Faire face à la crise - Témoignages
Dépérissements de hêtres adultes après 2018 en Franche-Comté
Résumé
Après l’exceptionnel épisode de sécheresse-chaleur 2018, des dépérissements de hêtres (Fagus sylvatica L.) adultes sont apparus au moment de la feuillaison au printemps 2019 le long d’un axe Gray-Belfort, sur les secteurs de basses altitudes (< 600 m). L’importance du phénomène tient autant à son impact au niveau des arbres qu’à son étendue (plusieurs milliers d’hectares) et affecte une zone au cœur de l’aire de distribution et de production du Hêtre. L’anomalie 2018 de déficit hydrique sur cette région peu habituée à en connaître en a constitué le facteur déclenchant. Ce dépérissement a été brutal (mortalité de branches voire d’individus), et se produisait sur des hêtres possédant un houppier le plus souvent complet avec une ramification dense. Afin de mieux appréhender le phénomène, différentes études ont été initiées : quantification spatiale du dépérissement, suivi des trajectoires de récupération ou de dégradation des hêtres selon la sévérité des symptômes initiaux, identification de facteurs de vulnérabilité.
Messages clés
Le déficit hydrique exceptionnel de 2018 est à l’origine des dépérissements de Hêtre.
Des études sont en cours pour préciser le devenir des peuplements.
Abstract
Following the exceptional drought-heatwave event of 2018, decline of adult beeches (Fagus sylvatica L.) became visible at the time of leaf development in spring 2019 along a Gray-Belfort axis, in low-altitude sectors (< 600 m). The magnitude of the phenomenon is related to its impact on trees as well as to its surface area (several thousand hectares), and it affects an area at the heart of the beech distribution and production area. The 2018 water deficit anomaly in this region where such events are highly unusual was the inciting factor. Decline was unexpected (branches or even whole trees died), and occurred on beeches whose crown was most of the time complete and densely branched. Different studies have been initiated to better address this phenomenon: spatial quantification of the decline, monitoring of the beech recovery or degradation itineraries depending on how severe the initial symptoms were, identification of vulnerability factors.
Highlights
The exceptional water deficit of 2018 is at the origin of beech declines.
Studies are ongoing to provide details about the future of these stands.
La symptomatologie de ce dépérissement de hêtres post-2018 en Franche-Comté
Un dépérissement brutal en lien avec un épisode de sécheresse-chaleur exceptionnel en 2018
L'épisode de sécheresse-chaleur de 2018 a été exceptionnel par son intensité, sa continuité et sa durée (de fin juin à fin octobre) avec deux courtes périodes estivales de canicule, notamment en Franche-Comté, région peu habituée aux déficits hydriques, et a affecté fortement la forêt (Mirabel, 2019a). L'importante anomalie de déficit hydrique 2018, modélisé par Biljou©
L'importance du phénomène s'est manifestée tant par son impact au niveau des arbres que par son étendue (plusieurs milliers d'hectares) ; il a affecté une zone au cœur de l'aire de distribution et de production du Hêtre où un tel dépérissement n'était pas attendu (Sardin et al., 2011 ; Taccoen, 2019).
Ce dépérissement était brutal (faînes et feuilles sèches parfois encore adhérentes aux rameaux, bourgeons secs partiellement formés, mortalités de branches voire d’arbres), et se produisait sur des hêtres possédant un houppier le plus souvent complet avec une ramification fine dense. Des charmes et chênes ont pu présenter les mêmes symptômes localement (Mirabel, 2020). À noter que, sur l’ensemble de la zone, les hêtres ont généralement produit une forte fructification en 2018 (comme en 2020) (photo 1).
Ces mortalités d'organes pérennes pourraient avoir pour origine une rupture hydraulique (phénomène de cavitation-embolie) se produisant lors d'épisodes de sécheresse extrême (Barigah et al., 2013). Peu de parasites de faiblesse (insectes, champignons) ont été détectés, leur présence étant non systématique lors de dépérissements (Nageleisen & Reuter, 2007).
Photo 1 Dépérissements brutaux de hêtres en Franche-Comté en 2019
Photos : © G. Klein, correspondant-observateur DSF-ONF, M. Mirabel, DSF
Des suintements corticaux et colorations noirâtres aux origines très diverses
L’observation des arbres dépérissants (sur pied et sur coupe) a montré la présence de suintements noirâtres sur écorce et dans le bois. Ceux-ci peuvent être occasionnés par différents facteurs biotiques (insectes, champignons…) ou abiotiques (blessure, embolie-cavitation) (Nageleisen & Reuter, 2007) :
— des attaques d’insectes cambiophages (le petit scolyte du hêtre, Taphrorychus bicolor Herbst ; l’agrile, Agrilus viridis L.). L’arbre parvient en général à les contenir, à cicatriser (subsiste la singularité du « T » dans le bois). Les attaques du petit scolyte du hêtre ont été très localisées géographiquement en 2019-2020 (photo 2) ;
— des nécroses sous-corticales dues à des pathogènes de faiblesse (Phytophthora sp., Fusarium solani Sacc., Nectria sp., Botryosphaeria sp., etc.). Peu de détections ont été faites en 2019 ;
— d’éventuels phénomènes de cavitation consécutifs à un déficit hydrique intense. C’est une hypothèse avec l’observation parfois de « poches de sève » sans galeries d’insectes ou pathogènes identifiés (photo 3) ;
— des blessures comme des flachis lors de martelages) en lien avec d'éventuels phénomènes de cavitation mécanique (notion de « cœur traumatique », Wernsdörfer et al., 2007) (photo 4).
Photo 2 Suintements corticaux dus à des attaques de petit scolyte du hêtre
Photos © G. Klein correspondant-observateur DSF-ONF ; M. Mirabel, DSF
Photo 3 Suintements noirâtres sur écorce avec nécrose sous-corticale étendue ou « poche de sève » pouvant être induits par différents agents pathogènes ou abiotique
Photos © M. Mirabel, DSF ; F. Sittre, correspondant-observateur DSF – ONF
Photo 4 Colorations noirâtres en lien avec le flachis de martelage et d’éventuels phénomènes de cavitation
Photos © S. Grandjean, correspondant-observateur DSF - ONF
Des parasites de faiblesses mettant en exergue une dégradation avancée des tiges
La présence de certains parasites de faiblesse (insectes, champignons) peut mettre en avant une dégradation avancée des tiges. On peut citer :
— des insectes : des scolytes xylémophages (scolyte noir du Japon, Xylosandrus germanus Blanford) ;
— des pathogènes de faiblesse voire des saprophytes comme les pourridiés racinaires (armillaire), Libertella faginea, Biscogniauxia nummularia.
La quantification spatiale de ce dépérissement
L’utilisation de prises de vue aériennes et de la télédétection (Sentinel-2)
Dès l’été 2019 s’est posée la question de cartographier l’extension et l’intensité de ce dépérissement de hêtres. Les images satellitaires (Sentinel-2) disponibles ont constitué un outil rapidement mobilisable. Deux analyses distinctes ont été réalisées selon deux hypothèses :
— les zones présentant un rougissement foliaire de hêtres au cours de l'été 2018 constitueraient un premier contour des zones dépérissantes. Pour cela, une analyse de l'évolution de l'indice NDVI (indice utilisé pour évaluer la capacité photosynthétique d'un couvert végétal à partir de sa différence de réflectance dans le rouge et le proche infrarouge) entre juillet et août 2018 a été réalisée. Cette approche s'est révélée finalement non pertinente, les observations de terrain mettant en évidence que le rougissement foliaire ne présage en rien du dépérissement de l'arbre (photo 5, p. 000), comme cela a déjà été rapporté sur le Hêtre en 2003 (Bréda et al., 2006). Ce symptôme touchant des organes annuels est induit par l'augmentation de température des feuilles qui ne transpirent plus du fait de la fermeture des stomates. La fermeture stomatique permet à l'arbre d'économiser de l'eau en limitant sa transpiration, de protéger ses tissus d'une déshydratation intense et limiter les risques d'embolie (Bréda et al., 2006). Mais si le déficit hydrique perdure, des phénomènes de cavitation-embolie peuvent apparaître et entraîner la sénescence d'organes pérennes (rameaux, branches, tronc dans les cas extrêmes) (Barigah et al., 2013), comme cela pourrait avoir été le cas pour les feuilles en 2018 ;
— les zones présentant une diminution de « la vitalité des houppiers » entre le début des étés 2018 et 2019. Pour cela, l’indice normalisé de teneur en eau (Normalized Difference Water Index, NDWI) a été calculé (selon le même principe que le NDVI mais en utilisant la réflectance dans les infrarouges proches et moyens pour estimer le déficit hydrique des plantes ; Hunt & Rock, 1989). Cette approche constitue une première étape pertinente, qu’il convient de compléter avec des données plus précises pour tenter de corréler cette fluctuation d’indice de manière spécifique aux dépérissements de hêtres.
Photo 5 Hêtraie présentant un rougissement foliaire marqué consécutif au déficit hydrique (29 juillet 2018) et un faible déficit foliaire au printemps suivant (2 juin 2019), Naisey-les-Granges (Doubs)
Photos : © M. Mirabel, DSF
Pour affiner ces analyses d’images satellitaires, une acquisition et une analyse de photographies aériennes ont été lancées au cours de l’été 2020. Cette étude était portée par l’ONF de Bourgogne-Franche-Comté en partenariat avec l’ONF RDI de Nancy et le DSF. Trois massifs forestiers de 1 000/1 500 ha (secteurs de Besançon/Baume-les-Dames/Montbéliard) présentant d’importants dépérissements de hêtres ont été sélectionnés et photographiés le 27 juillet 2020. Les images en couleurs naturelles et en infrarouge fausses couleurs ont une résolution de 10 cm. La photo-interprétation des images acquises a été réalisée au cours de l’automne 2020 par l’IGN avec production d’une cartographie de l’état sanitaire des trois massifs forestiers étudiés.
Un réseau systématique de placettes d’observations installé en 2020, renoté en 2021
Un réseau de 78 placettes a été positionné en Haute-Saône et dans le Doubs selon un maillage systématique sur les peuplements à base de Hêtre (BD Forêt V2, IGN) pondéré par le nombre de fiches de veille sanitaire réalisées par les correspondants-observateurs du DSF. Sur chacune des placettes, l'état sanitaire de 10 hêtres dominants ou codominants a été noté visuellement et leur circonférence mesurée. La mortalité de branches, le manque de ramification et le déficit foliaire du houppier hors concurrence, c'est-à-dire exposé à la lumière, ont été quantifiés par classes. La présence de suintements corticaux au niveau des troncs a été relevée. La note DEPERIS (Goudet et al., 2018) a aussi été calculée. Il ressort (figure 1 et figure 2) :
— un déficit foliaire (DF) moyen des hêtres de 51 % sur la zone d’étude en 2020 comparativement à 30 % en 2018 et 45 % en 2020 sur les placettes du réseau systématique de suivi des dommages forestiers (RSSDF) de la GRECO du Grand Est semi-continental. Ce déficit foliaire se révèle stable en 2021 (47 % en moyenne sur la zone d’étude) ;
— 23 % des hêtres présentent une mortalité de branches supérieure à 10 % et 13 % supérieure à 20 % en 2020 sur la zone d’étude. Cette mortalité de branches s’observe également sur le RSSDF de la GRECO du Grand Est semi-continental (figure 3, p. 000) ;
— une mortalité de hêtres faible mais significative : 0,9 % des arbres sont notés morts en 2020 et 1,4 % en 2021, comparativement à 0,1 % annuellement entre 1989 et 2020 sur le RSSDF. La majorité des hêtres morts en 2021 étaient très dégradés en 2020 (6 avec 100 % de DF, un avec 90 % de DF, un avec 60 % de DF et un avec 40 % de DF) ;
— très peu de suintements corticaux sur les troncs ont été aperçus en 2020 et en 2021, et aucun de grande ampleur (Gaertner, 2020 ; Mirabel et al., 2022).
Ainsi, on a constaté en 2020 une dégradation de l’état sanitaire des hêtres post-2018 sur cette zone, et une stabilisation globale en 2021. L’état sanitaire des arbres variait fortement d’une placette à l’autre, mais une différence régionale entre l’axe Besançon-Montbéliard et la région de Vesoul était tout de même observable, cette dernière semblant moins impactée que les Avant-Monts jurassiens.
Figure 1 Distribution d’indicateurs sanitaires notés au niveau des houppiers de hêtres en 2020et variation des déficits foliaires entre 2020 et 2021 (P.-A. Gaertner, DSF)
Figure 2 Proportion de hêtres avec une mortalité de branches > à 20% par placette en 2020 (P.-A. Gaertner, DSF)
Figure 3 Évolution annuelle du pourcentage de hêtres présentant une mortalité de branches > 10 % (bleu) et > 20 % (orange) sur les placettes du RSSDF de la GRECO Grand Est semi-continental (F. Dumortier, DSF)
Des facteurs de vulnérabilité des hêtraies dépérissantes mis en évidence
Nous avons tenté d’identifier des facteurs de vulnérabilité au dépérissement de Hêtre. Ceux-ci sont généralement liés à la sylviculture et à la nature de la station (Nageleisen & Reuter, 2007) et certains ont été déjà identifiés dans la hêtraie du Doubs après les sécheresses de 1947-1949 (Schaeffer, 1955).
Sur chacune des 78 placettes, en dehors des critères sanitaires, les informations collectées à l’échelle de l’arbre étaient le diamètre et diamètre relatif, et à l’échelle de la placette concernaient la topographie, le peuplement forestier (hauteur, surface terrière par placette à surface fixe) et la pédologie (ouverture et description d’une fosse pédologique).
Un traitement statistique a permis de mettre en évidence et de hiérarchiser plusieurs facteurs de vulnérabilité, déterminant ceux qui seraient les plus à risque de dépérissement suite à un déficit hydrique comme celui de 2018, par rapport au déficit hydrique local moyen. Les deux principaux facteurs de vulnérabilité observés sont le diamètre et le statut des arbres, les plus gros (possiblement les plus âgés, mais cela n’a pu être mesuré) ainsi que les codominants semblent être les plus vulnérables. D’autres facteurs de vulnérabilité à l’échelle du peuplement ont été mis en évidence :
— un déficit hydrique élevé, en lien avec un sol à faible réserve utile et/ou une exposition au rayonnement solaire et une évapotranspiration potentielle importants (versants ouest-sud-ouest à est-sud-est) ;
— un diamètre moyen élevé, en particulier si le peuplement est très régularisé dans les gros et très gros bois ou au contraire s’il contient des gros arbres mélangés à des beaucoup plus petits (certains pourraient être issus de taillis-sous-futaie) ;
— une faible surface terrière (figure 4), résultat pouvant être interprété de différentes façons mais l’hypothèse privilégiée est qu’une décapitalisation brutale dans des peuplements matures (mise en lumière des arbres) est défavorable aux tiges restantes.
Figure 4 Proportion de hêtres dégradés (déficit foliaire > 50 % ou note DEPERIS = D, E ou F) par placette en fonction de la surface terrière du peuplement et du diamètre moyen des 10 hêtres (P.-A. Gaertner, DSF)
Les trajectoires de récupération ou de dégradation des hêtres en Franche-Comté : mise en place d’un protocole de suivi basé sur un réseau de placettes semi-permanentes
Dès l’été 2019, le DSF et son réseau de correspondants-observateurs ont mis en place un réseau de placettes semi-permanentes (pour 5 ans) sur les zones concernées par les dépérissements actuels de Hêtre en régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, comme cela avait été fait entre 2005 et 2010 (Goudet & Nageleisen, 2011).
En Franche-Comté, 14 placettes ont été installées et renotées en 2020 et en 2021. Chaque placette est constituée de 15 hêtres répartis de façon égale en trois classes de déficit foliaire : inférieur à 25 %, compris entre 25 et 75 % et supérieur à 75 %. L’objectif était de discerner des trajectoires de récupération ou de dégradation différentes selon ces classes de déficit foliaire caractérisées lors de l’été 2019.
Différents indicateurs ont été utilisés pour analyser l’évolution des dépérissements. Tout d’abord, le déficit foliaire (DF) était en augmentation pour la classe de DF < 25 % et la classe 25 % < DF < 75 %. Le taux de mortalité de branches et le taux de manque de ramification présentaient également une légère augmentation générale (figure 5).
Figure 5 Évolution du déficit foliaire (DF) et de la mortalité de branches entre 2019 et 2021 selon la classe de déficit foliaire 2019 sur le réseau de placettes semi-permanentes (P.A. Gaertner, DSF)
Les 13 arbres morts depuis 2019 avaient un déficit foliaire en 2019 supérieur à 75 % pour 11 d’entre eux et de 60 % pour deux d’entre eux. Des suintements noirâtres s’écoulant de l’écorce des hêtres avaient régulièrement été observés en 2019. Ce critère avait été pris en compte pour désigner les tiges les plus dépérissantes, il a donc été noté sur les placettes semi-permanentes. En 2019, des suintements ont été notés sur 16 % des hêtres comparativement à 7 % en 2020 et 6 % en 2021. Ce symptôme s’est donc sensiblement raréfié, des processus de cicatrisation ayant été relevés sur des suintements datant de 2019.
Les préconisations de gestion vis-à-vis de ce dépérissement et l’incertitude de son évolution : la prudence
La mise en place de mesures radicales de prophylaxie n’est pas nécessaire, les bio-agresseurs détectés (champignons, insectes) sont uniquement des parasites de faiblesse considérés comme peu agressifs.
Face à ce dépérissement et à l’incertitude de son évolution après trois étés 2018-2019-2020 marqués par d’importants déficits hydriques, le DSF renouvelle ses préconisations de gestion dans ces peuplements en crise sanitaire, afin de rester prudent dans les actions sylvicoles menées et à ne pas aggraver les processus de dépérissements enclenchés (à l’exception des zones forestières présentant un enjeu sécuritaire d’atteintes aux personnes).
À l’échelle de l’arbre, l’incertitude en matière de survie à court et moyen termes des hêtres reposerait sur un ou plusieurs des critères suivants :
— un houppier hors concurrence avec + 75 % de déficit foliaire (DF) ou + 75 % du houppier mort/manquant (notes E, F du protocole DEPERIS). Le déficit foliaire est à estimer uniquement avant l’apparition des rougissements et chutes foliaires estivaux, la période idéale étant en juin-juillet ;
et/ou
— des décollements ou d’importantes altérations de l’écorce au niveau du tronc (liés à l’activité d’insectes sous-corticaux ou à des coups de soleil) ;
et/ou
— des suintements nombreux et massifs sur les troncs (les hêtres pouvant cicatriser rapidement si ces suintements sont limités et si leur statut physiologique le permet).
À l’échelle du peuplement, on veillera à :
— limiter la déstructuration du peuplement (mise en lumière brutale) notamment dans les peuplements dépérissants et/ou vieillissants, en maintenant des conditions d’ambiance forestière notamment pour une essence à écorce fine comme le Hêtre ;
— favoriser le mélange d’essences : le Hêtre n’est pas à proscrire sur toutes les zones assujetties aux dépérissements en région. Il est à éviter sur les stations aux plus fortes probabilités de contraintes hydriques (faible réserve utile / versants exposés, etc.) ;
— pratiquer une sylviculture dynamique dès le plus jeune âge ;
— être vigilant aux tassements de sols lors des exploitations sanitaires.
Par ailleurs, il est toujours important d’assurer un suivi des volumes récoltés d'arbres qualifiés de dépérissants dans les coupes ordinaires et “extraordinaires” à l'échelle globale des zones concernées.
Conclusion
Les différentes études conduites permettent d’apporter des premiers éléments de compréhension des dépérissements de hêtres révélés au printemps 2019 en Franche-Comté. Sur cette zone, une dégradation de l’état sanitaire des hêtres déclenchée par l’anomalie de déficit hydrique de 2018 est notée. Cependant, l’intensité du dépérissement est variable et le taux de mortalité demeure faible. Plusieurs facteurs de vulnérabilité ont été déterminés à l’échelle de l’arbre (taille et statut) et du peuplement (disponibilité en eau, mise en lumière des arbres).
Quant à la dynamique de ce dépérissement, à ce stade, il semblerait que les arbres avec un très fort déficit foliaire (> 75 %) présentent un risque plus élevé de mourir à court terme, les arbres ayant un houppier en meilleur état sanitaire ne semblent pour l’instant pas basculer soudainement de vie à trépas. D’autre part, les suintements corticaux qui étaient assez fréquents en 2019 se sont fortement raréfiés en 2020 et en 2021.
Néanmoins, il est nécessaire de rester prudent quant à l’interprétation de ces premiers résultats. Même si la hêtraie a montré jusqu’à présent une forte résilience aux aléas climatiques (Goudet & Nageleisen, 2011), aujourd’hui son évolution sanitaire demeure incertaine après un enchaînement exceptionnel d’épisodes de sécheresses 2018-2019-2020.
Ainsi, en 2021, de nombreux nouveaux dépérissements se sont révélés en Bourgogne et dans les Vosges comtoises (Mirabel et al., 2022) (figure 6). On peut distinguer trois « types » de dépérissements de hêtres en cours en région Bourgogne-Franche-Comté :
— en Franche-Comté – axe Gray-Belfort – dépérissements brutaux en 2019 sans atteintes biotiques significatives initiales, essentiellement concentrés sous 600 m d’altitude. Une globale stabilisation du phénomène est observée en 2021 ;
— dans les Vosges comtoises : nouveaux dépérissements révélés au printemps 2021 jusqu’à 1 000 m d’altitude. Peu d’atteintes biotiques sont détectées sur les hêtres dépérissants ;
— en Bourgogne, phénomène qui est resté localisé jusqu’en 2020, qui s’est fortement accentué au printemps 2021, avec de nombreuses atteintes biotiques.
Figure 6 Signalements de dépérissements de hêtres depuis 2018 en Bourgogne-Franche-Comté effectués par les correspondants-observateurs du DSF (F. Dumortier, DSF, 2022)
Notes
- https://appgeodb.nancy.inra.fr/biljou/fr/presentation
Références
- Barigah, T.S., Charrier, O., Douris, M., Bonhomme, M., Herbette, S., Améglio, T., Fichot, R., Brignolas, F., & Cochard, H. (2013). Water stress-induced xylem hydraulic failure is a causal factor of tree mortality in beech and poplar. Annals of Botany, 112(7), 1431-1437. doi:10.1093/aob/mct204
- Bréda, N., Granier, A., Huc, R., & Dreyer, E. (2006). Temperate forest trees and stands under severe drought: a review of ecophysiological responses, adaptation processes and long-term consequences. Annals of Forest Sciences, 63(6), 625-644. doi:10.1051/forest:2006042
- Gaertner, P.-A. (2020). Contribution à la compréhension des dépérissements de hêtres en cours en région Franche-Comté. Mémoire de fin d’étude dominante Gestion forestière, AgroParisTech. 91 p. [En ligne] Disponible sur : https://infodoc.agroparistech.fr/index.php?lvl=notice_display&id=203440
- Goudet, M., & Nageleisen, L.-M. (2011). Réaction des peuplements forestiers après une crise : cas des hêtraies du Massif central et du Nord-Est après 2005. Département de la santé des forêts – MAA-DGAL, 6 p. [En ligne] Disponible sur : https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/documents/pdf/Deperissement_hetre.pdf
- Goudet, M., Saintonge, F.-X., & Nageleisen, L.-M. (2018). Quantifier l’état de santé de la forêt, méthode simplifiée d’évaluation. Département de la santé des forêts – MAA-DGAL. 6 p. [En ligne] Disponible sur : https://agriculture.gouv.fr/la-methode-deperis-pour-quantifier-letat-de-sante-de-la-foret
- Granier, A., Bréda, N., Biron, P., & Villette, S. (1999). A lumped water balance model to evaluate duration and intensity of drought constraints in forest stands. Ecol. Model., 116, 269-283. doi:10.1016/S0304-3800(98)00205-1
- Hunt, E.R. Jr., & Rock, B.N. (1989) Detection of changes in leaf water content using near- and middle infrared reflectances. Remote Sensing of Environment, 30, 43-54. doi:10.1016/0034-4257(89)90046-1
- Mirabel, M. (2019a). Sécheresse, chaleur et canicule 2018 - Impacts forestiers en région Bourgogne – Franche-Comté. Département de la santé des forêts – Pôle Bourgogne-Franche-Comté, DRAAF. 11 p.
- Mirabel, M. (2019b). Dépérissements de hêtres consécutifs au déficit hydrique de 2018 - Premières observations en ce printemps 2019 en région. Département de la santé des forêts – Pôle Bourgogne-Franche-Comté, DRAAF. 8 p.
- Mirabel, M. (2020). Synthèse de l’actualité sylvo-sanitaire en Bourgogne-Franche-Comté en 2019. Département de la santé des forêts – Pôle Bourgogne-Franche-Comté, DRAAF. 20 p. [En ligne] Disponible sur : https://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/bilans-sylvo-sanitaires-annuels-r373.html
- Mirabel, M., Dumortier, F., & Gaertner, P.-A. (2022). Dépérissements de hêtres en Bourgogne-Franche-Comté, point de situation fin 2021. Département de la santé des forêts – Pôle Bourgogne-Franche-Comté, DRAAF. 14 p. [En ligne] Disponible sur : https://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/Deperissements-de-hetres
- Nageleisen, L.M., & Reuter, J.C. (2007). Dépérissement de hêtre : Retour sur les situations de crise de la hêtraie au cours de la dernière décennie. Bilan de la Santé des Forêts en 2006. 7 p.
- Sardin, T., Legay, M., Bock, J., & Conrard, F. (2011). Hêtraies continentales – 1. Référentiels sylvicoles. Office national des forêts. 55 p. (Guide des sylvicultures).
- Schaeffer, A. (1955). Le Dépérissement du Hêtre dans le département du Doubs. Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté et des Provinces de l'Est, XXVIII(6), 290-291.
- Taccoen, A. (2019). Détermination de l’impact potentiel du changement climatique sur la mortalité des principales essences forestières européennes. Nancy : AgroParisTech. 230 p. (Thèse). https://hal.science/tel-02433527v2
- Wernsdörfer, H., Constant, T., Le Moguédec, G., Mothe, F., Nepveu, G., & Seeling, U. (2007). Le Cœur rouge du hêtre est-il détectable sur pied ? Rendez-Vous techniques de l’ONF, hors-série n° 2, 85-90.
Pièces jointes
Pas d'informations justificatives pour cet articleStatistiques de l'article
Vues: 1069
Téléchargements
PDF: 263
XML: 21