Ateliers
« Quelle organisation collective pour faire face aux crises ? » : synthèse de l’atelier
Résumé
La filière forêt-bois connaît depuis toujours une succession de crises et de difficultés que les professionnels sont amenés à gérer : état sanitaire des forêts, tempêtes, adéquation ressource / besoins… Pour y répondre le plus efficacement possible, il est important d’identifier les acteurs compétents et de mobiliser l’ensemble de la filière, pour trouver collectivement des solutions adaptées. Les expériences passées, l’identification des difficultés, ainsi que l’apport des chercheurs doivent permettre d’anticiper au mieux la gestion de nouveaux épisodes de crise, tout en limitant leurs conséquences néfastes.
Messages clés
La filière forêt-bois gère depuis des années une succession de crises.
Les prises de décision nécessitent d’identifier les acteurs compétents.
Les prises de décision doivent se fonder sur les expériences du passé.
Abstract
The wood-forest sector has always been faced with successions of crises and difficulties that professionals have to deal with: the sanitary state of forests, storms, resources/needs balance… To meet these issues as efficaciously as possible, it is important to identify the competent stakeholders and involve the whole sector in order to find adapted solutions collectively. Past experiences, identification of hurdles and researchers’ inputs should lead to best anticipate the management of new crises while limiting their deleterious consequences.
Highlights
The wood-forest sector has had to manage a succession of crises these last years.
Decision making requires identifying the competent stakeholders.
Decision making should be based on past experience.
Introduction
Face aux constats de multiples crises qui se cumulent et interfèrent, l’atelier « Quelle organisation collective pour faire face aux crises ? » organisé dans le cadre du colloque ReGeFor2020 avait pour objectif d’envisager des solutions pouvant concrètement être apportées pour répondre au mieux aux situations rencontrées. En effet, en plus des problèmes sanitaires notamment causés par l’invasion de bioagresseurs et par le changement climatique qui touchent directement les principales essences du Grand Est, se sont ajoutées la crise liée à la Covid-19 et ses conséquences sur l’aval de la filière forêt-bois, avec notamment des difficultés d’approvisionnement pour les entreprises de seconde transformation.
Tout ceci se produit dans un contexte important de mutation, avec des positions en fortes évolutions lors des décennies passées sur la place de la plantation et de la régénération naturelle, un changement du mix-produits au sein des industries lourdes avec une baisse des débouchés pour les connexes de scieries et les bois d’industries
La réflexion des participants (chercheurs, gestionnaires forestiers, pépiniéristes, agents de services de l’État, interprofession) s’est ainsi efforcée de prendre en compte, dans la mesure du possible, l’aspect multifactoriel des problèmes soulevés et les interactions positives ou négatives qu’ils pouvaient avoir entre eux.
Des expériences réussies
Les partages d’expériences de gestion de crises réussie ont systématiquement fait ressortir l’importance du travail collectif et partenarial, qui permet à la fois de créer une émulation positive entre les acteurs de la filière et d’apporter des solutions nouvelles et innovantes. Le guide de gestion de crise élaboré en Grand Est
Quels besoins ?
Avant d’essayer d’apporter des réponses à la question posée par l’atelier, un recensement des difficultés rencontrées a été effectué, pour cerner ensuite plus clairement quels moyens et organisations mettre en œuvre pour y arriver :
— sur le volet mobilisation et commercialisation :
- manque de visibilité sur l’évolution des prix, les marchés potentiellement accessibles et les disponibilités des matériels ;
- insuffisance en matière d’infrastructures en haute montagne pour accéder aux zones touchées ;
— sur le volet reboisement :
- manque de visibilité sur les disponibilités en graines et plants, qui crée des distorsions entre l’offre et les besoins ;
- faible prise en compte du changement climatique et de ses conséquences, sur les exigences des acteurs opérationnels du reboisement ;
- pas d’état des lieux permettant de factualiser les expériences passées, en recensant par exemple les réussites et les échecs en termes de régénération de couverts forestiers, pour en tirer ensuite des leçons ;
— de manière transversale :
- mobilisation de l’expertise existante peu efficace et non optimisée ;
- manque de personnels et d’opérateurs formés aux besoins actuels et futurs engendrés par les crises.
Ces divers sujets ont fait apparaître à chaque fois un besoin de coordination large entre tous les acteurs potentiellement concernés (pépiniéristes, propriétaires et gestionnaires forestiers, ETF, exploitants forestiers, transporteurs, scieries, industries lourdes, chercheurs, institutions, etc.) et la nécessité d’un travail réellement collectif.
Le fait d’apporter systématiquement une réponse dans l’urgence a aussi été questionné, notamment au regard de la thématique du reboisement, qui nécessite de prendre du recul pour éviter les échecs et peut créer des pics d’activité et de tensions extrêmes, au lieu d’étaler sur une dizaine d’années la réflexion sur les choix à opérer et la traduction opérationnelle de ces derniers. La durée de 2 ans fixée pour réaliser les engagements du plan de relance est ainsi apparue comme trop brève vis-à-vis des points évoqués précédemment.
À titre d’exemple, l’organisation de la filière graines et plants nécessite un certain temps, qui n’est malheureusement pas prévu par le plan de relance qui intervient sur un temps très court. Le positionnement géographique des vergers à graines doit aussi être réfléchi à une échelle nationale, pour une répartition sur l’ensemble du territoire, pour limiter les risques liés au climat.
Quels acteurs et ressources mobiliser ?
Au-delà des acteurs de la filière, il faut pouvoir prendre en considération les attentes de la société civile, des structures environnementales et des élus, qui peuvent exprimer des attentes et des besoins. Ainsi, ils peuvent a minima interférer avec les actions proposées par les professionnels, voire s’y opposer, mais aussi ouvrir de nouvelles approches et perspectives.
La capacité à conserver et à transmettre l’historique des enseignements des crises passées, par des outils et/ou des personnes est fondamentale dans la réactivité des réponses et la pertinence de ces dernières.
Une bonne articulation entre les services de l’État et les collectivités territoriales s’avère indispensable pour augmenter l’efficience des mesures d’aides et d’accompagnement à déployer. Il n’en demeure pas moins que, par ses compétences régaliennes, l’État doit conserver un certain leadership dans le pilotage des crises.
La connaissance du réseau et un recensement des différents acteurs et structures pouvant être amenés à interagir sont aussi nécessaires, avec en complément l’identification de moyens humains pouvant être mis à disposition, pour assurer ensuite l’animation des différentes personnes déjà en place et souvent très sollicitées par ailleurs avec leurs activités habituelles. Cela est indispensable pour mener concrètement à bien les orientations et projets construits collectivement. Les pouvoirs publics devraient être en première ligne sur ce volet de pilotage, car la coordination et la structuration de cet écosystème sont primordiales.
Les acteurs de l’aval de la filière devraient être plus partie prenante des réflexions sur l’anticipation des crises sanitaires, car les choix opérés peuvent modeler à moyen et long termes un nouveau mix-produits qu’ils seront amenés à travailler et valoriser.
Le développement de projets multi-acteurs permet enfin une connaissance des attentes et des problématiques mutuelles qui facilitent en période de crise un travail efficace en commun.
Quels écueils éviter et quelles réponses apporter ?
Au niveau des écueils, la fluctuation des prix, l’absence de coordination avec les autres pays, les fausses urgences, le manque de données et les difficultés de coordination évoquées précédemment ont été rappelés.
L’inadéquation entre le temps long de la recherche et le besoin rapide de réponses en période de crise a été mis en avant. Pour limiter ce décalage, il est important que les chercheurs fassent part de l’état de leur connaissance à un instant donné, avec les limites que cela induit, sans vouloir attendre que leurs travaux soient totalement finalisés et achevés. Il faut accepter de communiquer avec un certain niveau d’incertitude, en ciblant le transfert de connaissance par la vulgarisation pour atteindre un public large.
À l’inverse, il faut prendre en compte en amont les alertes du monde de la recherche pour anticiper au maximum les problématiques.
Les structures de transfert de technologie qui sont à l’interface entre le monde de la recherche et les acteurs de la filière ont un rôle prépondérant dans ce contexte. Néanmoins, la question d’un financement plus important se pose pour qu’elles puissent mieux assumer leurs responsabilités.
Il faut en outre rendre plus lisible la structuration de la filière pour permettre une sollicitation plus efficiente des acteurs au bon moment pour les bonnes compétences. L’origine de ces problèmes de communication entre la recherche et le monde économique doit aussi être interrogée pour y remédier, pour savoir s’il s’agit essentiellement de questions de confiance ou de représentativité par exemple.
Les discussions de l’atelier ont illustré les problématiques et attentes nombreuses qu’a suscité le sujet, mais aussi la volonté des participants de mieux travailler ensemble, pour faire concrètement avancer les dossiers évoqués.
Notes
- La baisse des débouchés pour les connexes de scieries et les bois d’industries était une réalité au moment de l’atelier. Depuis, la situation s’est totalement inversée avec une forte demande tirée par le bois énergie notamment.
- https://draaf.grand-est.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Valise_crise_plan_tempete_GE_vf_cle4ef8a8.pdf
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