Faire face à la crise - Conférences
Vulnérabilité, aléa, adaptation, résilience : des concepts utiles pour analyser, comprendre et gérer les crises sanitaires en forêt
Résumé
Les crises sociales, climatiques, écologiques, sanitaires, économiques agitent et désorganisent le monde, sans épargner le monde forestier. Après un bref historique de crises forestières essentiellement induites par des sécheresses, l’article retrace comment les observations et la compréhension des successions d’évènements, de facteurs de sensibilité, de dysfonctionnements ont été progressivement formalisées dans un cadre générique. En s’appuyant sur des concepts mobilisés dans le domaine des risques et de la gestion de crise, l’article décrit une démarche pour objectiver les enjeux, suivre et comprendre les crises sanitaires en forêt, pour identifier les aléas en jeu et les fragilités en cause. Pour finir, les formes de gestion et d’adaptation mobilisables pour faire face à une crise en cours et anticiper les crises futures sont évoquées.
Messages clés
Historiquement, les sécheresses intenses et les ravageurs ont induit des cycles périodiques de dépérissements en forêt.
L’intensité, la date d’occurrence et la durée des aléas sont de mieux en mieux quantifiées.
L’identification de facteurs de vulnérabilité est importante car elle permet de réfléchir à des leviers d’action pour la réduire face aux futurs aléas.
Dans le contexte d’évolution du climat, le risque et l’incertitude sont plus que jamais à intégrer dans la gestion courante.
Abstract
Economic, sanitary, climatic and social crises perturb and disorganise the world without sparing the forest sector. After a short historical record of forest crises mainly caused by droughts, this article recounts how the observations and the understanding of the successions of events, sensitivity factors and dysfunctionings were gradually formalised within a generic framework. Relying on concepts used in the fields of hazard and crisis management, this article describes an approach aimed at objectifying stakes, monitoring and understanding sanitary crises in forests, so as to identify the hazards at stake and the causal weaknesses. Finally, management and adaptation approaches usable to face ongoing and upcoming crises are mentioned.
Highlights
Historically speaking, severe droughts and pests have caused recurring cycles of forest decline.
The intensity, the date of occurrence and the length of hazards are better and better quantified.
Identifying vulnerability factors is important because action levers can be envisaged to reduce forest decline in the face of future hazards.
In the context of climate evolution, risk and uncertainty have to be included in everyday management more than ever.
Évolution de la compréhension des crises en forêt
Les crises forestières jalonnent l’histoire des forêts. Qu’elles soient liées aux guerres, dans leurs impacts directs (mitraille) ou indirects (surexploitation, désorganisation des aménagements, disparition des cadres aménagistes) (Puyo, 2004), à l’économie (effondrement des débouchés pour divers produits issus des forêts) (Richer de Forges, 1977) ou aux enjeux sociétaux (compromis entre services en bois de construction, de chauffage, chasse, charbonnières…), c’est tout le socioécosystème autour de la filière forêt-bois régionale ou nationale qui est impacté par les désordres induits par les crises. Depuis toujours, la forêt est également exposée aux aléas météorologiques. Selon Tabeaud & Simon (1993), six à dix fois par siècle (1893, 1911, 1921, 1949, 1955, 1959, 1976, 1983, 1989-1991), des sécheresses importantes occasionnent des dommages significatifs aux peuplements forestiers. Chaque anomalie dans l’intensité ou la durée de sécheresse, parfois combinée avec des épisodes caniculaires, s’est accompagnée par le passé de mortalités anormales en régénération naturelle ou en plantations, de symptômes de dessèchement, de dépérissements complexes pluriannuels mettant en jeu des ravageurs secondaires (Aussenac & Pardé, 1985). Ainsi, la littérature décrit des crises sur les résineux dans les Vosges après la sécheresse de 1947, sur des peuplements « qui ne se trouvaient pas dans leur station naturelle, et dans les meilleures conditions » : c'est le cas, par exemple, des sapinières de basse altitude sur le versant alsacien des Vosges et dans le Sundgau (Jura alsacien), des plantations d'épicéas sur les crêtes ou sur les versants à exposition méridionale des Vosges (région de Remiremont), de diverses forêts résineuses croissant sur des sols secs et filtrants, comme les moraines glaciaires (Messines du Sourbier, 1948). La littérature rapporte également des anomalies durables de précipitations observées entre 1942 et 1949 (Fourchy, 1951) avec des symptômes visibles au cours de l’été très sec de 1949 (De La Fouchardière, 1949). Ces auteurs notaient que les jeunes taillis de châtaignier souffraient peu en raison de leur partie aérienne faiblement développée, mais que les dommages aux arbres matures sur les terrains filtrants, sableux ou rocheux étaient plus marqués : des facteurs de fragilité sont identifiés. Un autre exemple identifie les successions d’aléas, à propos d’une attaque massive de scolytes sur les résineux du Grand Est (appelé Bostryche dans les Vosges), « la cause première et la cause principale de ce véritable désastre, c'est la sécheresse » (Messines du Sourbier, 1948). Dans un autre cas, les fragilités individuelles des arbres et les vulnérabilités stationnelles sont identifiées : dans les basses Vosges, de nombreux sapins ont séché entre 1949 et 1951 sur les plateaux ou vers les crêtes, les sujets les plus gros et les plus beaux ayant péri les premiers (Fourchy, 1951). Sans faire appel à la notion de vulnérabilité ni à une analyse quantifiée de bilan hydrique, les observations de tous ces auteurs anciens visaient déjà à comprendre les différences locales de comportement, à hiérarchiser les aléas responsables des désordres observés et à identifier les facteurs déterminant la gravité des situations décrites. De plus, ces dépérissements massifs interrogeaient déjà les praticiens sur l’avenir des essences dans les contextes pédoclimatiques où ces impacts de sécheresse se manifestaient (Schaeffer, 1951).
Plus tard, l’épisode de déficit hydrique en 1976 a été très étudié en France et a été à l’origine de progrès majeurs dans la connaissance des mécanismes de réponse des différentes essences au déficit hydrique (Aussenac, 1978) et de prise de conscience des impacts à moyen terme à travers la vague de dépérissements complexes, pluriannuels et multifactoriels de chênes des années 1980 en France (Becker & Lévy, 1982 ; Buffet, 1983 ; Macaire, 1984) et en Europe (Delatour, 1983). L’amélioration des connaissances conduisit également à une meilleure définition de risques en cascade, par exemple les interactions entre sécheresse et ravageurs secondaires sur résineux (Joly, 1977 ; Perrot, 1977).
En 1985, la création du réseau de surveillance de l’état des forêts en Europe (ICP Forests) constitue une étape importante dans la documentation des crises. À l’origine, ce réseau était imaginé non pas pour détecter des risques liés à des chocs mais plutôt à des stress chroniques, en premier desquels la pollution atmosphérique. En France, le Département de la Santé des Forêts (DSF) créé en 1989 a permis de nouveaux progrès, en renforçant la surveillance, la détection et le diagnostic de problèmes sylvosanitaires (biotiques et abiotiques), leur datation, la caractérisation de leur expansion géographique. Ces dispositifs de surveillance sont toujours en place, et leur richesse a permis de pointer les impacts à court et moyen termes d'aléas climatiques extrêmes comme le gel tardif de 1997 ou l'épisode de canicule intervenu au cours de la sécheresse en 2003 sur l'état des cimes (Landmann et al., 2003). Ils ont également permis de documenter l'induction de dépérissements complexes et souvent multi-espèces après les successions de déficits hydriques lors des séquences 1989-1991 (Pins, Chênes en forêt de la Harth) ou 2018-2020 (Épicéa, Hêtre, Pin, Charme, Chênes), où le rôle d'agents biotiques secondaires est systématiquement pointé dans une cascade de risques (scolytes, agriles, pathogènes racinaires…). D'autres dépérissements emblématiques ou crises majeures ont affecté les forêts françaises (DSF, 2014) : dépérissements de chênes suite à des défoliations par le bombyx en 1995 dans l'Ouest et en Alsace, tempêtes Lothar et Martin en 1999, maladie ardennaise du hêtre en 1999-2002 suite à une succession d'évènements : gel précoce, nécrose, scolyte et insectes xylophages (Nageleisen & Huart, 2005), chênes en forêt de Vierzon dans les années 2000, tempête Klaus puis scolytes dans le Sud de la France en 2008-2010. Enfin, l'introduction en France et l'expansion de risques biotiques nouveaux, comme la chalarose du frêne en 2008, ont pu également être documentés grâce aux enquêtes spécifiques confiées aux correspondants-observateurs du DSF.
Notion de crise et de gestion de crise
Ainsi les forêts sont exposées à divers effets météorologiques et biotiques provenant, par exemple, des tempêtes, des sécheresses ou des excès d’eau, du feu ou des ravageurs ou maladies. Les chablis, les chutes exceptionnelles de neige, les incendies de forêt et les dommages causés par les phytophages (insectes ou grands herbivores) sont des perturbations à la fois pour les écosystèmes forestiers eux-mêmes, pour les gestionnaires et exploitants forestiers, et pour l’ensemble du socioécosystème forêt-bois-société. Plus que les évolutions climatiques tendancielles, les phénomènes météorologiques extrêmes de type choc ont toujours constitué un risque central pour le secteur forestier. En outre, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC-IPCC), ces phénomènes météorologiques extrêmes se produiront à l'avenir avec une intensité et une fréquence accrues du fait du changement climatique en cours (Murray & Ebi, 2012).
Pourtant, jusqu'à récemment, la notion de gestion de crise en forêt avait principalement été utilisée en France et en Europe à l'occasion des dommages induits par les tempêtes de 1999, évènement climatique extrême et brutal, de type choc, dont les conséquences sont immédiates (Mortier & Bartet, 2004 ; Riguelle et al., 2011). Cette gestion de crise post-tempête a été récemment reprise et actualisée dans un plan national de gestion de crise tempête suite à de nouveaux évènements tempétueux subis par les forêts françaises. C'est seulement suite à la crise de dépérissements majeurs, multi-essences et étalés dans le temps, induits par la séquence de déficits hydriques 2003-2006, que la désorganisation de la gestion a été à l'origine d'une formalisation plus générique de la notion de crise sylvosanitaire. Cette notion a été mobilisée et un guide de gestion dédié a été publié pour accompagner les gestionnaires et les décideurs publics (Gauquelin et al., 2010). Ce guide de gestion de crises sanitaires en forêt à propos des dépérissements complexes, pluriannuels et à causes multiples, a été réactualisé en 2020 et enrichi de description des nouvelles crises en cours et d'un retour d'expérience des crises achevées (Brunier et al., 2020). Une déclinaison régionale a été reprise dans le Parc du Haut Languedoc (Bec, 2018). L'Office national des forêts (ONF) vient également de réaliser une réflexion sur la gestion de crise, à l'occasion de la récente crise « scolytes » sur résineux (Maillet, 2021). La plateforme Waldwissen.net a publié un guide de recommandations sur la gestion des crises forestières composé de différents manuels thématiques. Les exploitations forestières et les propriétaires de forêts peuvent y trouver des suggestions pour une gestion professionnelle des risques forestiers. En plus du contenu sylvicole et technologique pour faire face aux dommages causés aux forêts, des mesures dans le domaine de la prévention et de la préparation sont présentés (Chtioui et al., 2015). Un autre guide, à propos d'une crise biotique induite par une maladie fongique, la chalarose du frêne, a également été récemment produit (Cano et al., 2020). Les fiches réflexes sont, quelle que soit la crise concernée, assez génériques et méritent d'être consultées pour ne pas s'interroger dans l'urgence lorsque le gestionnaire se trouve confronté à une nouvelle crise.
Quels sont les éléments clés définissant une crise sylvosanitaire en forêt ? Les pouvoirs publics sont généralement en première ligne sur le front de la crise. Celle-ci a un effet déstabilisant, car les règles habituelles de gestion, d’exploitation, de commercialisation ne sont plus adaptées. Tout d’abord, au sens de l’étymologie grecque, la crise correspond au moment où des symptômes anormaux très nets apparaissent. Il convient donc tout d’abord d’identifier ces symptômes, de les quantifier, de les cartographier, afin d’évaluer le caractère anormal des observations, leur extension géographique et si possible les dater. Cela nécessite une bonne connaissance de l’état initial préperturbation des massifs forestiers concernés, et les réseaux de surveillance à long terme des forêts et d’inventaire de la ressource forestière sont indispensables à ce diagnostic. Différents indicateurs peuvent être mobilisés : état des cimes, récoltes de bois secs et dépérissants, surmortalité, biodiversité : quel que soit l’indicateur, il convient alors de fixer un seuil d’alerte et d’anomalie, un seuil dont les dépassements permettent de mettre en place une vigilance accrue ou de définir une entrée en crise (figure 1).
Figure 1 Illustration de la définition d'entrée et de sortie de crise, dans une succession de deux crises consécutives dans les chênaies du Pays des Étangs (Moselle)
(Source : H. Schmuck, dans Brunier et al., 2020)
Lorsque l'indicateur de suivi du phénomène (ici le volume de chênes secs et dépérissants à récolter) augmente au-dessus de son niveau courant (entre 10 et 20 % de la récolte normale en plaine), la vigilance accrue consiste à intensifier la surveillance (par exemple avec des cartographies systématiques de parcelles). Lorsque la récolte de produits accidentels dépasse le seuil de crise, fixé en plaine à 20 % (ou 50 % en montagne) de la récolte courante de l'essence dans le massif, l'entrée en crise peut être officialisée. Lorsque la récolte repasse en-dessous de ce seuil, le massif sort de crise et la gestion courante doit reprendre. Dans l'illustration ici, la première crise était consécutive à une coïncidence entre sécheresses édaphiques exceptionnelles et défoliation par la chenille processionnaire. La seconde crise, d'origine biotique (chenilles phytophages), n'était pas terminée en 2016.
Une fois la crise déclarée, la gestion courante, planifiée dans les documents de gestion (aménagement, plan simple de gestion), est abandonnée au profit d’une gestion de crise. Quelques années plus tard (typiquement entre 3 et 10 ans), l’indicateur (qu’il convient de suivre au cours du temps) repasse en dessous du seuil, permettant de déclarer la sortie de crise et de reprendre la gestion courante. Sur la figure 1, l’indicateur est l’évolution dynamique au cours du temps des récoltes de chênes secs et dépérissants ; l’exemple souligne l’importance de suivre l’indicateur pendant toute la crise et au-delà pour objectiver le moment où la crise se termine afin de reprendre une gestion planifiée. Ces mêmes indicateurs sont mobilisés pour décrire l’extension spatiale des dommages.
En sortie de crise, deux états sont possibles : soit l'indicateur baisse et revient à son niveau pré-crise, la gestion courante peut reprendre à l'identique d'avant crise ; soit l'indicateur baisse mais reste supérieur à son niveau pré-crise, la gestion doit être adaptée (figure 2). Dans les deux cas, si des mesures d'adaptation efficaces sont prises, par exemple une organisation collective future capable d'absorber durablement un pic de récolte plus élevé, le seuil d'entrée en crise pourra être relevé lors d'une future crise. L'entrée en crise est validée par les acteurs de la filière ou les politiques publiques à l'échelle adaptée à l'extension géographique du problème : il peut s'agir d'une crise limitée à un massif, à une ou plusieurs région(s) administrative(s) ou écologique(s), à une ou plusieurs essences. Lorsque la crise est déclarée, un certain nombre d'actions sont à réaliser par les acteurs de la gestion et de la surveillance pour s'organiser, suivre, communiquer et gérer dans la durée la situation : chacune des étapes clés fait l'objet d'un chapitre dans le guide (Brunier et al., 2020).
Figure 2 Schéma simplifié du déroulement d'une crise sanitaire en forêt
(Source : Brunier et al., 2020)
Entre l'entrée et la sortie de crise, la gestion de crise s'étend sur une période de plusieurs années, typiquement entre 3 et 10. En fin de crise, l'indicateur de suivi du phénomène se stabilise (1) au niveau pré-crise, la gestion courante reprend ou (2) un nouvel équilibre doit être défini et une gestion différente peut être envisagée.
Notons que les symptômes ne suffisent pas pour établir avec certitude un diagnostic de l’étiologie du problème, car les symptômes sont généralement non spécifiques (une coloration anormale du feuillage peut être liée à une carence, à un pathogène ou à un excès de chaleur par exemple). La recherche simultanée des causes est donc une étape clé, avant de définir une stratégie d’action. L’idée d’incertitude quant à l’évolution du problème est donc étroitement liée à la notion de crise : incertitude quant au diagnostic et incertitude quant à l’évolution du processus. Ainsi, selon Morin (1976), la crise « […] est un accroissement du désordre et de l’incertitude, qui peut se résoudre soit par le retour à une situation antérieure, soit ce qui est le plus courant, par la recherche de situations nouvelles ».
Selon le point de vue des acteurs au sein du socioécosystème impacté (amont ou aval de la filière, filière forêt-bois ou société) et les services écosystémiques rendus par l'écosystème, la même perturbation peut induire une crise ou représenter une opportunité : cela dépend des enjeux considérés. Un exemple typique concerne les crises liées à l'interaction entre sécheresse et ravageurs secondaires comme les scolytes : si l'enjeu est la production de bois, alors cette double perturbation conduit à une crise ; si l'enjeu est la biodiversité, elle crée une opportunité de l'augmenter au moins temporairement (Hlásny et al., 2021 ; Bouget et al., ce numéro).
Analyser et comprendre une crise sanitaire en forêt : facteurs de vulnérabilité et aléas, enjeux impactés
Les concepts d'évaluation de la vulnérabilité ou de gestion des risques développés pour tous les socioécosystèmes exposés à des risques liés aux évolutions climatiques ont été formalisés par le groupe de travail II « impact adaptation vulnérabilité » du 5e rapport du GIEC-IPCC (GIEC, 2014a). Le cadre proposé vise à décrire et hiérarchiser les aléas en cause et les impacts sur des enjeux biophysiques et socioéconomiques, en intégrant la perception de la société et des politiques face à un risque ou une crise. Le risque est souvent représenté comme la probabilité d'occurrence d'événements dangereux sur un système présentant des fragilités. Ce cadre générique (figure 3), c'est-à-dire non spécifique à un type d'aléa ou à une situation particulière, aide à analyser les situations de crise lorsqu'un risque est réalisé, c'est-à-dire lorsque sa probabilité d'occurrence est égale à 1 ; il permet par exemple de rechercher les fragilités actuelles des forêts face aux aléas climatiques directs (exemple la sécheresse), indirects (exemple l'incendie) et à leurs interactions avec les aléas biotiques (exemple ravageurs secondaires). Cette fragilité est appelée la vulnérabilité du système : c'est sa propension ou sa prédisposition à subir des dommages. Cela englobe divers concepts, notamment les notions de sensibilité ou de fragilité et l'incapacité à faire face et à s'adapter en réaction (Agard & Schipper, 2018). La vulnérabilité comporte plusieurs composantes, dont la mesure et la hiérarchisation est encore délicate (Lecina-Diaz et al., 2020). Les aléas climatiques, en cascade (par exemple un engorgement des sols suivi d'une sécheresse extrême) ou co-occurrents (par exemple une canicule pendant une période de sécheresse), peuvent être liés à la variabilité naturelle du climat, à l'évolution tendancielle de ses composantes, ou encore des chocs produits par des évènements extrêmes. L'attribution des événements extrêmes à l'influence humaine sur les dérèglements climatiques ou à d'autres processus indépendants est difficile et constitue un front de recherche récent de la communauté du climat (Vautard et al., 2016 ; Soubeyroux et al., ce numéro). Si les travaux récents tendent à confirmer l'attribution de certains évènements extrêmes (vagues de chaleur, pluies intenses ou certaines sécheresses) aux changements anthropiques (IPCC, 2021), l'attribution de leurs impacts sur les systèmes ne peut être étendue de manière simple, en raison des décalages et des non-linéarités dans les processus par lesquels le système d'impact réagit (Perkins-Kirkpatrick et al., 2022).
Figure 3 Illustration des concepts fondamentaux dans le domaine des risques liés au climat sur les systèmes humains et naturels adapté aux crises climatiques en forêt d’après les travaux du WGII « impact adaptation vulnérabilité » de AR5 du GIEC (GIEC, 2014a)
Le risque d'impacts liés au climat résulte de l'interaction entre la vulnérabilité du socioécosystème affecté, l’exposition des enjeux aux aléas liés au climat (événements extrêmes et tendances) et la probabilité de son apparition. L'exposition des systèmes humains et naturels dépend des enjeux, auxquels sont attribués des valeurs, sociales, économiques, écologiques… Lorsque le risque potentiel est réalisé, une crise éclate.
Lorsque les composantes du risque sont identifiées, il devient possible d’élaborer des stratégies de gestion, qui comprennent des actions nécessaires aujourd'hui et à l'avenir pour faciliter les réponses aux aléas. Les options d’adaptation viseront à réduire la vulnérabilité actuelle des forêts et du secteur forêt-bois, et à accélérer la récupération après une perturbation (Spittlehouse & Stewart, 2003). Le plan d'adaptation doit inclure un suivi de l'état de la forêt pour détecter les changements.
Décrire, dater, quantifier et cartographier les aléas
À partir de ce schéma générique (figure 3), la compréhension des impacts observés nécessite l’identification des aléas inducteurs et des composantes de la vulnérabilité. Lorsqu’un aléa climatique est en jeu, il convient de dater son occurrence, de quantifier son intensité en absolu et en relatif, généralement par rapport à des normales trentenaires, afin de situer l’anomalie par rapport à une chronique rétrospective. Dans le cas des sécheresses édaphiques, c’est-à-dire le manque d’eau dans les sols, la quantification de l’aléa peut se réaliser par modélisation de bilan hydrique, mobilisant les caractéristiques locales des sols et des peuplements (type de couvert, indice foliaire, composition), ainsi que la météorologie. La sévérité du déficit hydrique se caractérise par sa date d’occurrence (précoce au printemps, estivale, à l’arrière-saison), sa durée et son intensité. Ces trois caractéristiques permettent de décrire l’aléa, de cartographier ses caractéristiques dans la zone concernée (massif, région, France entière). Un point important est de comparer les déficits hydriques entre années pour identifier le caractère inédit ou non de l’évènement, ou entre différents secteurs de la zone d’intérêt pour comprendre des différences de sévérité dans les impacts constatés sur les forêts. L’outil Biljou© a été développé pour aider à cette caractérisation de l’aléa sécheresse. La figure 4 présente un exemple de cartographie de l’aléa sécheresse à l’échelle d’un massif de 13 000 ha réalisée à partir de calculs de bilan hydrique par le modèle Biljou©. Là encore, afin de diagnostiquer le caractère exceptionnel de l’aléa, il est possible de regarder les résultats non pas en valeur absolue mais en anomalie par rapport à une normale trentenaire, comme réalisé en climatologie. Des détails quant à la réalisation des cartographies nationales et des illustrations d’utilisation de ces caractéristiques de sécheresse édaphique pour interpréter l’état des cimes ou pour calculer les pertes économiques liée au dépérissement induit par sécheresse édaphique sont présentés dans Tallieu et al., ce numéro.
Figure 4 À gauche : Carte d’intensité de déficit hydrique réalisée par modélisation de bilan hydrique forestier journalier (Biljou©) en forêt de la Harth (13 000 ha), en 1989, déficit hydrique ayant induit un dépérissement de chênes (Lhoste et Bréda, non publié)
À droite : Cartographie de l’aléa défoliation des chênes en 2015, dans les forêts du Pays des Étangs (Moselle) ; la cartographie a été réalisée au sol par les agents de l’Office national des forêts et correspondants-observateurs du Département de la santé des forêts (source : ONF)
Notons que l'aléa à l'origine de la crise n'est pas nécessairement climatique. Le cadre d'analyse générique reste pertinent, et là encore, établir la répartition spatiale du problème est primordial pour la compréhension de la distribution des dommages observés. Cela peut concerner par exemple les défoliations par des chenilles phytophages, telle que la chenille processionnaire du chêne, dont la présence peut être cartographiée sur le terrain (figure 4). Lorsque de telles observations au sol sont disponibles, la cartographie peut dans certaines conditions être étendue à d'autres années indirectement par méthodes d'apprentissage entre données au sol et télédétection (Bélouard et al., 2018).
Interpréter la répartition spatiale des dommages et identifier des facteurs de vulnérabilité
En même temps que la gestion de crise démarre, il est souhaitable d'étudier de manière conjointe les distributions spatiales des dommages et des aléas, afin de rechercher des facteurs de vulnérabilité et comprendre les effets de la sécheresse par exemple (voir Vitasse et al., Tallieu et al., ce numéro). Pourquoi ce groupe de parcelles présente-t-il des dommages moindres alors que l'aléa était présent ? Le diagnostic différentiel peut permettre aux gestionnaires, grâce à leur connaissance de terrain, de formuler quelques hypothèses, au moins sur les quelques facteurs de vulnérabilité très génériques : peuplements feuillus/résineux, structure des peuplements, âge, propriétés des sols, dégâts récents de tempête… Plus l'origine des dégâts sera comprise, plus les actions de gestion réactive à court terme pendant la crise (qui consiste à faire face) et d'adaptation à long terme (gestion proactive, qui consiste à se préparer et à agir par anticipation d'un risque futur) seront pertinentes et efficaces. De nombreux exemples sont fournis par les retours d'expérience dans le guide de gestion de crise. La figure 5 illustre un exemple de mobilisation du cadre générique sur un cas de crise sanitaire sur les chênaies du Plateau lorrain avec identification de quelques facteurs de vulnérabilité.
Figure 5 Schéma synthétisant l'analyse de la crise des chênaies en plaine de la Woëvre et sur Plateau lorrain
(d'après Brunier et al., 2020 et Nageleisen et al., 2013)
Les surmortalités de chênes résultent d'un cumul d'aléas (récurrence de défoliations et déficit hydrique extrême), sur des sols à alternances hydriques, vulnérables au tassement. Les chênes pédonculés sont vulnérables en raison de leur âge, leur sensibilité à la sécheresse et leur trajectoire sylvicole (issus de taillis-sous-futaie).
Résilience et gestion adaptative
La vulnérabilité et la résilience sont deux concepts qui ont émergé dans des domaines différents et sont utilisés actuellement pour analyser et caractériser les risques. La notion de vulnérabilité constituait le paradigme dominant dans la caractérisation du risque et l'analyse des cyndiniques (sciences du danger, étude et prévention des risques). Un glissement sémantique s'est opéré entre vulnérabilité et résilience, l'usage du terme de résilience étant limité jusqu'au milieu des années 2000 puis s'est développé rapidement (Barroca et al., 2013). La résilience est la capacité d'un système socioécologique à faire face à une perturbation ou un événement dangereux, lui permettant d'y répondre ou de se réorganiser de façon à conserver sa fonction essentielle, son identité et sa structure, tout en gardant ses facultés d'adaptation, d'apprentissage et de transformation (Agard & Schipper, 2018). La réflexion sur la résilience offre de nouveaux cadres conceptuels pour faire face aux changements importants et incertains, aux relations entre les composantes sociales et écologiques des systèmes forestiers et à une nouvelle perspective de la durabilité. Cependant, les contributions du concept de résilience sont à ce jour en grande partie conceptuelles et offrent davantage une approche de réflexion que des outils analytiques ou pratiques (Rist & Moen, 2013).
L'incertitude quant au comportement et à l'aspect des écosystèmes après les crises sylvosanitaires est généralement grande et peut décourager ou reporter la reprise d'une gestion planifiée comme le prévoyaient les documents de gestion pré-crise. Plusieurs concepts, tels que la gestion durable (Lanly, 1999) ou sa branche émergente la foresterie intelligente face au climat (Bowditch et al., 2020) qui vise à gérer les forêts en réponse au changement climatique, la gestion adaptative (Cordonnier & Gosselin, 2009) ou fondée sur le risque, ont été proposés pour faire face à l'incertitude, aux connaissances incomplètes et à l'évolution des conditions climatiques et stationnelles. Cependant, il n'y a pas d'accord sur la signification de ces concepts et sur la manière dont ils diffèrent des approches traditionnelles de gestion forestière. La gestion adaptative fait actuellement l'objet de discussions animées chez les sylviculteurs et aménagistes. L'exploration des théories basées sur les systèmes et les risques aboutit à des fondements décisifs de la gestion adaptative. L'adaptation et la résilience sont des concepts fondamentaux pour caractériser le comportement dynamique des écosystèmes, qui rendent compte de leur plus ou moins grande capacité à se transformer ou à s'effondrer (Heinimann, 2010). La fenêtre spatiotemporelle de la sylviculture traditionnelle se concentre sur le niveau des parcelles et des peuplements, alors que la gestion adaptative prend en compte des fenêtres spatiotemporelles beaucoup plus larges, allant jusqu'au paysage ou à la région écologique, en mobilisant une intégration de processus plus complexes (Cordonnier et al., ce numéro).
Faire face puis préparer l’avenir : les différentes formes d’adaptation
Dans le contexte des dérèglements climatiques, l’adaptation est définie comme une démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences. Pour les systèmes humains, il s’agit d’atténuer les effets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques. Pour les systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation au climat attendu ainsi qu’à ses conséquences (Agard & Schipper, 2018).
En situation de crise, la première forme d'adaptation à mobiliser est une adaptation réactive : il faut faire face à une situation inédite. C'est un peu une forme d'adaptation par défaut, dans l'urgence, non planifiée. Cependant, les crises passées sont l'occasion d'une capitalisation de réflexes et un retour d'expérience mérite d'être réalisé a posteriori pour permettre un apprentissage collectif. En effet, dans la perspective où une fréquence et une intensité plus grandes des aléas climatiques extrêmes sont attendues, les organisations gagnent à se préparer et à intégrer une culture de gestion de crise. Il ne s'agit pas de prédéfinir des solutions, mais de se mettre en situation de mieux affronter et résoudre la crise. Un retour d'expérience, par une analyse objective à froid, après la sortie de crise, des actions réussies et des échecs, est une voie de progrès précieuse pour bâtir puis adapter ou préciser un dispositif de gestion de crise avec les bons réflexes à mettre en œuvre, sans tout devoir réinventer lors de perturbations majeures futures. De nombreux exemples de retour d'expérience après les principales crises sylvosanitaires récentes terminées sont donnés dans le guide de gestion de crise (Brunier et al., 2020) et des témoignages sont rapportés dans le présent numéro. Ainsi, à la lumière de l'expérience des tempêtes de 1999 et d'un retour d'expérience auprès de ses agents, l'ONF a conçu et a intégré à son fonctionnement un dispositif de gestion de crise (Mortier & Bartet, 2004). Toutes ces expériences démontrent que la veille est un travail de fond indispensable pour détecter et objectiver les crises à venir : veille quant à l'état sanitaire et aux signalements d'aléas réalisés par le Département de la santé des forêts ; la composition, la diversité et la productivité des forêts suivies par l'IGN ; les indicateurs d'activité de la filière produits par les interprofessions ; tout autant que ceux des informations climatiques enregistrées par Météo France. Conforter la veille et le suivi sanitaire, organiser la gestion de crises sont d'ailleurs des priorités rappelées dans la feuille de route pour l’adaptation de la forêt au changement climatique remise au Ministre de l’Agriculture en décembre 2020 (MAA, 2020).
Selon l’état du socioécosystème en sortie de crise, avec résilience totale ou partielle, la gestion courante pourra reprendre avec ou sans adaptation. L’adaptation incrémentale est celle que les forestiers envisagent tout d’abord : mettre en œuvre des mesures d’adaptation destinées essentiellement à conserver l’essence objectif et l’intégrité de l’écosystème et de ses fonctions à l’échelle des parcelles ou du massif. L’apprentissage des gestionnaires par les crises et les retours d’expérience fait partie de cet ajustement, de la prise de conscience de la fragilité des équilibres, de l’importance évoquée de la veille. Plus le choc ou la perturbation déstabilise à la fois l’écosystème et les acteurs de la forêt, plus la prise de conscience d’un changement plus marqué encourage à une adaptation systémique, qui ajuste progressivement le système par des actions visant à maintenir les fonctions et services rendus par les forêts, tout en actionnant quelques leviers permettant d’atteindre une meilleure résilience postcrise. Plusieurs leviers sont envisagés : diversifier la structure ou la composition par mélange avec des essences plus résistantes, et ajuster la sylviculture. L'adaptation aux changements climatiques induits par l'homme est envisagée comme une série d'adaptations progressives destinées à éviter les perturbations des systèmes à leur emplacement actuel. De nombreux écosystèmes et espèces forestiers devront s'adapter de manière autonome, car la gestion ne peut influencer le moment et la direction de l'adaptation des forêts qu'à certains endroits et à des moments clés comme en sortie de crise. La société devra aussi s'adapter à la façon dont les forêts s'adaptent (Spittlehouse & Stewart, 2003).
Cependant, dans certains contextes pédoclimatiques et pour certains systèmes gérés, les vulnérabilités et les conséquences d'une crise peuvent être d'une telle ampleur qu'elles nécessitent des adaptations transformationnelles plutôt qu'incrémentales. Il s'agit alors d'envisager des formes d'adaptation qui modifient les attributs fondamentaux (ses objectifs, ses propriétés, ses fonctions, ses services, ses valeurs) d'un système en réponse au climat et à ses conséquences (Agard & Schipper, 2018). Toutes les composantes du socioécosystème (technologiques ou biologiques, les structures financières ou cadres réglementaire, législatif ou administratif) peuvent subir des transformations. La motivation de la mise en place d'adaptation transformationnelle repose sur le diagnostic d'une grande vulnérabilité du socioécosystème dans certaines régions, groupes d'acteurs ou systèmes de ressources, et sur la scénarisation d'un changement climatique sévère s'éloignant très fortement des conditions que les systèmes ont déjà expérimentées. Ces adaptations transformationnelles sont adoptées à une échelle beaucoup plus grande, et sont véritablement en rupture par rapport à l'existant pour une région ou un système de ressources : transformation des paysages et de l'occupation du sol, délocalisation de bassins de production, … Des abandons de certaines productions et de certains services sont attendus et méritent d'être explicités. Cependant, l'adaptation transformationnelle anticipative est difficile à mettre en œuvre. Plusieurs raisons justifient cette difficulté : incertitudes concernant les risques et contraintes multiples liés au changement climatique et aux transitions multiples, interrogations quant aux avantages et à l'efficacité de l'adaptation, coûts élevés des actions transformationnelles et des incitations par les politiques publiques, freins réglementaires et réticences des acteurs. Tous ces obstacles tendent à maintenir les systèmes de ressources et les politiques existants. La mise en œuvre de l'adaptation transformationnelle nécessite donc des efforts pour l'initier, puis pour la maintenir dans le temps (Kates et al., 2012).
Actionner plusieurs leviers à différents points du système
Au-delà d’aider à décrire et analyser comment une situation de crise a émergé, le cadre générique présenté en figure 3 (permet de positionner et articuler les différents leviers d’action sur chaque composante du risque à l’échelle d’un socioécosystème plus ou moins élargi, ce qui permet aussi de penser différents niveaux décisionnels et d’acteurs. Le socioécosystème est soumis à de multiples facteurs de stress — représentés sur la figure 6 (par les facteurs de stress biophysiques et socioéconomiques — qui affaiblissent la résilience et augmentent les risques. Les facteurs de stress incluent en outre le changement climatique, la variabilité du climat et ses extrêmes, les changements d'utilisation des terres et la dégradation anthropique et naturelle des écosystèmes. L'espace d’actions représente les décisions et les trajectoires vers un éventail de futurs possibles, assortis en outre de modulation (atténuation ou aggravation) des risques et de la vulnérabilité.
Figure 6 Les leviers d’actions et leurs relations
Notions principales utilisées dans la contribution du Groupe de travail II au cinquième rapport d'évaluation, illustrant les principales considérations dans la gestion des risques liés au changement climatique (d’après GIEC, 2014b)
Les décisions, à différents niveaux de gouvernance (locale, nationale, internationale), conduisent à des actions ou à des non-actions à l'intérieur de l'espace des solutions, et l’ensemble de ces décisions représentent le processus de gestion des risques liés au changement climatique, ou l'échec à gérer ces risques. Plusieurs exemples quant au rôle des politiques publiques (Bastit et Sergent, ce numéro), d’instruments financiers permettant le partage et le transfert de risques par l’assurance (Brunette et Hanewinkel, ce numéro) sont en cours de réflexion dans le contexte précis de crises forestières. Les profils d'évolution favorisant la résilience dans l'espace d’action conduisent à un monde plus résilient grâce à l'apprentissage itératif lors des crises, à l'accumulation des connaissances scientifiques et d’innovations, à des mesures d’adaptation efficaces, aux mesures d’atténuation et à d'autres choix de gouvernance qui réduisent les risques. À l’inverse, des mesures d'atténuation insuffisantes, d'une adaptation inadéquate pouvant conduire à une augmentation du risque et de la vulnérabilité (mal-adaptation), de l'incapacité d'apprendre ou de tirer parti des connaissances, sont défavorables à la résilience et peuvent influer d'une manière irréversible sur les futurs possibles.
Conclusions
La gestion des forêts nécessite l'intégration du risque et de l'incertitude dans la planification à long terme. La gestion de crise mériterait d’être enseignée aux futurs forestiers lors de leurs cursus initiaux, ils y seront confrontés à coup sûr au cours de leur carrière. Des référents de la gestion de crise pourraient également être identifiés en période calme dans les établissements en charge de la gestion durable des forêts, pour développer une culture du risque partagée à partir des retours d’expérience des crises passées et augmenter la réactivité des organisations. Les aléas climatiques et biotiques, très probablement amplifiés par le changement climatique, auront des répercussions importantes sur les perturbations naturelles, les espèces et les écosystèmes, ainsi que les paysages influencés par la gestion forestière. Il est important de comprendre où se situent les vulnérabilités pour gérer les risques associés directement ou indirectement au changement climatique (Nitschke & Innes, 2008). La vulnérabilité des systèmes socioécologiques aux perturbations naturelles et anthropiques, la résilience de chacune des composantes des systèmes naturels, sociaux et économiques, sont à prendre en compte dans une planification forestière innovante parfois appelée foresterie intelligente face au climat, d’autant plus innovante que l’ampleur des changements de trajectoires projetés est forte par rapport aux conditions déjà expérimentées dans le passé par nos systèmes et nos organisations. Les visions historique/rétrospective et prospective/scénarisée sont donc plus que jamais à articuler pour accompagner et résolument prendre les décisions difficiles pour engager dès maintenant des transformations malgré les incertitudes.
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