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Se relever de la crise - Témoignages

Quelle vision des forêts pour les défenseurs de l’environnement par rapport aux effets du réchauffement climatique ?

Résumé

La société se préoccupe de plus en plus de questions forestières essentiellement sous l’angle de la protection de la nature, ou sous sa forme moderne, de la préservation de la biodiversité. Les attentes de la société s’expriment à travers un tissu associatif fédéré en particulier par France Nature-Environnement. Les préoccupations les plus souvent exprimées concernent les coupes rases, la protection d’espèces emblématiques et l’introduction d’espèces exotiques, tout en reconnaissant l’importance du contexte de changements climatiques de plus en plus prégnant. Ces préoccupations doivent trouver leur place dans un dialogue apaisé avec les gestionnaires forestiers dans le cadre de concertations régionales et nationales.


Messages clés
France Nature Environnement défend un modèle de concertation autour de la gestion multifonctionnelle.
Dans ce modèle, les services de production (de bois) et de protection (de la biodiversité) sont pris en compte.

Abstract

Today’s society is more and more preoccupied with forest issues, mainly from the angle of nature conservation, or its modern form – biodiversity preservation. Expectations are expressed through a network of associations federated by France Nature-Environnement, among others. The most recurrent concerns are about clear cuts, the protection of key species and the introduction of exotic species, while acknowledging the importance of the more and more pervading climate change context. These concerns should find their right place within a soothed dialogue with forest managers within the framework of regional and national consultations.


Highlights
France Nature Environnement advocates for a consultation model based on multifunctional management.
Wood production and biodiversity conservation services are taken into account in this model.

Article

Au cours de ma formation forestière avec Eduter CNPR engagée en 2014, les professeurs n'évoquaient pas spécialement de contestation de la société envers la gestion forestière si ce n'est à la marge au niveau de conflits locaux et à l'initiative d'associations de défense de la nature dont je venais de rejoindre les rangs. Quatre ans plus tard, l'intérêt du public pour l'arbre et la forêt s'est confirmé après la sortie du livre de l'ingénieur forestier allemand Peter Wohlleben La Vie secrète des arbres, ouvrage traduit en français aux éditions Les Arènes en 2017. Le sujet du livre repris la même année dans le film l'Intelligence des arbres a concouru à la montée en puissance de l'intérêt pour le monde de la forêt dans l’opinion et les médias. Aux débats sur la gestion forestière sous nos latitudes s'est rajoutée la question de la préservation de la canopée amazonienne au regard du libéralisme prôné par le nouveau président élu en 2019. Et depuis, il ne se passe pas un jour sans une information dans les médias ou sur les réseaux traitant de la re-, de la mal- ou de la dé-forestation.

Un peu avant cette période dans le quart Nord-Est, des dégâts sont repérés du fait de bioagresseurs, la pyrale sur le Buis, la chalarose pour le Frêne et juste après le scolyte sur l'Épicéa commun en plaine et sur le bas des versants. À partir de l’été et l’automne 2019, une inquiétude générale apparaît car ce sont des espèces a priori en station et dans leur aire naturelle qui sont affectées par les sécheresses à répétition, les résineux dans l’étage collinaire lorrain et le Hêtre dans l’étage montagnard inférieur. Les mesures effectuées par l’Observatoire hydrogéochimique de l’environnement (CNRS-Université de Strasbourg1) sur le bassin versant du Strengbach sur les hauteurs d'Aubure, confirment le déficit hydrique du sol dû au réchauffement de l’atmosphère entraînant une évapotranspiration plus forte par les arbres et un épuisement des réserves en eau du sol, que la faible pluviométrie des années 2018-2019 ne permet pas de compenser.

À partir des positions prises par le réseau Forêt de France Nature Environnement2, j'inclurai des éléments d'analyse en référence à ma formation initiale en sciences humaines et sociales. Formuler une position portée par les membres des associations de défense de la nature revient à faire la synthèse d'analyses différenciées selon que l'on est naturaliste, environnementaliste ou écologiste.

Les adhérents à France Nature Environnement, naturalistes et/ou militants se sont rendu compte qu’on était passé de crises successives pour le Buis, le Frêne, l’Épicéa à une crise globale de la forêt due au changement climatique. L’aspect global du dépérissement est parfois souligné avec le sentiment que c’est l’ensemble de la forêt qui va mal. Il y a un lien fort avec le changement climatique mais avec l'interrogation : crise temporaire ou crise systémique ? Et le retour à plus de naturalité et moins d’artificialisation est sans surprise plébiscité par de nombreux adhérents.

Le « naturaliste » centre ses observations sur son attachement à une espèce animale, végétale et suivra de près l'évolution de son habitat au regard de celle du climat. Le féru de botanique estimera que les peuplements feuillus (à base de Chêne, Tilleul, Cormier) sous le climat du Grand Est présentent de manière générale une plus forte résilience aux situations de déficit hydrique que des monocultures de conifères à base d’épicéas. Des observations en région méditerranéenne montrent qu'à l'automne, s'il pleut suffisamment et si les jours sont encore suffisamment longs et les températures clémentes, les feuillus redémarrent en produisant une pousse et une végétation d'automne. Ce phénomène est-il extrapolable à terme sous nos latitudes du Grand Est dans le cadre d’une migration assistée de populations méditerranéennes ? De l'avis des observateurs, le climat méditerranéen présente des particularités qui ne se résument pas au niveau moyen des températures et des précipitations mais aussi de leur répartition dans l'année, du degré d'hygrométrie ambiant, de l'intensité lumineuse, du vent, des influences maritimes ou subtropicales combinées au relief et à la nature des sols, qui ne correspondent pas nécessairement au climat prévu dans le Grand Est dans les décennies à venir.

« L'environnementaliste » considère la nature dans une approche plus globale. Il situe son analyse au niveau de l'impact des activités humaines sur les ressources disponibles de la planète. Sa réflexion porte également sur le rapport à la consommation, en particulier dans nos sociétés occidentales où le niveau de vie moyen n’est plus soutenable du point de vue des capacités de la biosphère. Il suivra de près l'objectif de neutralité carbone instauré pour 2050, central pour les politiques de transition écologique et énergétique. Alors que ce challenge fait appel explicitement à une capacité élevée de stockage annuel du « puits de carbone » des arbres et du sol, le changement climatique peut remettre en cause la pérennité de certains peuplements dans le contexte de crises à répétition. La voie tracée par le credo de la consommation et du progrès se traduit finalement par des crises à la fois économiques, environnementales et aujourd'hui sociopolitiques du fait des impacts du développement sur le climat.

Il recherchera des informations tous azimuts en vue de dégager des actions correctives partagées de façon consensuelle. Sa démarche consiste à espérer pouvoir combiner la préservation de la biodiversité dans le contexte d'une demande croissante pour le bois ; ce qui lui vaut souvent de la part de certains militants le reproche, avec la notion de gestion durable, de se situer dans le compromis.

« L'écologiste-militant » (qui a pu suivre une formation universitaire ou spécifique en écologie) aura tendance à s'attacher des positions phares sur la réduction ou la perte de biodiversité qu'il défendra avec passion. Au sujet de la crise sanitaire actuelle concernant les plantations d'épicéas atteintes du scolyte, le militant considérera comme facteur déterminant le fait qu'elles aient été réalisées principalement en régime régulier et en dehors de leur aire naturelle, même si à l'époque de l’introduction de l'Épicéa (à la fin du XIXe siècle et plus récemment avec le Fonds forestier national de 1948 à 1980) le climat était caractérisé par des froids hivernaux qui éliminaient les larves hivernant sous écorce et réduisaient le nombre d'adultes à l'envol pour un nouveau cycle annuel. Les écologistes militants considèrent la forêt dans un processus naturel d'évolution et développement avec une succession de stades vus sous un angle systémique en termes d'occupation de l'espace et de succession d'habitats. La forêt s'apprécie du point de vue écologique du milieu, elle n'a nullement besoin d'intervention anthropique pour exister.

Formuler un avis ou une vision par rapport aux effets du réchauffement climatique revient à faire une synthèse entre différentes sensibilités parmi les défenseurs de la nature. D'une part, le climat à venir est présenté sous la forme de différents scénarios sans que l’on sache vraiment aujourd’hui lequel se déroulera réellement. D'autre part, les projections sur la façon de considérer la forêt à l'avenir se modifient par rapport au risque de disparition de certaines espèces locales. Le sujet nous semble important vu le débat qui va animer les futures Assises de la Forêt et du Bois prévues en novembre 2021 autour de la thématique “Quelle forêt voulons-nous en Grand Est ?” ; il exige de prendre du recul et analyser les différentes hypothèses avant de se lancer dans des propositions de stratégies sylvicoles.

Les propriétaires privés ou publics qui aspirent à une réponse rapide par rapport à leur perte de capital sur pied doivent se référer à la liste du Matériel forestier de reboisement (MFR) retenue par les instances du Programme régional Forêt Bois. Comme dans cette liste figurent pour partie des essences présentes plus au sud de l’Hexagone et dans le pourtour méditerranéen, beaucoup de naturalistes soucieux des équilibres installés entre les essences autochtones, la flore ainsi que la fonge sont soucieux de voir apparaître dans les listes : Sapins de Céphalonie, d’Espagne, de Cilicie, des Cèdres de l’Atlas, du Liban, des Eucalyptus du Mont Dalrymple, des Pins noirs d’Autriche, de Monterrey, de Brutie, sans oublier le Douglas et les Chênes du Caucase, de Hongrie, de Turquie. Ces essences sont censées préparer l’avenir en forêt en complément de ce que pourrait révéler la régénération naturelle.

Par rapport à la solution de migration assistée, les naturalistes se posent la question : peut-on dire que les essences qui souffrent aujourd'hui seront condamnées demain ? Après la coupe sanitaire quand les épicéas en alignement ne font plus obstacle à la lumière, certains forestiers peuvent évoquer un aspect désertique pour justifier une intervention immédiate par plantation alors que le sol peut héberger des graines d'essences arbustives et ligneuses en devenir. Ne pas se précipiter pour reboiser permet de voir apparaître les essences pionnières comme le Noisetier ou le Bouleau quitte à procéder par enrichissement en bouquets si besoin. Sur des centaines d'hectares de la montagne vosgienne, des agriculteurs sont soutenus financièrement depuis des décennies pour défricher des espaces regagnés par la forêt suite à la déprise agricole de l'après-guerre et pour couper les arbres et arbustes qui poussent sur les pâturages.

Par contre, cette période de latence spécifique à l'émergence d'accrus spontanés ne répond pas forcément aux conditions de rentabilité pour les propriétaires confrontés au dépérissement de leurs plantations. Le temps long est considéré habituellement à l'aune de la production de belles tiges et, vu du côté de l'amont de la filière bois, ce régime de succession par voie de colonisation naturelle ne correspond pas forcément aux attentes de dimensions et de qualité des arbres. De plus, la crainte des forestiers porte sur la vitesse du changement climatique qui risque de ne pas laisser le temps à la régénération naturelle de s’adapter. Tout ne devrait pas dépérir partout, nous allons sans doute vers une mosaïque avec des dépérissements sur les zones de sol les plus sèches et le maintien du couvert dans les sols plus profonds.

Si on se réfère à l'ouragan de fin décembre 1999, les forêts du Grand Est ont déjà connu des chocs majeurs de destruction. Pour les parcelles dont les arbres avaient été couchés comme des crayons et dont la reconstitution par plantation n'était pas possible dans la foulée, il y avait un mouvement de retour vers un état de référence, en gros la forêt naturelle ou semi-naturelle. À l'époque, les caractéristiques climatiques sol – pluviométrie – ensoleillement des années antérieures se reproduisaient au cours des années qui suivaient. Peut-on espérer aujourd'hui un retour à une situation climatique antérieure ? En particulier depuis 2003, le réchauffement s'installe chaque été avec des phases consécutives de hausse des températures et parfois de rémission comme pour le printemps 2021. À plus long terme et sans doute bien avant la fin du siècle, les changements climatiques modifieront encore l’expression des qualités écologiques des forêts et la biodiversité associée. Les risques d’extinctions locales d’espèces ou de chutes de populations très fortes en France pour les grandes espèces ligneuses les plus courantes sont élevés (Hêtre, Sapin, Chêne pédonculé). En la matière, le réseau des forêts anciennes constitue dans beaucoup de régions une infrastructure verte fondamentale par son rôle dans les connexions écologiques, la valeur de réservoir et de zone refuge. Il convient de s’en inspirer également dans les forêts privées et de compléter ainsi l’efficacité écologique dans un maillage territorial.

La forêt naturelle pousse toute seule ; elle est composée d’espèces locales, de spécimens d’âges divers, adaptés au sol et au climat local, issus de régénération naturelle où vivent une faune et une flore spécifiques liés à l’ambiance forestière. Sa biodiversité intrinsèque avec ses cohortes de détritivores, de pollinisateurs, de prédateurs, de zoochores sera le moteur de l’évolution, de l’adaptation et de la résilience par temps de crise climatique. La connaissance et la préservation de la biodiversité ont longtemps été considérées dans la gestion forestière soit comme un sous-produit optionnel, soit comme un service offert par l’écosystème qui devrait faire l’objet d’un soutien financier spécifique pour être pris en compte. Engager de nouvelles plantations risque de se faire au détriment de boisements spontanés dont la résilience est sans doute plus importante que celle des monocultures. Faut-il garder ce modèle de la monoculture et changer d'essence : le Douglas ou une essence exotique remplacerait l’Épicéa mais on garderait le régime de la plantation monospécifique équienne.

Parallèlement aux actions de plantation en mélange ou en parquet, les naturalistes prônent l'installation de placettes d'observation pour les essences locales et encouragent de réserver des zones de non-intervention afin d'observer l’évolution « naturelle » de la forêt et de mieux connaître son fonctionnement à l'aune des évolutions climatiques. Aujourd'hui, le changement climatique est le plus souvent entendu comme de fortes chaleurs en été et des périodes de sécheresse. Si cette dimension semble se vérifier au cours des dernières années avec l'accroissement des canicules, il n'en demeure pas moins que le changement climatique s'exprime aussi au travers de la multiplication des événements venteux ou des pluies abondantes. Ainsi, la forêt de demain devra être en capacité à faire face à ces variations extrêmes.

Dans ce contexte, il nous apparaît important de suivre l'évolution des boisements locaux et leur forme de résilience quand les espèces apportées par migration assistée risquent de ne pas résister aux aléas climatiques différents de leur zone d'origine comme par exemple les gelées tardives.

Nous convenons par ailleurs que la rapidité de l'évolution du réchauffement des températures dépasse largement les possibilités de migration naturelle des espèces plus méridionales. Par contre, un suivi scientifique permettrait d'analyser le résultat des croisements génétiques avec les essences autochtones et leur répercussion au niveau de l'écosystème forestier. Avec les « îlots d'avenir », il est question d'essais de migration d’essences plus méridionales. Dans le cadre d'un projet dans la forêt domaniale de la Hardt en Alsace, nous avions demandé à nos interlocuteurs de se reporter à l'avis des membres du Conseil scientifique régional du patrimoine nature du Grand Est (SRPN).

À l’heure où les spécialistes de la Société Botanique insistent sur la nécessaire attention à avoir avant l’introduction d'espèces exotiques, ceux qui établissent les listes MFR ne tiennent pas compte du principe de précaution envers la flore, la fonge et de la microfaune qui accompagnent de façon symbiotique nos essences locales. Au niveau d'un communiqué, Alsace-Nature sollicitait les financeurs publics pour un juste équilibre entre les fonds dédiés à la recherche sur la régénération naturelle et les autres solutions proposées ; nous considérons que les aides dédiées hâtivement à la plantation d'essences exogènes faussent le débat. Une telle politique ne pourrait selon nous être activée que par défaut lorsque toutes les autres solutions auraient échoué et après avoir démontré leur innocuité en termes d’effets écologiques et de risques sanitaires et génétiques. L'exemple des plants de frênes originaires d'Asie implantés en Europe de l'Est nous a illustré le risque d'une importation de bioagresseurs, en l'occurrence Chalara fraxinea. Avec la particularité pour ce pathogène d'avoir trouvé un terrain plus favorable en Europe que dans les stations de son pays d'origine.

Dans le même registre que les îlots d'essais d'essences importées, nous prônons l'installation de placettes d'observation en zone non gérée pour suivre l'évolution des essences autochtones. Il s'agit d'observer l’évolution « naturelle » de la forêt à l'aune des évolutions climatiques. Les naturalistes rappellent que ce sont les zones non exploitées (dont les vieilles forêts) qui stockent le plus de carbone à la fois au niveau des sols et de la végétation ligneuse. Les parcelles non exploitées renferment une biodiversité plus riche en taxons ornithologiques, en mammifères (lynx, chat sauvage) et en insectes liés au bois mort.

À ce titre, la forêt de demain devrait inclure une surface significative d'au moins 10 % laissée en libre évolution. Et nous resterons vigilants pour que cette demande de progression des surfaces laissées en libre évolution ne se traduise pas par l’abandon de la multifonctionnalité sur le reste de la forêt qui pourrait se retrouver vouée exclusivement à la fonction de production.

Parmi les différentes sensibilités des défenseurs de la nature, un des points de convergence est la préférence pour une forêt composée d'essences mélangées. Le mélange d'essences évite comme ce fut le cas des frênaies ou des pessières de voir dépérir les tiges ligneuses de l'ensemble des parcelles sous les attaques des parasites spécifiques. Même si des épicéas isolés ont aussi été attaqués par les scolytes, leur abattage a eu moins d'effet au niveau paysager que les coupes rases pour raison sanitaire. Il existe toute une gamme d'améliorations possibles des peuplements selon leur état, le nombre de baliveaux, le nombre de semenciers potentiels sans avoir au recours de la conversion vers une sylviculture intensive avec une artificialisation du milieu. Lorsque le peuplement n'est plus récupérable comme dans certains taillis de Châtaignier, la plantation peut être réalisée en trouées sur la base d'un mélange de feuillus autochtones. Nous sommes partisans également de développer la futaie irrégulière et de la création d'une mosaïque de futaies avec des parcours sylvicoles différents.

J'abonde également dans le sens de ceux qui préconisent de distinguer sémantiquement les plantations monospécifiques (ou légèrement mélangées en lisière) à vocation d'être traitées en coupe rase (peupleraies, pessières, pineraies) des forêts mélangées à couvert continu soumises ou pas à des prélèvements. La préservation de la biodiversité sous couvert continu aide à préparer l’adaptation des forêts, qu’elles soient productives ou protégées. Nul ne sait aujourd’hui précisément ce que seront les forêts de demain et la manière dont elles évolueront sous l’effet des changements climatiques. Ce que nous défendons, c’est que les capacités de résilience et de résistance d’écosystèmes forestiers dans certaines régions seront d’autant plus fortes que les forêts abriteront une biodiversité en bon état de conservation à différents niveaux d’appréciation (diversité fonctionnelle, génétique, spécifique et paysagère).

Enfin, les espaces forestiers de par leur multifonctionnalité rendent de nombreux services à la société et à ce titre, au-delà des droits dont jouit la personne propriétaire ou gestionnaire, l'exercice de ces droits ne peut pas s'affranchir d'une responsabilité sociale. Si la forêt est une affaire de temps et d'espace, la politique forestière est une affaire de société. Après des siècles d'évolutions écologiques lentes qui permettaient à l'Homme d'« imiter la nature et hâter son œuvre » pour tirer de la forêt les services qu'il en attendait, c'est un paysage beaucoup plus chaotique de crises qui se présente à lui maintenant : c'est la pérennité des peuplements forestiers actuels, en discordance avec l'évolution écologique de leur milieu, qui est menacée. Après des périodes d'évolutions lentes sur plusieurs siècles, les attentes actuelles de la société illustrent une forte accélération de l'histoire. La société contemporaine, très majoritairement urbaine, exprime des réactions nouvelles à l'égard de la gestion forestière. Une exploitation forestière même certifiée « soutenable » des ressources naturelles peut être ressentie comme insuffisante voire rejetée au regard de la soif de milieux naturels épargnés par l'anthropisation. Apparue de façon sporadique ou ténue il y a vingt ou trente ans en arrière, la prise en considération des enjeux de naturalité et d'ambiance forestière, dans la demande sociale publique, a pris aujourd'hui une place prépondérante. Ainsi, lors des débats au niveau national ou territorial, il y a lieu de mieux considérer les associations de protection de l’environnement constituées de citoyens qui se regroupent pour être force de propositions pour la multifonctionnalité des forêts, de les inclure systématiquement dans tous les instances de réflexion et de dialogue sur le présent et l'avenir de la forêt. Ne pas les intégrer c'est augmenter le risque de voir apparaître des oppositions radicales et s'éloigner la possibilité d'un débat public serein, gage d’accords concertés.

Depuis ma formation en gestion forestière engagée en 2014, cette contribution n'aurait pas été possible sans le partage des connaissances avec le directoire Forêt de FNE (pilote Hervé Le Bouler), Rodolphe Pierrat mon maître de stage BTS à l'ONF, Claude Michel du PNR aux Ballons des Vosges et les nombreux responsables et techniciens du CNPF et de la Chambre d'Agriculture d'Alsace.

Notes

  • https://eost.unistra.fr/observatoire/surfaces-et-interfaces-continentales/ohge
  • https://fne.asso.fr/

Auteurs


Patrice Dalo

patrice.dallo@orange.fr

Affiliation : Réseau Forêt, France Nature Environnement

Pays : France

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