Adresse postale : 28 rue des Bouleaux, F-63100 Clermont-Ferrand

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